BA.4, BA.5, XD, XE… des sous-lignages d’omicron ou bien de variants « recombinants » (issus d’une combinaison entre deux souches différentes) ont été détectés dans plusieurs pays dès le début de l’année. Quelle est leur diffusion aujourd’hui, dans le monde, et notamment en France ? Quelles différences par rapport au variant omicron ? Le point sur les dernières données disponibles.

Sous-lignages BA.4 et BA.5

Deux nouveaux sous-variants de la lignée omicron, BA.4 et BA.5, classés « variants d’intérêt » par l’OMS, ont été détectés pour la première fois en Afrique du Sud en janvier-février 2022. Fin avril, quelques centaines de séquences avaient été soumises à la base de données globale Gisaid, provenant aussi du Botswana, du Danemark, de l’Angleterre et de l’Écosse. BA.4 et BA.5 sont assez similaires à BA.2, mais leur protéine Spike possède en plus les mutations d’intérêt L452R et F486V, dont la première est une source potentielle d’inquiétude (elle a été décrite comme l’un des facteurs associés à la transmissibilité importante du variant delta).

Ces deux variants seraient responsables de l’augmentation du nombre de cas quotidiens de Covid rapportée depuis plusieurs jours en Afrique du Sud, où l’hiver débute. Les chercheurs sud-africains estiment que ces sous-lignages ont aujourd’hui un avantage de croissance sur BA.2, qui serait similaire à celui qu’avait ce dernier sur BA.1. Par ailleurs, les premiers signes de reprise des hospitalisations sont notés dans certaines provinces de ce pays, mais des recherches sont en cours pour déterminer la sévérité de la maladie causée par ces deux souches, et leur capacité d’échappement immunitaire.

Également surveillés de près par l’European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC), ils ont été détectés dans plusieurs pays du continent (Belgique, Danemark, Suisse, Autriche, Allemagne, Portugal…). Mais, pour l’instant, il n’y a aucune évidence de transmission communautaire en Europe (cas détectés sporadiquement, souvent liés à des voyages). L’ECDC note également qu’aucune donnée à l’heure actuelle n’indique que BA.4 et BA.5 ont des répercussions cliniques ou épidémiologiques importantes.

En France, seuls 1 cas de BA.4 et 2 cas de BA.5 auraient été identifiés, d’après la dernière analyse de risque de Santé publique France (SPF) et du Centre national de référence virus des infections respiratoires (datant du 20 avril).

Enfin, un autre sous-lignage de BA.2, BA.2.12.2, suivi comme « variant préoccupant » (variant of concern, VOC), est en augmentation dans certaines régions des États-Unis.

Variants recombinants

Ils se produisent lors de co-infections : deux variants différents infectent une personne au même moment, et combinent leur matériel génétique. Plusieurs ont aujourd’hui été repérés dans le monde : XD, XF et XS sont des recombinants des variants delta et omicron, tandis que XE, XG, XH, XJ, etc. sont de recombinants des sous-lignages BA.1 et BA.2 d’omicron.

Recombinants de BA.1 et BA.2

Différents variants recombinants BA.1-BA.2 (XE, XG, XH, XJ, XL… XT) ont été séquencés, principalement au Royaume-Uni, au Danemark, en Finlande, en Allemagne, en Israël, en Inde…

Selon le dernier rapport (datant du 6 mai) de la UK Health Security Agency (UKHSA), 1 880 cas de XE avaient été décelés au Royaume-Uni (le premier avait été signalé mi-janvier), majoritairement en Angleterre. Néanmoins, ce variant représente moins de 1 % des cas séquencés, les sous-lignages d’omicron BA.2 et BA.1 restant largement majoritaires (92 % et 8 % respectivement). La majorité du génome de XE, y compris le gène S (codant pour la protéine Spike), appartient à BA.2.

Selon un autre rapport de la UKHSA (datant du début avril), XE aurait un taux de croissance 12,6 % supérieur à celui de BA.2 ; cet avantage atteindrait 20,9 % en prenant en compte seulement les données du mois de mars. Toutefois, les autorités britanniques précisent que cela ne peut pas encore être interprété comme un signe d’avantage intrinsèque de croissance (la relation avec les changements dans la politique de tests est explorée).

À ce jour, les recombinants XE et XL n’ont été détectés en France qu’à des niveaux négligeables.

D’après SPF, il est peu probable que ces recombinants BA.1-BA.2 aient des caractéristiques différentes de celles des deux lignages parentaux, étant donné la similitude entre ces derniers. Pour cette raison, ces recombinants sont aujourd’hui considérés comme appartenant au variant omicron.

« Jusqu’à présent, il n’y a pas assez de preuves pour tirer des conclusions sur la transmissibilité [de ce variant], la gravité [de l’infection] ou l’efficacité du vaccin », a aussi déclaré Susan Hopkins, conseillère médicale en chef de l’UKHSA.

XD (« deltacron »)

Au cours de la période de co-circulation de delta et omicron, une cinquantaine de cas de co-infections avaient été identifiés en France, entraînant une surveillance renforcée sur les phénomènes possibles de recombinaison. Le recombinant XD delta-omicron a ainsi été séquencé pour la première fois en février lors d’une enquête Flash de surveillance génomique de routine ; on estime qu’il aurait circulé depuis début 2022. La majorité de son génome correspond au sous-lignage AY.4 du variant delta, et une grande portion du gène S au sous-lignage BA.1 d’omicron.

En France, au 15 avril, 77 infections par ce variant ont été rapportées (54 cas confirmés et 23 suspects non séquencés), en particulier en Normandie et dans les Hauts-de-France. Toutefois, il n’a jamais dépassé les 0,1 % des cas séquencés au cours des enquêtes Flash. Cette stabilité à des niveaux faibles de détection, tout comme la faible détection au niveau mondial, serait en faveur d’une absence d’avantage de transmission par rapport à BA.2, aujourd’hui majoritaire en France (99 % des séquences d’omicron identifiées au cours de l’enquête Flash du 4 avril).

Parmi ces 77 personnes infectées, l’âge médian était de 37 ans (le cas le plus jeune ayant 4 ans et le plus âgé 86 ans), soit un âge médian similaire à celui des cas omicron, mais avec une distribution différente – plus de cas chez les enfants et les personnes de plus de 60 ans, notamment. La majorité (72 %) étaient associés à des clusters, familiaux surtout. Si la proportion de cas XD ayant reçu 3 doses de vaccin était plus élevée que chez les cas infectés par omicron, cette différence est probablement liée aux différentes périodes d’investigation des deux variants (novembre 2021-janvier 2022 pour omicron et janvier-avril 2022 pour XD).

Seuls 4 de ces cas étaient asymptomatiques. La différence principale entre les signes cliniques constatés lors d’une infection par omicron et par XD était le taux plus élevé d’agueusie et d’anosmie avec ce dernier. Enfin, parmi les cas investigués, 8 hospitalisations ont été rapportées, dont 4 faisaient partie d’un cluster hospitalier (hospitalisations pour d’autres raisons que le Covid). Aucune admission en soins critiques et aucun décès n’ont été rapportés pour le moment.

Quid de la pathogénicité et l’échappement immunitaire ?

Une analyse de ce recombinant réalisée par l’Institut Pasteur (publiée en preprint) a montré que la neutralisation du variant XD par les anticorps post-vaccinaux ou monoclonaux était similaire à celle observée contre BA.1, avec toutefois une réduction plus prononcée de l’efficacité du sotrovimab (Xevudy, disponible aujourd’hui en France en traitement curatif pour les patients à risque) face à XD par rapport à BA.1.

En revanche, sur modèle murin, sa pathogénicité et sa réplication dans les différentes zones du système respiratoire ont montré des différentes par rapport à omicron : une réplication plus efficace que BA.1 dans les voies aériennes supérieures mais moins efficace dans les poumons.

Pour conclure

La situation en France en termes de variants circulants est aujourd’hui stable, avec une dominance du variant omicron BA.2, mais, dans le contexte épidémiologique actuel où l’incidence reste très élevée, l’émergence d’un nouveau variant dérivé de la souche dominante ou fruit d’une recombinaison ne peut être exclue.

En parallèle, de nouveaux candidats vaccins ciblant les mutations spécifiques d’omicron sont en cours d’étude. Moderna, par exemple, a annoncé que son candidat mRNA-1273.214 incluant 32 mutations propres à omicron est en cours d’étude en phase II/III (premiers résultats attendus en mai-juin).

Pour en savoir plus
Santé publique France. Coronavirus : circulation des variants du SARS-CoV-2. 22 avril 2022.
UK Health Security Agency. SARS-CoV-2 variants of concern and variants under investigation in England. Technical briefing 41. 6 mai 2022.
UK Health Security Agency. SARS-CoV-2 variants of concern and variants under investigation in England. Technical briefing 40. 8 avril 2022.
Simon-Lorière E, Montagutelli X, Lemoine F, et al. Rapid characterization of a Delta-Omicron SARS-CoV-2 recombinant detected in Europe. Research Square (preprint) 4 avril 2022.
Gozlan M. Omicron : ce que l’on sait des sous-variants BA.4 et BA.5. Le Monde - Réalités biomédicales, 30 avril 2022.

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