Le ACE2 (angiotensin-converting enzyme 2) étant le récepteur du SARS-CoV-2, l’impact des inhibiteurs du système rénine-angiotensine (SRA) sur le risque d’infection est particulièrement surveillé. Faute de preuve en ce sens, il est recommandé aux patients de ne pas arrêter les IEC/ARA2 dans le contexte de la pandémie, ni de changer de molécule. Cependant, y a-t-il un intérêt à les arrêter lors d’une infection par le SARS-CoV-2 ?

 

Le ACE2, impliqué dans le système rénine-angiotensine-aldostérone, étant le récepteur du SARS-CoV-2, des craintes sont apparues au début la pandémie sur le possible rôle délétère des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2 (ARA2) en cas d’infection, car ils pourraient favoriser l’entrée du virus dans les cellules. 

Cependant, les IEC et les ARA2 sont largement prescrits, car ils font partie intégrante des traitements de l’hypertension artérielle, mais aussi de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection ventriculaire gauche altérée. 

Faute de preuve dans les études observationnelles d’un effet néfaste sur l’infection (un rôle plutôt protecteur serait suggéré par certaines), et sachant que les comorbidités cardiovasculaires sont un facteur de risque de forme grave de Covid-19, il est recommandé de prescrire ces traitements selon les recommandations chez les patients ayant une insuffisance cardiaque, une HTA ou un infarctus du myocarde, dans le contexte pandémique. Il n’est pas non plus recommandé de « switcher » de molécule, aucun antihypertenseur n’ayant fait la preuve, à ce jour, d’un rôle quelconque sur la susceptibilité à l’infection. Toutefois, y a-t-il un intérêt à les interrompre en cas d’infection prouvée, surtout chez les patients hospitalisés ? 

Brace Corona est la première étude randomisée évaluant l’impact clinique de l’arrêt ou de la poursuite des IEC/ARA2 en cas d’infection par les SARS-CoV-2. Multicentrique (29 centres brésiliens), elle a été menée chez des patients hospitalisés entre avril et juin 2020 pour infection à SARS-CoV-2 (âge moyen : 55 ans ; 60 % d’hommes). Les 659 patients inclus – recevant au préalable un traitement par IEC ou bloqueurs du récepteur AT1 de l’angiotensine 2 (ARA2 ou sartans) – étaient randomisés pour la poursuite ou l’arrêt de ce traitement

Les critères d’exclusion étaient les suivants : hospitalisation pour décompensation cardiaque dans les 12 derniers mois, traitement par plus de trois anti-hypertenseurs ou par sacubitril/valsartan, instabilité hémodynamique dans les 24 heures après la confirmation de l’infection Covid-19 (forme sévère). L’âge moyen de la population était de 55,7 ± 12,9 ans, 9 patients (1,4 %) avaient une insuffisance cardiaque chronique et 100 % une HTA. La durée médiane d’évolution des symptômes était de 6 jours au moment de l’entrée dans l’étude. 

Les résultats ne montrent pas de différence dans le critère principal de l’étude, la survie en dehors de l’hôpital. Pas de différence non plus dans les critères secondaires : la mortalité (2,7 % dans le groupe « arrêt » contre 2,8 % dans le groupe « poursuite »), les décès d’origine cardiovasculaire (0,6 % dans le groupe « arrêt » contre 0,3 % dans le groupe « poursuite ») ou l’aggravation de l’infection (38,3 % dans le groupe « arrêt » contre 32,3 % dans le groupe « poursuite », mais cette différence n’est pas significative).

Cette étude indique donc qu’il n’y aucune différence significative en termes de survie en dehors de l’hôpital à 30 jours entre l’arrêt ou la poursuite des IEC/ARA2 chez les patients hospitalisés pour Covid-19. Néanmoins, les sujets atteints de formes sévères de Covid-19 n’ont pas été inclus dans cette étude.

Ainsi, au vu de ces résultats, à ce jour, il n’est toujours pas recommandé d’arrêter les traitements par IEC/ARA2 chez les patients hospitalisés pour une forme légère à modérée de Covid-19.

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien

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