À la lumière des nouvelles données scientifiques disponibles, la HAS élargit ses recommandations sur la vaccination contre la Covid-19, avec trois axes : extension de la liste des patients prioritaires, élargissement de l’indication d’AstraZeneca aux personnes âgées de plus de 65 ans et multiplication des professionnels de santé autorisés à vacciner.
Qui faut-il vacciner en priorité ?
Les cibles prioritaires de la vaccination restent les personnes les plus à risque de faire une forme grave de la Covid-19, l’objectif étant de baisser la mortalité et la pression sur le système de santé.
Toutefois, les facteurs de risque de faire des formes graves de la Covid ont été réévalués à la lumière de deux études françaises de grande ampleur : l’étude ÉpiPhare menée par l’Assurance maladie et l’ANSM, et l’étude du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) réalisée par le département d’information médicale de Bordeaux.
Ces nouvelles données confirment que l’âge est le facteur de risque majeur de formes sévères et de décès liés à la Covid-19. Par rapport aux 18-49 ans, les patients ont environ : un risque de décéder de la Covid-19 multiplié par 3 s’ils sont âgés de 50 à 64 ans ; multiplié par 7 s’ils sont âgés de 65 à 74 ans ; par 10 s’ils ont de 75 à 80 ans ; par 16 au-delà de 80 ans.
Certaines comorbidités ont été identifiées comme à très haut risque de décès (risque multiplié par plus de 3), justifiant une priorisation quel que soit l’âge :
– trisomie 21 ;
– transplantation d’organe ou cellules souches hématopoïétiques ;
– insuffisance rénale terminale ;
– certaines affections rares et graves ou handicaps graves : déficits immunitaires sévères, hémopathies malignes, maladies rares… (si ces patients sont jugés particulièrement vulnérables par leur médecin).
Comorbidités à haut risque de décès (risque relatif multiplié par 1,5 à 3)
– diabète (type 1 et 2) avec un risque plus élevé chez les jeunes ;
– obésité (IMC > 30) ;
– cancers, surtout s’il s’agit d’un cancer récent et/ou en progression et/ou sous chimiothérapie ;
– BPCO et insuffisance respiratoire ;
– insuffisance cardiaque ;
– HTA compliquée ;
Mais aussi, selon ce dernier avis :
– maladies hépatiques chroniques et en particulier la cirrhose ;
– troubles psychiatriques (schizophrénie…) ;
– démence ;
– antécédent d’accident vasculaire cérébral.
Une attention particulière doit être portée aux personnes polypathologiques, qui font partie des personnes à vacciner en priorité. En effet, les études montrent que le cumul de trois comorbidités fait atteindre quasiment le même niveau de risque de décéder que le fait d’être dans la tranche d’âge supérieure sans polypathologies. Selon Élisabeth Bouvet, cette nouvelle stratégie doit combler « un trou dans la raquette » car jusqu’ici rien n’était prévu pour les personnes âgées de 65 à 74 ans ayant des comorbidités.
Quels patients vacciner avec le vaccin d’AstraZeneca ?
Les résultats en vie réelle d’une étude écossaise, que nous avons précédemment analysée, et d’une nouvelle étude anglaise ont montré une efficacité remarquable de la vaccination chez les personnes de plus de 70 ans, de plus de 80 % sur le risque d’hospitalisation, à 28-34 jours après la première dose, que ce soit avec le vaccin Comirnaty (Pfizer/BioNtech) ou avec le vaccin AstraZeneca (ce dernier ayant été administré majoritairement à des patients de plus de 65 ans). Ces données confirment également l’efficacité des deux vaccins vis-à-vis du variant anglais.
Ainsi, la HAS élargit l’indication du vaccin AstraZeneca au plus de 65 ans, sans limite d’âge supérieure.
Quel délai entre les deux doses ?
Un espacement de 12 semaines est recommandé pour le vaccin AstraZeneca, de 3 à 4 semaines pour Pfizer ou Moderna (bien que la HAS continue de préconiser une extension du délai à 6 semaines).
Qui pourra vacciner ?
Troisième axe : simplifier l’accès à la vaccination en multipliant les lieux de vaccination, en diversifiant les vaccinateurs et en étant au plus près de la population à vacciner.
La HAS souhaite que l’administration puisse être réalisée par les infirmiers, les sages-femmes et les pharmaciens (ces derniers devant être formés et avoir déclaré une activité de vaccination auprès de leur ARS) pour l’ensemble des vaccins contre la Covid-19 y compris ceux à ARNm.
La prescription peut être faite :
– par les pharmaciens, sauf chez les femmes enceintes, et les personnes ayant un trouble de l’hémostase (les personnes sous traitement anticoagulant ne sont pas concernées par cette restriction) ;
– par les sages-femmes chez la femme, en particulier la femme enceinte, et dans l’entourage de celle-ci et de son enfant.
Enfin, la HAS affirme qu’il est urgent de mettre en place ou d’amplifier des dispositifs permettant d’aller vers les personnes isolées à domicile, en incapacité de se rendre dans les centres de vaccination ou les établissements hospitaliers, ainsi que vers les personnes précaires ou vivant dans des zones territoriales défavorisées avec par exemple le déploiement d’équipes mobiles.
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien