Indépendamment de l’âge et des comorbidités, nous ne sommes pas tous égaux face à l’infection par le SARS-CoV-2. L’équipe franco-américaine dirigée par Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel a montré que cette variabilité individuelle aurait une origine génétique et immunologique : 15 % des formes graves de Covid-19 seraient dues à des anomalies dans la voie des interférons de type 1. 

 

Dès le début de la pandémie de Covid-19, Jean-Laurent Casanova et son équipe ont mis en place un consortium international, le « COVID Human Genetic Effort », afin de recruter des patients dans plus de 1 000 hôpitaux répartis dans une cinquantaine de pays.

Dans une première étude publiée dans Science, les auteurs ont séquencé le génome de 659 patients ayant une forme grave de Covid comparés à 534 contrôles (infection asymptomatique ou légère). Les chercheurs se sont focalisés sur 13 gènes déjà connus pour être liés à des formes sévères de grippe (grippe maligne), dont les anomalies résultent en un défaut de production des interférons (IFN) de type 1. Les résultats de cette étude montrent qu’au moins 3,5 % des patients ayant une forme grave de Covid avaient une anomalie sur de ces gènes. Rappelons que les IFN de type 1 sont des cytokines ubiquitaires produites à la fois par les cellules dendritiques plasmacytoïdes (qui font partie de l’immunité innée) et par la majorité des cellules infectées, afin de limiter la propagation virale. Ces molécules constituent donc la première ligne de défense contre les infections par les virus, notamment par le SARS-CoV-2. En effet, dans cette étude, lorsque des cellules humaines, porteuses de ces mutations (et donc incapables de produire des IFN de type 1) étaient exposées au SARS-CoV-2, l’infection virale a été plus importante. 

Dans la seconde étude également publiée dans Science, les auteurs ont trouvé des taux élevés d’auto-anticorps contre les IFN de type 1 chez plus de 10 % des patients ayant une forme critique de Covid-19 (987 sujets hospitalisés), qui en revanche étaient absents chez les 663 malades ayant une forme bénigne. Ces anticorps neutralisant l’activité des interférons sont rares dans la population générale : leur prévalence dans échantillon contrôle de 1 227 personnes en bonne santé était de 0,33 %, soit 15 fois inférieure à celle observée chez les patients atteints de Covid sévère. À noter que 95 % des malades qui avaient des taux élevés d’anticorps étaient des hommes, suggérant que la production de ces derniers pourrait être liée aux chromosomes sexuels. La présence de ces auto-anticorps n’a pas entraîné de signes cliniques jusqu’au moment où les sujets ont été infectés par le SARS-CoV-2.

Les deux mécanismes décrits dans ces deux études étant distincts (aucun des patients porteurs d’une mutation génétique ne possédait des auto-anticorps), ces découvertes expliqueraient au total 15 % des formes graves de Covid-19. 

« Qu’il s’agisse de variants génétiques qui diminuent la production d’IFN de type 1 pendant l’infection ou d’anticorps qui les neutralisent, ces déficits précèdent l’infection par le virus et expliquent la maladie grave. Ces deux publications majeures mettent donc en évidence le rôle crucial des IFN de type 1 dans la réponse immunitaire contre le SARS-CoV-2 », concluent Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel. 

Ces résultats ouvrent des perspectives thérapeutiques : la détection des auto-anticorps dirigés contre les IFN de type 1 pourrait être un marqueur du risque de développer une forme critique de Covid. De plus, en cas de guérison, le plasma de ces patients (pouvant contenir des auto-anticorps) ne devrait pas être utilisé dans les essais cliniques pour traiter les malades de Covid. Enfin, ajoutent les auteurs, on peut imaginer des traitements capables d’éliminer les auto-anticorps ou les cellules qui les produisent. 

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien

Zhang Q, Bastard P, Liu Z, et al. Inborn errors of type I IFN immunity in patients with life-threatening COVID-19. Science. 2020 Sep 24:eabd4570. doi : 10.1126/science.abd4570

Bastard P, Rosen LB, Zhang Q, et al. Auto-antibodies against type I IFNs in patients with life-threatening COVID-19. Science. 2020 Sep 24:eabd4585. doi : 10.1126/science.abd4585