L’hypothèse d’une influence de la pollution de l’air sur l’incidence de la Covid ainsi que sur le pronostic de la maladie est étudiée depuis le début de la pandémie.
En Chine, des analyses ont suggéré un lien positif entre le nombre de cas de Covid-19 déclarés et la concentration dans l’air de certaines particules fines (PM2,5 et PM10, c’est-à-dire dont le diamètre est respectivement < 2,5 µm et < 10 µm), mais aussi de certains gaz issus des combustibles fossiles et autres activités anthropiques, comme le dioxyde de soufre (SO2), le monoxyde de carbone (CO), le dioxyde d’azote (NO2) et l’ozone (O3).
En Italie, une étude pointait en juin l’association entre des hauts niveaux de pollution atmosphérique dans la région de Lombardie et un taux élevé de mortalité par la Covid-19. Plus récemment, d’autres chercheurs, arguant que l’exposition chronique à ce type de pollution peut favoriser la diffusion du SARS-CoV-2, proposaient de prendre ce facteur en considération dans la prévention de l’épidémie.
Aux États-Unis, une vaste étude (preprint) comprenant les données de 3 087 comtés – 98 % de la population totale du pays – suggère un lien possible entre la sévérité de la maladie et une exposition à des PM2,5 : une augmentation de 1 μg/m3 de PM2,5 serait associée à une hausse de 8 % du taux de mortalité due à la Covid-19.
Des données sur l’épidémie de SRAS en 2003 étayaient déjà cette corrélation : dans certaines régions en Chine, une exposition à court terme à des indices élevés de pollution atmosphérique augmentait de 84 % le risque de mourir de cette maladie. S’appuyant sur cette analyse et sur des données épidémiologiques principalement américaines et chinoises sur la Covid-19, et les croisant aux données satellitales sur l’exposition globale aux PM2,5, l’étude allemande estime les proportions de la mortalité due à la Covid auxquelles la pollution atmosphérique aurait « contribué » : elle serait de 27 % en Chine, 26 % en Allemagne, 18 % en France, 15 % en Italie…
Bien qu’un lien direct de causalité ne puisse être établi encore – même s’il est possible –, les auteurs expliquent d’abord cette corrélation par l’effet délétère, quant à lui bien documenté, de la pollution atmosphérique sur les comorbidités respiratoires et cardiovasculaires qui sont autant de facteurs de mauvais pronostic de la Covid.
Parmi les mécanismes de vulnérabilité ou d’aggravation invoqués : l’inflammation et le stress oxydatif causés dans les poumons et le système vasculaire par l’inhalation des particules fines, mais aussi un effet possible de la pollution sur l’activité de l’enzyme de conversion de l’angiotensine-2, « porte d’entrée » du virus dans les cellules – favorisant donc une plus grande infectiosité de celui-ci.
Un rôle potentiel de la pollution atmosphérique dans la circulation du SARS-CoV-2 a également été suggéré : les particules agiraient-elles aussi comme des agents de transmission ? Et le virus ainsi transporté serait-il suffisamment infectieux pour jouer un rôle significatif dans la diffusion de la maladie ? Si les spécialistes de la transmission aéroportée du virus, comme le Pr José Luis Jiménez (université du Colorado, signataire de la tribune ayant amené l’OMS à reconnaître en juillet ce mode de transmission) contestent cette hypothèse, arguant que la transmission par aérosols exhalés est de loin la plus importante, l’idée est étudiée en Italie (où la présence d’ARN viral dans certaines particules fines a été démontrée) et en Espagne.
Quoi qu’il en soit, les résultats de cette étude publiée dans Cardiovascular Research pointent les bénéfices de la réduction de la pollution atmosphérique sur la santé, eu égard à la Covid-19 mais pas seulement. Et ses auteurs de conclure : « La pandémie se termine avec l’immunité de groupe par la vaccination ou par une infection étendue de la population, mais il n’existe aucun vaccin contre la mauvaise qualité de l’air et le changement climatique : le remède consiste à réduire les émissions. »
Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien