A chaque retour de vacances, la question des écoles divise : doivent-elles être fermées, comme c’est le cas dans plusieurs pays européens, ou rester ouvertes à tout prix ? Si certains épidémiologistes dénoncent un déni du risque épidémique à l’école, les pédiatres plaident pour le maintien d’une scolarité en présentiel pour le bien-être des enfants. Que disent les dernières études ? Comment concilier rentrée des classes et contrôle de la situation épidémique ? 

 

Si les écoles sont restées ouvertes en France depuis le mois de septembre, leur rôle dans la propagation de l’épidémie reste controversé, en particulier dans le contexte de forte circulation des variants, et d’une hausse du nombre de classes fermées en France, en accord avec le protocole mis en place pour contrecarrer la diffusion de ces variants plus contagieux.

À l’encontre de certaines modélisations de grande envergurequi ont classé la fermeture des écoles parmi les mesures les plus efficaces dans la lutte contre la propagation du virus, une analyse transversale qui vient d’être publiée dans le JAMA Pediatrics comparait les effets liés aux changements volontaires des comportements (moins de contacts sociaux, plus de télétravail, etc.) à ceux liés aux restrictions (dont la fermeture des écoles) dans l’évolution de l’épidémie. Utilisant des données provenant de différents États fédéraux américains sur la période allant de début mars à mi-mai 2020, l’étude suggère que si la fermeture des écoles a contribué à réduire l’incidence de l’infection par le SARS-CoV-2 (et la mortalité associée), l’effet direct de cette mesure aurait été 3 fois moins important que celui de certains changements dans les comportements (réduction dans la fréquentation des restaurants et des lieux de travail, hausse du temps passé à la maison, en particulier), intervenus avant les restrictions concernant l’école.

En effet, dans les modèles établis par ces chercheurs, après ajustement pour d’autres variables (âge de la population, taux de dépistage, densité urbaine…), un délai supplémentaire de 1 jour dans la fermeture des écoles était associé à une réduction de seulement 3,5 % de l’incidence de la Covid-19, contre 9,3 % lorsque ce même délai concernait la mise en place des changements comportementaux. Des chiffres semblables furent trouvés pour la réduction de la mortalité associée à la Covid (3,8 % versus 9,8 %). De la même façon, la simulation a suggéré qu’un délai supplémentaire de 2 semaines dans la mise en place des mesures comportementales volontaires aurait entraîné 140 000 morts supplémentaires, contre 23 000 lorsque ce délai concernait l’école. 

En France, une étude récente réalisée par des membres de la Société française de pédiatrie, publiée dans Archives de Pédiatrie, décrit l’épidémiologie des infections par le SARS-CoV-2 dans différents groupes d’enfants (selon les classes d’âge) au cours des 2 mois qui ont suivi la rentrée automnale – une époque pendant laquelle moins de 1 % des écoles ont fermé dans le pays. Selon les données analysées (provenant de Santé publique France et du ministère de l’Éducation nationale), sur cette période de recrudescence épidémique, la circulation du virus constatée chez les enfants fut pourtant plus basse que celle observée chez les adultes : comparés à ces derniers (dans la tranche des 30-49 ans), les enfants âgés de 0 à 5 ans auraient ainsi eu 46 % moins de chances d’avoir une PCR positive, et 67 % pour ceux âgés de 6 à 17 ans). Les données suggèrent aussi l’incidence de la Covid n’a pas été plus importante chez le personnel travaillant dans les écoles qu’en population générale. Enfin, malgré des indications plus restreintes pour la réalisation des tests chez les enfants (ciblant ceux qui étaient susceptibles d’être infectés, par opposition aux adultes qui pouvaient en réaliser indépendamment des symptômes et des contacts à risque), les chercheurs ont trouvé que les taux de positivité étaient plus bas chez les enfants.

Ces résultats, soulignent les auteurs, soutiennent l’idée que les enfants seraient moins susceptibles d’être infectés et de transmettre le virus que les adultes. Une idée soutenue par d’autres études, mais qui ne se vérifié pas chez les adolescents, comme le signalent d’ailleurs aussi les données de cette analyse : le groupe des 15-17 ans avait, à la fin de la période observée, une incidence importante de l’infection (quoique toujours moindre que celle observée chez les adultes), ce qui suggère que les mesures (masques, distanciation, hygiène,) ou leur observance ne suffirent pas.

Ainsi, de nombreux spécialistes, au premier rang desquels la Société française de pédiatrie, continuent de plaider pour le maintien des écoles ouvertes en présentiel, pointant les diverses conséquences néfastes – déjà documentées – de leur fermeture pour les enfants (retard dans l’apprentissage, réduction des interactions sociales et isolement, réduction de l’activité physique, augmentation des problèmes de santé mentale, voire pour certains un risque accru d’abus et négligence…). Mais comment concilier cela avec la nécessité de réduire la circulation virale à l’heure où la situation épidémique se dégrade ?

Selon le collectif « Du côté de la science », il serait indispensable tout d’abord d’adapter le protocole sanitaire des écoles en tenant compte du mode de transmission aéroporté du virus : l’aération des classes et des cantines sur la base d’un suivi du taux de CO2 en serait la pierre angulaire (une distance de 1 ou 2 mètres ne suffisant pas à assurer la protection), tout comme la création de « bulles de classe » (professeurs qui changeraient de classe mais pas les élèves, repas pris en classe ou échelonnés sur plusieurs services…). Cela viendrait s’ajouter au port du masque dès 6 ans, déjà en vigueur, mais aussi à un dépistage plus efficace – ces chercheurs plaident ainsi pour un meilleur déploiement des tests salivaires dans les établissements… 

LMA, La Revue du Praticien

Liens utiles 

François Bourdillon, Mélanie Heard. Covid-19 : « Il existe en France un déni du risque de l’épidémie à l’école ». Le Monde. 24 février 2021

Variants : nouvelles mesures de dépistage et d’isolement. La Revue du Praticien. 19 février 2021

Nils Haug, Lukas Geyrhofer, Alessandro Londei et al. Ranking the effectiveness of worldwide COVID-19 government interventions. Nature. 16 novembre 2021

Frederick J. Zimmerman, Nathaniel W. Anderson. Association of the Timing of School Closings and Behavioral Changes With the Evolution of the Coronavirus Disease 2019 Pandemic in the US. JAMA Pediatr. 22 février 2021

C.Gras-Le Guen, R.Cohen, J.Rozenberg et al. Reopening schools in the context of increasing COVID-19 community transmission: The French experience. Archives de Pédiatrie. 15 février 2021

Les propositions du collectif Du Côté de la Science, pour agir énergiquement contre l’épidémie de COVID-19

Masque chez les moins de 11 ans : quel intérêt ? quels risques ? La Revue du Praticien. Septembre 2020

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