Si aucun facteur de risque particulier n'a été identifié à ce jour prédisposant aux événements thrombotiques post-vaccination (notamment avec AstraZeneca), faudrait-il exclure, par mesure de précaution, certains patients ayant un trouble de l’hémostase ?
Les événements thrombotiques graves post-vaccination étant très rares, aucun facteur de risque particulier n’a été identifié à ce jour prédisposant à ces effets secondaires. Des études complémentaires sont nécessaires pour étudier la prévalence d’une anomalie de l’hémostase associée à des thromboses multiples après les vaccins à adénovirus mais aussi à ARN.
Selon les recommandations du groupe de travail de l’APHP, de manière générale, les avantages du vaccin dans la lutte contre la Covid-19 sont largement supérieurs au risque d'événements indésirables rapportés à ce jour y compris pour la vaccination par le vaccin Astra Zeneca. Certaines situations particulières invitent cependant à la prudence :
– Syndromes myéloprolifératifs. Les patients porteurs d’un autre facteur de risque acquis de type syndrome myéloprolifératif sont éligibles à la vaccination (recommandation du FIM). Avis d’expert : la vaccination AZ peut être proposée s’ils n’ont pas d’ATCD de thrombose et s’ils ont un traitement antiplaquettaire.
– Antécédent de thrombopénie induite par l’héparine (TIH) et purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT). Au titre du principe de précaution, le groupe de travail recommande plutôt d’orienter ces patients avec antécédents de TIH ou PTT vers la vaccination par ARNm en attendant d’avoir des données solides.
– Syndrome des antiphospholipides (SAPL) : il n’existe pas de données solides aujourd’hui pour contre-indiquer la vaccination y compris la vaccination par le vaccin AstraZeneca chez les patients souffrant d’un SAPL thrombotique. Ainsi, au titre du principe de précaution les experts recommandent plutôt d’orienter les patients atteints d’un SAPL ou un lupus associé à un SAPL vers la vaccination par ARNm en attendant d’avoir des données solides sur les autres types de vaccins anti-SARS-CoV-2.
– Purpura thrombopénique immunologique (PTI). Le PTI n’est pas à ce jour reconnu comme étant en soi un facteur de risque de Covid-19 sévère. Au vu de l’importance de l’épidémie et de la gravité potentielle de l’infection par le SARS-CoV-2, la vaccination contre la Covid-19 est vivement conseillée chez les patients atteints de PTI à risque de développer une forme sévère de Covid-19en raison de leurs comorbidités, tels que définies par les autorités sanitaires et chez ceux éligibles à la vaccination par leur âge.
Conformément à la recommandation de l’HAS, chez les patients de moins de 55 ans atteints de PTI, la balance bénéfices/risques plaide en faveur de l’utilisation d'un vaccin ARNm ou d’un autre vaccin à venir en fonction de leur accessibilité dans les prochains mois.
Les patients âgés de plus de 55 ans atteints de PTI peuvent recevoir indépendamment un vaccin ARNm ou le vaccin AstraZeneca en fonction de leur disponibilité car le risque de survenue d'une thrombopénie immunologique après vaccination est à ce jour négligeable comparé au risque de développer une infection Covid-19 grave en pleine période de pandémie.
Dans l’attente d’informations supplémentaires concernant le mécanisme des thromboses observées avec le vaccin AstraZeneca, il apparaît raisonnable de privilégier lorsque cela est possible l’utilisation des vaccins ARNm chez les patients atteints de PTI ayant des antécédents de thrombose ou dont la thrombopénie s’intègre dans le cadre d’un syndrome des anti-phospholipides.
– Thrombophilie génétique et antécédent de thrombose veineuse. Les patients porteurs d’une thrombophilie génétique, avec ou sans antécédents de thrombose personnels (ou familiaux), traités ou non au long cours par anticoagulants, sont éligibles pour la vaccination, y compris avec le vaccin AstraZeneca lorsqu’ils sont âgés de plus de 55 ans.
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien