Le DFG est le meilleur marqueur de la fonction rénale. Son évaluation est essentielle pour le diagnostic et la prise en charge de la maladie rénale chronique, mais aussi pour statuer sur l’adaptation posologique ou la contre-indication de nombreux médicaments. Dans une étude parue dans le NEJM, les auteurs ont comparé les performances de différentes formules dans diverses sous-populations.

La CKD-EPI fait mieux que la formule de Cockcroft

Dans la majorité des cas, le DFG est estimé à partir d’équations dérivées de la créatininémie. Ces dernières intègrent, outre la créatinine plasmatique, les déterminants de la production musculaire de créatinine : âge, sexe, ethnie, poids.

Pendant longtemps, la Cockcroft a été la formule de référence. Elle a été établie par comparaison à la clairance urinaire de la créatinine exprimée en mL/min (avec un dosage de la créatinine selon la méthode colorimétrique de Jaffé après ultrafiltration). Mais elle n’est pas très performante, avec une surestimation importante du DGF chez les adultes jeunes et une sous-estimation chez les personnes âgées.

La formule Chronic Kidney Disease Epidemiology Collaboration (CKD-EPI) a été établie à partir de patients ayant eu une mesure du DFG par méthode de référence, avec la créatinine plasmatique dosée avec une technique standardisée. Elle inclut quatre variables : créatinine plasmatique, sexe, ethnie, âge (mais, en réponse à la demande des instances américaines, elle a été recalculée en 2021 sans prendre en compte le facteur ethnique). Son résultat est d’emblée indexé à la surface corporelle (exprimé en mL/min/1,73 m²) ce qui, associé au fait que le poids n’intervient pas dans l’équation, permet un rendu automatisé par les laboratoires d’analyse. Ses performances étant supérieures, à la fois en population générale et dans des sous-populations, que celles de la Cockcroft, son utilisation est actuellement recommandée par la HAS.

Il existe d’autres formules d’estimation du DFG à partir d’équations dérivées de la cystatine C, qui a l’avantage de ne pas avoir de lien avec la masse musculaire. La plus utilisée est celle proposée par le consortium CKD-EPI, CKD-EPICys. Ces formules n’ont jamais démontré des performances supérieures à celles s’appuyant sur la seule créatininémie.

Nouvelles formules : EKFC, mixtes

Ces dernières années, une nouvelle approche est apparue : modéliser le DFG à partir du ratio entre la créatininémie mesurée chez un individu et la valeur de créatininémie normale attendue chez les sujets de même âge et de même sexe. L’avantage ? Fournir des équations pouvant être utilisées quel que soit l’âge du patient (y compris chez les enfants). Récemment, un consortium européen a établi la formule European Kidney Function Consortium (EKFC), utilisant soit la créatininémie soit la cystatine.

Par ailleurs, des formules « mixtes » (incluant créatinine et cystatine C) ont été proposées, l’objectif étant d’améliorer la précision obtenue avec un seul marqueur. La plus fréquemment employée est celle du consortium CKD-EPI.

Dans un papier qui vient de paraître dans le NEJM, les auteurs ont comparé les performances de ces nouvelles formules. Il s’agit d’une étude multicentrique, incluant les données de 230 000 patients issus de trois continents (Europe, Amérique du Nord, Afrique). Résultats : les formules EKFC (utilisant la créatininémie ou la cystatine) sont plus performantes que les formules CKD-EPI pour estimer le DFG, quels que soient l’âge et l’ethnie, mais surtout chez les patients de moins de 35-40 ans et de plus de 75 ans. La EKFC « mixte » a un léger avantage.

En pratique

En population générale, le DFG est estimé à partir d’une équation dérivée de la créatininémie, la formule de Cockcroft devant être abandonnée au profit de la CKD-EPI (selon les recos de l’HAS), même lors des décisions d’adaptation posologique des médicaments (indépendamment du fait qu’elle ait été utilisée dans les études pour établir les seuils d’adaptation de doses).

La formule EKFC, récemment proposée, a des performances au moins équivalentes voire supérieures à celles de la CKD-EPI. À terme, elle pourrait remplacer cette dernière, car elle peut être utilisé chez l’enfant et aurait de meilleures performances chez les moins de 40 ans et les plus de 75 ans.

Si le patient a des comorbidités associées à une production musculaire anormale de créatinine (obésité morbide, amputation, cirrhose, etc.), il est préférable de comparer les résultats de différentes formules dérivées de la créatininémie et de la cystatine C, ou mixtes.

En cas de besoin d’une précision importante (par exemple : don de rein pour établir précisément la normalité de la fonction rénale globale), une mesure de DFG par clairance de traceur exogène est préférable.

Pour en savoir plus

Nobile C. Maladie rénale chronique : mise à jour des recos.  Rev Prat (en ligne) 12 octobre 2021.
Pottel H, Björk J, Rule AD, et al. Cystatin C-Based Equation to Estimate GFR without the Inclusion of Race and Sex.  N Engl J Med 2023;388:333-343.
Flamant M. Estimation du débit de filtration glomérulaire : l’utilisation des formules en pratique.  Vidal 27 octobre 2022.

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