Mise en place dès la première vague épidémique, cette étude observationnelle visait à caractériser cliniquement et biologiquement les patients diabétiques hospitalisés pour une forme sévère de Covid, et à identifier d’éventuels facteurs pronostiques dans cette population. Le diabète est tôt apparu comme l’une des principales comorbidités liées au développement de formes graves de Covid. Aussi, une cohorte a été rapidement mise en place sous l’égide de la Société française de diabétologie dans 68 centres en France métropolitaine et ultramarine, recrutant près de 2 800 adultes (âge moyen : 69,7 ans ; 63,7 % d’hommes) pour étudier cette association.
Les comorbidités associées étaient notamment : obésité et surpoids (39 % des participants avaient un indice de masse corporelle [IMC] > 30 kg/m2 et l’IMC médian était 28,4 kg/m2), hypertension artérielle (76,8 %). Les participants ont fait l’objet d’un suivi à J28 après l’admission, le critère principal de jugement étant un recours à une ventilation artificielle avec intubation trachéale et/ou un décès à J7 après l’admission ; le critère secondaire, un des deux éléments précédents ou un retour à domicile.
Un décès est survenu chez 11,2 % des patients à J7 et 20,6 % à J28, confirmant la gravité de l’infection par le SARS-CoV-2 chez les patients diabétiques hospitalisés. Toutefois, la sévérité de la maladie et le risque de décès semblent plus faibles chez les patients ayant un diabète de type 1 (DT1) par rapport à ceux avec un diabète de type 2 (DT2) : 5,4 % versus 10,6 % respectivement.
Si cet écart est présent surtout chez les patients les plus jeunes (< 55 ans), le risque de décès est identique chez les plus âgés (75 ans). De plus, la prévalence du DT1 par rapport à l’ensemble des cas de diabète parmi les patients hospitalisés pour Covid dans cette étude était inférieure à celle observée en population générale : 2,1 % versus 5,6 % respectivement (d’après l’étude « Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques »).
Si cela suggère que le pronostic de la Covid-19 est lié davantage à l’âge qu’au type de diabète, les données sont encore contradictoires : les résultats de l’étude Coronado convergent avec ceux d’une étude belge qui a retrouvé un risque d’hospitalisation pour la Covid-19 identique chez les patients DT1 et les individus normoglycémiques ; à l’inverse, une étude anglaise en population générale, chez plus de 61 millions d’individus, a mis en évidence une surmortalité liée à la Covid-19 chez les patients DT1 par rapport à des sujets non diabétiques (après ajustement multiple, sur l’âge et les comorbidités notamment).
Quant au DT2 – maladie du sujet âgé –, les données manquent actuellement pour confirmer s’il est un facteur de risque de forme sévère de la Covid-19 indépendamment de l’âge et des comorbidités associées. Une analyse en cours, « Coronado Control », sur 2 345 patients non diabétiques appariés à ceux de Coronado pour l’âge, le sexe et le centre, permettra d’éclaircir cette question et d’identifier les facteurs pronostiques spécifiques à la population diabétique.
De façon surprenante, un déséquilibre glycémique dans les 6 derniers mois ne semble pas associé à la gravité de la Covid-19. Les chercheurs se sont également intéressés aux interactions potentielles de certains traitements pour le diabète et la sévérité de la Covid. Si les données ne concernent que les traitements pris avant l’admission à l’hôpital (faute d’accès à l'information concernant leur poursuite, leur arrêt, ou la modification des doses après l’admission), il apparaît que la metformine peut avoir un effet protecteur, contrairement aux DPP4i (dipeptidyl peptidase de type 4) et aux statines. Des données à confirmer par des études randomisées…
Les analyses de Coronado se poursuivent, notamment sur les répercussions du sexe, des complications microvasculaires ou de l’insulinothérapie sur la présentation clinique et la sévérité de la Covid-19, et sur les spécificités chez le sujet âgé (> 75 ans), en élargissant également l’étude à des centres non français sous l’égide de la Société francophone du diabète (SFD).
En parallèle, les chercheurs construisent à partir des données de Coronado un score clinico-biologique de sévérité de la Covid-19 afin d’améliorer l’identification des patients diabétiques les plus à risque.
L.M.A., La Revue du Praticien