Depuis le début de la pandémie, la littérature recense d’importantes différences dans l’évolution clinique du Covid-19 entre les sexes, aussi bien en Chine qu’en Europe, et dans bien d’autres pays du monde pour lesquels des données ventilées par sexe sur les cas confirmés, les hospitalisations, les admissions aux soins intensifs et les décès sont disponibles.

Globalement, environ 60 % des morts dues au Covid-19 sont survenues chez les hommes ; certaines études montrent que, si les cas d’infections sont à peu près les mêmes pour les deux sexes, l’évolution de la maladie est plus défavorable chez les patients masculins, davantage exposés par un âge plus élevé et plus de comorbidités que les femmes, et qui ont donc des taux de mortalité plus élevés que celles-ci.

 

Face à ce constat, des chercheurs de l’université de Yale ont mené une recherche sur 98 sujets admis à l’hôpital de New Haven entre le 18 mars et le 9 mai 2020, pour caractériser la différence de la réponse immunitaire entre les deux sexes, mesurant à la fois la charge virale, la concentration d’anticorps anti-SARS-CoV-2, les taux de 71 cytokines et chimiokines dans le plasma et la différence de phénotype des cellules immunitaires des participants. 

 

L’étude, publiée le 26 août 2020, comportait deux volets : une première cohorte [A] de 39 patients (17 hommes et 22 femmes) qui ont fait l’objet d’un prélèvement au début de l’étude (baseline analysis) et qui avaient une forme modérée de la maladie n’ayant pas nécessité l’administration d’immunomodulateurs. Une deuxième cohorte [B] comprenait, en plus des sujets inclus dans [A], 59 autres patients ayant développé des formes plus graves du Covid-19 ; cette cohorte a fait l’objet de plusieurs prélèvements au cours de la maladie (longitudinal analysis). Le groupe contrôle était composé de soignants non infectés travaillant dans ce même hôpital.

 

Les chercheurs ont dévoilé des différences clé entre les réponses immunitaires masculines et féminines : bien que les charges virales des hommes et des femmes dans la cohorte [A] et les concentrations d’anticorps anti-SARS-CoV-2 dans la cohorte [B] aient été comparables, la production de certaines cytokines et chimiokines était plus importante chez les patients mâles, en particulier l’IL-8 et l’IL-18 dans [A] (une production corrélée à un taux plus élevé de monocytes non classiques) et CCL5 dans [B], c’est-à-dire en cours d’évolution de la maladie.

 

Du côté des femmes, la réponse immunitaire cellulaire est, quant à elle, plus robuste et se maintient avec l’âge, contrairement à ce qui se passe avec la réponse immunitaire cellulaire masculine. Plus précisément, les patientes produisent un nombre plus élevé de lymphocytes T cytotoxiques (CD8). Or la faible réponse lymphocytaire T des sujets masculins est associée à une progression défavorable de la maladie. Au contraire, chez les femmes dont l’état s’est détérioré, un taux élevé de cytokines de l’immunité innée fut observé. 

 

Ces résultats suggèrent que les différences d’évolution du Covid-19 observées cliniquement ont une base immunologique, ce qui devrait inciter à tenir compte du sexe en termes de prévention, de pronostic et de thérapeutique, mais aussi dans le développement du vaccin. Les auteurs suggèrent, en l’occurrence, que les hommes pourraient bénéficier de traitements qui favorisent la réponse lymphocytaire T, alors que les femmes bénéficieraient davantage de traitements inhibant l’activité immunitaire innée à un stade précoce de la maladie.

 

 

 

Pour en savoir plus

Takahashi T, Ellingson MK, Wong P, et al. Sex differences in immune responses that underlie COVID-19 disease outcomes. Nature 2020:1-9. https://doi.org/10.1038/s41586-020-2700-3.

 

 

Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien