À la suite de l’avis de l’Agence européenne du médicament du 18 mars 2021, la vaccination avec AstraZeneca peut se poursuivre ! La HAS recommande de le réserver, pour le moment, aux plus de 55 ans. Ce qu’il faut savoir pour expliquer cette décision aux patients et les rassurer.

 

La survenue de cas d’évènements graves thromboemboliques et hémorragiques chez des personnes vaccinées avec le vaccin d’AstraZeneca a conduit, depuis le 11 mars, plusieurs pays (Danemark, Norvège, Islande, Pays-Bas, Allemagne, Italie, Espagne, Portugal et France) à suspendre son utilisation.

Le Comité d’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne du médicament (EMA) s’est penché en urgence sur l’examen des données disponibles et a donné un premier avis le 18 mars 2021.

Première bonne nouvelle : il n’y a pas d’augmentation du risque global d’évènements thromboemboliques classiques (phlébites, embolie pulmonaires) chez les personnes vaccinées avec AstraZeneca. Les avantages de ce vaccin dans la lutte contre la Covid-19 l’emportent largement sur le risque d’effets indésirables. Le nombre global d’événements thromboemboliques rapportés après la vaccination est même inférieur à celui attendu dans la population.

Deuxième point rassurant : contrairement aux inquiétudes initiales, les évènements survenus ne sont pas liés à des lots spécifiques de vaccin ni à des sites de fabrication particuliers.

Toutefois, la possibilité d’un lien entre le vaccin et des cas de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD)* et de thrombose veineuse cérébrale (TVC) ne peut pas être écartée. Ces événements restent extrêmement rares : au 16 mars 2021, 18 cas de thrombose veineuse cérébrale et 7 cas de CIVD (dont 9 décès au total), ont été signalés à l’EMA par les États membres et le Royaume-Uni, sur environ 20 millions de personnes vaccinées avec AstraZeneca, la quasi-totalité étant survenus chez des personnes de moins de 55 ans, dont une majorité de femmes. Parmi ces cas, 3 ont été signalés en France (sur 1,4 million doses du vaccin AstraZeneca administrées) : une femme de 26 ans ayant une CIVD, un homme de 51 ans et une femme de 24 ans avec une TVC sans thrombopénies associées. Seulement 5 cas de TVC ont été signalés au Royaume-Uni, sur plus de 11 millions de personnes vaccinées (rappelons que dans ce pays la majorité des personnes recevant le vaccin avaient plus de 65 ans). Ces troubles apparaissent généralement dans les 2 semaines après vaccination. Selon Élisabeth Bouvet « ce sur-risque chez la femme pourrait être lié au fait que davantage de femmes de moins de 55 ans ont été vaccinées avec ce vaccin (les professionnels de santé étant en majorité des femmes) ». En France, les personnes concernées sont en cours de rétablissement, mais, selon une mise à jour de l'ANSM du 22 mars, un décès est survenu chez une personne de 24 ans – une investigation clinique approfondie le concernant a été mise en place par les CRPV. Ces événements font actuellement l’objet d’un signal au niveau européen afin de déterminer leur lien avec le vaccin. 

En prenant comme référence l’incidence observée avant la pandémie de Covid, le PRAC a estimé que l’on aurait pu s’attendre en moyenne, au 16 mars 2021, à moins de 1 cas de CIVD et à 1,35 cas de TVC dans la population vaccinée de moins de 55 ans, alors que respectivement 5 et 12 cas ont été signalés. Ceci correspond à un risque 5 fois plus élevé pour la CIVD et 8 fois plus pour la thrombophlébite cérébrale. Un tel déséquilibre n’a pas été observé dans la population plus âgée vaccinée.

Mise à jour du 29/03 : L'ANSM, quant à elle, a signalé dans son dernier rapport de pharmacovigilance (couvrant les données validées du 12 mars au 18 mars 2021) que le caractère très atypique des thromboses observées, leurs tableaux cliniques proches et le délai de survenue homogène conduisent à confirmer la survenue, très rare, de ce risque thrombotique chez les personnes vaccinées par le vaccin AstraZeneca. Dans ce rapport, elle fait était de 16 nouveaux événements thromboemboliques (pour un total de 29 cas depuis le début de la vaccination) ; parmi eux, 9 cas de thromboses des grosses veines, atypiques par leur localisation (cérébrale en majorité, mais également digestive), pouvant être associés à une thrombopénie ou à des troubles de coagulation ont été observés, dont 2 décès. Ces cas sont survenus dans un délai médian de 8,5 jours après la vaccination chez des personnes sans antécédents particuliers identifiés à ce jour (7 patients de moins de 55 ans, 2 patients de plus de 55 ans). 

Mise à jour du 08/04 : l'EMA a aussi confirmé, dans un communiqué du 7 avril, que la survenue de ces thromboses atypiques devait figurer sur la liste des effets indésirables très rares du vaccin d'AstraZeneca. Elle a signalé que la plupart de ces cas sont survenus chez des femmes de moins de 60 ans dans les 2 semaines suivant la vaccination. Elle a également confirmé que la balance bénéfice-risque du vaccin dans la prévention du Covid-19 reste globalement positive.

 

 

Ainsi, compte tenu, d’une part, du déroulement de la campagne vaccinale – qui va concerner au cours des deux prochains mois les populations âgées – et, d’autre part, de l’existence d’alternatives pour les plus jeunes, la HAS recommande à ce stade de n’utiliser le vaccin AstraZeneca que pour les personnes âgées de 55 ans et plus, qui constituent la très grande majorité des personnes prioritaires (et d’utiliser donc les vaccins à ARNm chez les personnes éligibles de moins de 55 ans).

Les patients âgés doivent être rassurés : d’une part, il n’y pas de sur-risque thromboembolique dans cette population ; d’autre part, les études en vie réelle ont montré que le vaccin AstraZeneca a une efficacité remarquable chez les plus de 65 ans.

Et que faire pour les personnes de moins de 55 ans qui ont déjà reçu une dose ? En attendant la communication officielle de la HAS qui devrait arriver bientôt, le Pr Alain Fischer, président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale anti-Covid-19, que nous avons interviewé pour vous, déclare : « La recommandation sera d’administrer une dose de vaccin ARN. »

Important : indiquer aux patients, lorsqu’ils sont vaccinés par AstraZeneca, de consulter immédiatement le médecin en présence des signes d’alerte suivants :

– saignements anormaux ;

– difficultés à respirer, essoufflement ;

– douleur thoraciques ou abdominales ; 

– œdème des membres inférieurs ou supérieurs.

– maux de tête sévères ou persistants ;

– troubles visuels ;

– ecchymoses cutanées (pétéchies) au-delà du site de vaccination après quelques jours.

 

Voir aussi notre synthèse du dernier rapport de pharmacovigilance de l'ANSM, sur tous les vaccins : Vaccinovigilance : les yeux rivés sur AstraZeneca…

 

 

* La coagulation intravasculaire (CIVD) est caractérisée par une activation systémique et excessive de la coagulation. Cette dernière aboutit à une production de thrombine (FII) en excès, entraînant la transformation du fibrinogène en fibrine et l’activation des plaquettes, ce qui induit la formation de micro-thrombus dans la circulation. Il s’ensuit une consommation des facteurs de la coagulation, des plaquettes, entraînant un risque hémorragique. La CIVD peut donc provoquer à la fois une thrombose et des saignements. La forme aiguë se manifeste fréquemment par un tableau souvent « catastrophique » avec des micro-thromboses diffuses responsables de nécroses organiques ischémiques (peau, poumon, rein, cerveau…), des hémorragies provoquées (post-geste invasif : ponction veineuse ou artérielle, ou chirurgie) ou spontanées (cutanéo-muqueuses). Les principales causes sont les infections sévères (septicémie à bacille Gram négatif ; infections virales sévères, paludisme à Plasmodium falciparum), les pathologies obstétricales, certaines chirurgies, cancers et hémopathies malignes. Le diagnostic biologique est parfois délicat. Le traitement repose sur la correction de la cause sous-jacente et, en cas d'hémorragies graves, sur la transfusion de plaquettes, l’apport de facteurs de la coagulation (plasma frais congelé) et/ou de fibrinogène.

 

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien

 

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