Le lien entre l’exposition à certains pesticides via l’alimentation et le cancer du sein, encore peu étudié en population générale, vient de faire l’objet d’une publication dans l’International Journal of Epidemiology. Ces travaux, menés par une équipe mixte (Institut national de recherche agronomique [Inrae], Institut national de la santé et de la recherche médicale [Inserm], Conservatoire national des arts et métiers [Cnam] et Université Sorbonne Paris Nord) sur la cohorte NutriNet-Santé suggèrent que certaines substances présentes dans les pesticides augmenteraient le risque de survenue de cancer du sein en post-ménopause…

 

Les effets néfastes de ce type d’exposition sur la santé humaine sont déjà suspectés, notamment à la suite d’observations en milieu professionnel : certains pesticides utilisés dans l’agriculture en Europe perturberaient le système endocrinien et auraient des propriétés carcinogènes (avec un rôle notamment dans la survenue de cancers du sein et de la prostate). En population générale, ce lien est encore peu étudié, mais une étude publiée en 2018 par cette même équipe (sur la cohorte NutriNet-Santé) a, par exemple, déjà suggéré un lien entre la consommation d’aliments issus de l’agriculture biologique et un moindre risque de développer un cancer du sein en post-ménopause.

Cette nouvelle étude prospective, qui a commencé en 2014 et s’est déployée sur 4 ans, a inclus 13 149 femmes ménopausées, où 169 cas de cancer du sein ont été décelés. Elle mesurait leur exposition, par le biais d’aliments contaminés, à 25 substances actives présentes dans certains pesticides autorisés en Europe, y compris ceux utilisés en agriculture biologique. Les chercheurs ont établi 4 profils d’exposition aux pesticides, traduisant des mélanges différents de substances, qu’ils ont, grâce à des modèles statistiques, analysés dans le but d’explorer leur lien potentiel avec le risque de survenue d’un cancer du sein chez les participantes.

Une augmentation du risque de cancer du sein en post-ménopause chez les femmes en surpoids (IMC entre 25 et 30) ou obèses (IMC > 30) a été noté pour celles qui étaient exposées au profil dit « NMF n° 1 », caractérisé par des niveaux élevés de pesticides de synthèse comme les chlorpyriphos (utilisé sur les cultures d’agrumes, de blé, de fruits à noyau ou d’épinards, par exemple), à l’imazalil (également employé dans la culture d’agrumes, mais aussi de pommes de terre et des semences), au malathion (utilisé pour lutter contre les insectes suceurs – pucerons, cochenilles –, interdit en France depuis 2008 mais autorisé dans d’autres pays européens) et au thiabendazole (employé dans la culture de maïs, de pommes de terre et pour certains semis).

À l’inverse, une faible exposition à la plupart des pesticides de synthèse (profil « NFM n° 3) serait liée à une diminution de 43 % du risque de développer un cancer du sein en post-ménopause.

Des résultats qui doivent encore être confirmés dans d’autres populations, et dont les mécanismes pourraient également être éclairés par des études expérimentales…

L.M.A., La Revue du Praticien

Pour en savoir plus

Inrae, Certains cocktails de pesticides favoriseraient le risque de cancer du sein chez les femmes ménopausées, 15 mars 2021

À lire aussi

Barouki R. Perturbateurs endocriniens et nouveaux mécanismes de toxicité. Rev Prat 2018;68:1069-73.

Dossier – Conseils nutritionnels, élaboré selon les conseils du Pr Serge Hercberg. Rev Prat 2021;71:149-64.