Vacciner au cabinet : oui… mais c’est plus facile à dire qu’à faire ! La lourdeur organisationnelle de cette nouvelle tâche n’est pas évidente à gérer, tout comme la communication vis-à-vis des patients dans la cacophonie des messages ministériels. Pourtant, nombreux sont les médecins, comme le Dr Bruno Pellegrin, qui ont accepté ce défi et se sont portés volontaires pour vacciner. Nous l’avons interrogé pour savoir comment cela se passe au quotidien…

 

 

Y a-t-il des difficultés à mettre en place la vaccination au cabinet ?

Cette activité s’ajoute à notre activité de médecine générale, et son organisation est très chronophage : il faut sélectionner les patients à vacciner en tenant compte des critères prioritaires (qui sont en constante évolution), leur téléphoner, planifier les rendez-vous. Les secrétaires ne peuvent pas gérer cette étape de sélection, seul le médecin peut le faire.

Je consacre des matinées entières à la vaccination. La consultation dure environ 15 minutes : il faut donner les explications sur le vaccin, faire l’injection et remplir le dossier pour pouvoir délivrer au patient le certificat de vaccination. On garde ensuite la personne 15 minutes dans la salle d’attente (pour surveiller la survenue d’un éventuel choc anaphylactique). Il faut aussi programmer les rendez-vous pour la deuxième dose (3 mois après, ce qui n’est pas toujours évident), en espérant qu’on aura les doses au bon moment et en quantité suffisante. Dans les jours suivants, il faut répondre aux patients – peu nombreux heureusement, 1 sur 10 environ – qui appellent pour nous signaler qu’ils ont un syndrome grippal (en général léger). Par ailleurs, afin d’éviter la fièvre, je propose systématiquement, selon les recommandations, de prendre du paracétamol juste avant la vaccination et pendant les 48 heures suivantes (1 000 mg 3 fois par jour).

 

Quelle est la rémunération ?

Elle est de 25 euros par consultation, mais dans un deuxième temps la Sécurité sociale nous verse un forfait de 5,80 euros. 

 

Combien de patients arrivez-vous à vacciner par semaine ?

Je reçois 2 ou 3 flacons de vaccin AstraZeneca par semaine. Un flacon correspond à 10 doses, mais on peut en obtenir 11 et parfois 12 si on fait très attention, ce qui implique toutefois de chercher le 12e candidat au dernier moment car, une fois entamé, le flacon doit être utilisé dans les 48 heures. Au total, j’ai donc pu vacciner 36 patients cette semaine et 24 la semaine précédente.

 

Est-il facile de commander les doses ?

Oui, il suffit de contacter le pharmacien de référence pour passer commande et les récupérer. Mais pour la semaine prochaine nous ne recevrons pas les flacons, puisque la DGS a décidé qu’ils seront délivrés uniquement aux pharmaciens. J’ai donc dû annuler tous les rendez-vous planifiés et l’expliquer aux patients, qui n’ont pas forcément compris cette décision… Le 15 mars, la suspension du vaccin AstraZeneca a, à nouveau, créé un couac !

 

Quelle est justement l’attitude de vos patients ?

La majorité de mes patients veulent se faire vacciner. Certains peuvent manifester une certaine agressivité quand ils découvrent qu’ils ne sont pas prioritaires pour l’instant ; d’autres, à cause des informations entendues dans les médias, sont déçus quand je leur dis que nous disposons uniquement du vaccin AstraZeneca. Notre rôle est de rectifier, de rassurer, mais ce n’est pas facile sachant que les informations que nous recevons par les autorités de santé ne sont pas toujours claires… et changent tous les jours !

 

AstraZeneca est-il donc perçu comme un vaccin de « catégorie b » ?

Les gens ont une très mauvaise image de ce vaccin à cause des annonces parues dans la presse il y a quelques semaines. Il y a un décalage entre ce qu’ils entendent à la télévision et les nouveaux résultats. C’est à nous de rétablir la réalité en leur montrant les résultats d’efficacité des études de « vraie vie », aussi chez les personnes âgées. Il faut expliquer, rassurer, mais cela prend beaucoup de temps…

 

Que pensez-vous de la vaccination en officine ?

Je pense qu’il faut travailler main dans la main avec les pharmaciens, de toute façon nous (les généralistes) ne pourrons pas y arriver tout seuls. Ces derniers peuvent nous appeler pour savoir si le patient est éligible ou pas, car c’est parfois difficile de classifier les patients selon l’âge et les comorbidités…

 

 

 

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien

Image : Adobe Stock