Les nouveaux modes de consommation de nicotine et d’autres produits analogues, principalement par voie « électronique » (e-cigarette, cannabis vapoté, etc.), ne cessent d’augmenter, encouragés par l’industrie du tabac qui cherche à diversifier l’éventail de ses produits face à la baisse des ventes de nicotine sous forme de tabac fumé – pratique en croissante désaffection par une population de mieux en mieux informée sur ses risques sanitaires. Mais ces nouveaux modes de consommation sont-ils réellement moins nocifs ?

 

Le vapotage, de nicotine mais aussi de cannabis, est perçu – et vendu – comme plus sain, car il n’implique pas la combustion de ces produits (certains industriels allant même jusqu’à assurer que les vaporisateurs de cannabis sont conçus pour éviter l’inhalation de « toxines nocives »…). Cependant, les recherches sur le lien entre ces pratiques et la dégradation du système respiratoire, bien qu’encore balbutiantes, ne permettent pas d’étayer cet argument – bien au contraire. Une analyse transversale états-unienne, récemment publiée dans le JAMA (menée entre juin 2018 et octobre 2019 sur plus de 2 500 jeunes d’âge médian 19 ans), donne quelques pistes…

Des symptômes caractéristiques d’une bronchite chronique (toux quotidienne, congestion ou mucosité et/ou un diagnostic de bronchite au cours des 12 derniers mois) ont été observés à une fréquence plus élevée chez les consommateurs de cannabis vapoté (quelles que soient la fréquence et la durée de consommation déclarées), en comparaison aux non-utilisateurs, et ce indépendamment de l’utilisation de nicotine vapotée, de tabac et cannabis fumés, ainsi qu’en ajustant pour des variables sociodémographiques. Une respiration sifflante a aussi été rapportée 2 fois plus souvent dans le groupe ayant vapoté du cannabis au moins 3 fois dans les 30 derniers jours, par rapport aux participants n’ayant jamais eu recours à ce produit.

L’utilisation de l’e-cigarette (nicotine vapotée), quant à elle, a été associée à une plus grande probabilité de développer une dyspnée (lorsque l’e-cigarette avait été employée au moins 1 fois dans les 30 derniers jours), ou des symptômes de bronchite et des sifflements (vapotage au moins 3 fois dans les 30 derniers jours), bien que dans ce cas il ait été plus difficile d’établir l’indépendance de ces données par rapport à l’utilisation simultanée des cigarettes ou cannabis fumés, ou de cannabis vapoté. En effet, l’e-cigarette est par ailleurs associée à un plus grand risque de consommation de tous ces produits et autres substances addictives.

Si des études longitudinales sont encore nécessaires pour établir solidement un lien de causalité entre le vapotage et les symptômes respiratoires chroniques (car certaines études existent déjà pour la nicotine, mais c’est moins le cas pour le cannabis), plusieurs facteurs peuvent déjà être évoqués pour expliquer ce risque. Par exemple, l’acétate de vitamine E présent dans des e-liquides contenant du tétrahydrocannabinol (THC) a été associé à des lésions pulmonaires liées à l’évaporation (quoique cela ait été constaté plutôt avec des produits illicites et des types de vapotage qui ne sont probablement plus utilisés massivement) ; de façon générale, des différences importantes entre les constitutions chimiques des e-liquides cannabiniques et les nicotiniques peuvent être en jeu, ainsi que les différentes caractéristiques des produits (température de chauffage, type de dispositif, etc.). 

Quoi qu’il en soit, la panoplie de produits et dispositifs (plus de 150 marques d’e-liquides contenant du THC ou de la nicotine aux États-Unis, où cette analyse a été réalisée), et leur régulation défaillante sont des défis majeurs dans l’analyse de leur constitution et les risques sanitaires qui peuvent leur être associés… 

Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien

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Martinet Y, Béguinot E, Diethelm P, Wirth N. Industrie de la nicotine : réduction des risques, un objectif exclusivement financier. Rev Prat 2021;71:27-31.