Si les vaccins BNT162b2 mRNA (Pfizer-BioNTech) et ChAdOx1 (Oxford-AstraZeneca) ont démontré une très bonne efficacité contre l’infection dans les essais cliniques de phase III, il est urgent de connaître leurs effets « dans la vraie vie », d’autant plus dans ce contexte de circulation des variants du SARS-CoV-2. Les premières données sur les conditions d’utilisation réelle du vaccin de Pfizer viennent d’Israël, où la campagne de vaccination est très en avance par rapport au reste du monde. Dans une première étude, incluant plus de 500 000 individus, ce vaccin a montré une efficacité de 51 % dans la prévention de l’infection par le SARS-CoV-2 (symptomatique ou asymptomatique) 13 à 24 jours après la première dose. Une autre étude de cohorte portant sur 9 109 soignants dans le plus grand hôpital israélien a fait état d’une réduction des infections de 30 % et 75 % respectivement 1 à 14 jours et 15 à 28 jours après une première injection. Enfin, selon un rapport tout récent, après les deux doses du vaccin Pfizer, l’efficacité contre les infections symptomatiques s’élèverait à 94 %.
Comme le reste du Royaume-Uni, l’Écosse a commencé sa campagne de vaccination contre la Covid début décembre. Dans cette étude écossaise soumise au Lancet le 19 février, l’objectif était d’estimer l’efficacité de la première injection de vaccin – Pfizer ou AstraZeneca – sur la prévention des hospitalisations.
Il s’agit d’une étude de cohorte prospective reposant sur la base de données EAVE II (Early Pandemic Evaluation and Enhanced Surveillance of COVID-19), incluant 5,4 millions de personnes (couvrant près de 99 % de la population écossaise). Entre le 8 décembre 2020 et le 15 février 2021, 1 137 775 patients ont été vaccinés (21 % de la population), en priorité les personnes âgées de plus de 80 ans (qui, contrairement à la France, ont majoritairement reçu le vaccin AstraZeneca), et les sujets très fragiles (cinq comorbidités ou plus : 72,2 % ; fumeurs : 42,3 % ; HTA très élevée : 39,1 %), la majorité de ces derniers ayant reçu le vaccin à ARNm BNT162b2. L’efficacité du vaccin sur la diminution des hospitalisations liées à la Covid-19 augmentait au fil du temps pour atteindre un pic 28-34 jours après la première dose, et ce pour les deux vaccins : elle était de 85 % pour Pfizer et de 94 % pour AstraZeneca. Des résultats similaires ont été observés après stratification par groupes d’âge. Lorsque l’analyse s’est focalisée sur les personnes de plus de 80 ans (tenant compte des résultats des 2 vaccins), la baisse des hospitalisations était de 81 % à un mois.
Les auteurs ont donc conclu qu’une injection unique du vaccin Pfizer ou AstraZeneca protège de façon significative de l’hospitalisation liée à la Covid-19.
Ces résultats sont encourageants, mais ils doivent être interprétés avec prudence en raison de la méthodologie de ce type d’étude observationnelle. Contrairement aux données israéliennes, cet essai n’a pas évalué l’effet sur la prévention de l’infection ou de la transmission virale, mais seulement sur le risque de faire une forme grave. De plus, le vaccin AstraZeneca étant principalement utilisé chez les personnes âgées et n’étant disponible qu’à partir du 4 janvier 2021, le nombre de patients concernés est faible. Si cette étude doit être poursuivie pour analyser l’effet d’un cycle complet de vaccination (2 doses), les auteurs estiment que ces résultats sont en faveur de la possibilité (qui fait encore débat) de reporter la deuxième dose pour permettre une couverture plus rapide de la population.
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien