Pour quelles raisons ces patients sont-ils considérés comme ultra-prioritaires pour la vaccination anti-Covid ?
De nombreuses études montrent que le risque de forme grave et de décès de ces patients est très élevé, ce qui est confirmé par les données françaises : la mortalité des patients dialysés et greffés contaminés est de l’ordre de 15 %, supérieure à celle des résidents d’Ehpad, y compris pour des tranches d’âge bien moins élevées. Selon les résultats de l’étude Épi-Phare (publiés le 9 février 2020), réalisée à partir des données du Système national des données de santé de la population française (SNDS), soit plus de 66 millions de personnes, l’insuffisance rénale chronique terminale sous dialyse et la greffe rénale font partie des pathologies chroniques les plus à risque de forme grave de la Covid (les autres étant : trisomie 21, retard mental, mucoviscidose, cancer actif du poumon, transplantation du poumon). Les dialysés ont 4 fois plus de risque d’hospitalisation et 5 fois plus de risque de décès ; les transplantés ont un risque d’hospitalisation multiplié par 5 et de décès multiplié par 7. Les séquelles de l’infection peuvent être particulièrement graves (dégradation de la fonction rénale pouvant aller jusqu’à la perte du greffon). Par ailleurs, les patients dyalisés, contraints à se rendre 3 fois par semaine dans un centre pour leurs séances d’épuration extrarénale, sont particulièrement exposés à la contamination : en France, plus de 11 % de ces patients ont à ce jour été contaminés par le SARS-CoV-2 ; ce taux dépasse 20 % dans certaines régions comme l’Île-de-France. Pour toutes ces raisons, ils doivent être protégés et vaccinés au plus vite.
En pratique, par qui sont-ils vaccinés ?
Théoriquement, les patients dialysés peuvent être vaccinés dans leurs centres de dialyse, par les néphrologues. C’est pratique, car en 48 heures on peut vacciner tous les malades d’un centre ! Mais en pratique, cela n’est souvent pas possible à cause des difficultés à obtenir les doses nécessaires. Ces patients, extrêmement fragilisés et épuisés par leur traitement, auquel ils consacrent trois journées par semaine, seraient alors supposés se rendre dans les centres de vaccination (avec la prescription de leur néphrologue ou de leur médecin traitant justifiant leur éligibilité), où on ne peut plus obtenir de rendez-vous depuis plusieurs jours. Même s’ils ont pu avoir un rendez-vous.
Avez-vous des chiffres sur le taux de vaccination à ce jour ?
Renaloo vient de lancer une enquête en ligne à destination de ces patients, sur la vaccination contre la Covid : les résultats préliminaires montrent que, parmi les répondants, environ 50 % ont déjà eu au moins la 1re injection ou vont la recevoir dans les prochains jours… Ce chiffre est sans doute surestimé car il s’agit de personnes à l’aise avec internet et les outils informatiques. Parmi ceux qui n’ont pas été vaccinés, la grande majorité souhaite l’être, mais ne parvient pas à y accéder. En effet, cette population est extrêmement favorable à la vaccination (bien plus que la population générale) : 84 % des participants sont prêts à recevoir le vaccin dès que possible et seulement 11 % préfèrent atteindre d’avoir plus de recul.
L’arrivée du vaccin AstraZeneca va-elle changer la donne ?
Chez ces patients fortement immunodéprimés (notamment les transplantés, en raison de leur traitement antirejet), les vaccins sont généralement moins efficaces. Pour le moment donc, seuls les vaccins à ARN sont indiqués en raison de leur grande performance.
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien