La tradition des clowns dans les hôpitaux pédiatriques, qui remonte au moins au début du XXe siècle, a été rendue particulièrement célèbre par le médecin américain Patch Adams dans les années 1970 – et par le film biographique éponyme datant de 1998. Mais que disent les données au sujet de la présence de ces clowns sur les symptômes des enfants (anxiété, stress pré-opératoire…) ? Une revue de littérature récemment publiée dans le BMJ a tenté de répondre à cette question…

 

Les chercheurs ont analysé 24 études (13 randomisées et 11 non randomisées) comprenant les données de plus de 1 600 enfants et adolescents hospitalisés pour des affections aiguës et chroniques. Menées dans divers pays (Brésil, Colombie, Canada, Italie, Espagne, Corée du Sud, Danemark, entre autres), ces études ont comparé l’utilisation des clowns hospitaliers avec les soins standard (versus soins standard seuls) dans la gestion des symptômes tels que l’anxiété, le stress, la fatigue liée au cancer, la douleur…

Conclusion : la présence d’un clown peut effectivement aider à améliorer ces symptômes. Plus de la moitié des études montrent ainsi que dans des situations potentiellement stressantes (tests d’allergies, mise en place d’une anesthésie et en général avant une procédure chirurgicale), les enfants ont reporté des niveaux moindres d’anxiété et un meilleur ajustement psychologique lorsqu’ils interagissaient avec des clowns, et que cela pouvait aussi diminuer les pleurs durant une injection ou une prise de sang. Six autres études ont trouvé que la présence d’un clown améliorait la coopération des patients au cours de certaines procédures, aidant ainsi les praticiens à conduire l’examen. Spécifiquement chez des enfants avec des symptômes respiratoires, une longue session de jeu avec des clowns était liée à une plus rapide réduction des symptômes, une baisse de la pression artérielle diastolique, de la fréquence respiratoire et de la température, par rapport au groupe contrôle.

Cependant, les auteurs notent un risque considérable de biais pour plus de 80 % des études, sur la mesure des critères et les processus de randomisation (dans les essais randomisés), et sur les facteurs de confusion et des biais de sélection (dans les essais non randomisés). Par ailleurs, des données sur des biomarqueurs endocrinologiques ou immunologiques qui pourraient offrir une évaluation plus objective étaient lacunaires ou inconsistants, par exemple concernant les niveaux de cortisol : si dans certaines études les taux salivaires de cette hormone liée au stress étaient plus bas après une interaction avec des clowns, une autre étude montra que les enfants accompagnés par un clown avant une chirurgie pour hernie avaient des taux sanguins de cortisol plus élevés que les autres.

Et c’est sans compter la coulrophobie (phobie des clowns), qui selon une étude israélienne récente affecterait 1,2 % des enfants exposés à ces personnages dans les hôpitaux (majoritairement des filles d’âge médian 3,5 ans).

Des résultats encourageants mais mitigés, qui appellent la réalisation d’autres essais, sur des cohortes plus grandes, examinant séparément l’effet des clowns selon les différentes affections des enfants (conditions aiguës et chroniques, et en particulier cancer), mais aussi comparant, par exemple, les effets d’un clown versus l’utilisation d’autres méthodes proches (costumes loufoques, mais pas nécessairement évocateurs de clown, suggèrent les auteurs).

Quoi qu’il en soit, si ce type d’aide thérapeutique ne peut pas, en l’état actuel des connaissances, remplacer d’autres traitements pour l’anxiété et la douleur (des thérapies médicamenteuses, en particulier lorsque ces symptômes sont sévères), il peut toutefois aider à les soulager… 

Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien