Ainsi, peut-elle encore être prescrite pour traiter un patient atteint de Covid ? Et, en cas de poursuites, sur quoi reposera l’enjeu ?
Rappelons que ces dispositions ont été prises par dérogation à l’article L.5121-8 du code de la santé publique (qui stipule que le médecin doit prescrire un médicament qui a préalablement fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché [AMM]) et non pas en visant l’article L.5121-12-1, selon lequel une prescription en dehors de son AMM est possible s’il existe une recommandation temporaire d’utilisation ou, à défaut, lorsque certaines conditions cumulatives sont remplies (entre autres : qu’il n’existe pas d’alternative médicamenteuse appropriée disposant d’une AMM ; que le prescripteur juge indispensable le recours à cette spécialité au regard des données acquises de la science et qu’il informe le patient des risques encourus et du fait que cette prescription n’est pas conforme à l’AMM).
De fait, ces décrets dérogatoires de mars, repris début mai, précisaient que la prescription d’hydroxychloroquine (tout comme celle de l’association lopinavir-ritonavir) pour traiter les patients Covid hors essais cliniques devait suivre un protocole d’utilisation thérapeutique élaboré par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qu’elle ne pouvait se faire que pour les formes graves, en établissement de santé et sur décision collégiale, ainsi que dans le respect des recommandations du HCSP qui soulignaient que le prescripteur devait prendre en compte l’état limité des connaissances scientifiques et être conscient de l’engagement de sa responsabilité.
L’abrogation de ces dispositions dérogatoires fin mai, motivée justement par l’absence de connaissances suffisamment probantes concernant l’action de cette molécule dans la Covid, signe donc un retour au droit commun antérieur (c’est-à-dire à une prescription dans la respect de l’AMM de cet antipaludique qui dispose aussi d’une autorisation pour traiter des maladies articulaires d’origine inflammatoire ou d’autres affections telles que le lupus), sans changer les dispositions pour la médecine de ville puisque celle-ci n’avait jamais fait l’objet d’une telle dérogation pour la Covid.
Dans le droit commun, il existe donc toujours en théorie pour le praticien la possibilité de prescrire hors AMM sur la base de l’article L.5121-12-1 du code de la santé publique, s’il estime que « cette spécialité est indispensable au regard des données acquises de la science ». Or celles-ci semblent montrer pour l’instant l’absence d’efficacité de l’hydroxychloroquine dans le traitement de la Covid…
Tout l’enjeu, en cas de poursuites, reposera donc sur l’appréciation juridique de la notion de « données acquises de la science », pour laquelle aucune définition précise n’est donnée dans le code de la santé publique, laissant présager le surgissement de grands débats sur le sujet…
C’est à lire dans : Hullin C. Hydroxychloroquine dans le Covid et liberté de prescription. Rev Prat 2020;70:709-12.
L.M.A., La Revue du Praticien