La diversification alimentaire est un moment important pour les parents, source de nombreux questionnements. Les recommandations ont beaucoup évolué ces dernières années, créant un fossé générationnel entre les pratiques. Si la majorité des aliments peuvent être introduits entre 4 et 6 mois, il faut respecter certaines règles et veiller à assurer les apports en nutriments essentiels (lipides, fer…).

 

D’après : Lemoine A. Diversification de l’alimentation du nourrisson.Rev Prat 2021;71(10);1080-3.

Bien que l’allaitement maternel exclusif soit recommandé par l’OMS pendant 6 mois, en pratique, dans les pays développés, une minorité de nourrissons sont exclusivement allaités jusqu’à 6 mois. L’European Society for Paediatric Gastro­enterology, Hepa­tology and Nutrition (ESPGHAN) et l’European Food Safety Authority (EFSA) recommandent de débuter la diversification alimentaire entre 4 et 6 mois. Avant 3-4 mois, le développement psychomoteur du nourrisson ne lui permet pas encore de manger des aliments solides en toute sécurité (risque de fausses routes, d’hypersensibilité de la sphère orale, puis de potentiels refus alimentaires). À l’inverse, si l’on reporte la diversification, le développement de la mastication risque de prendre du retard, favorisant l’apparition de troubles de l’oralité alimentaire.

Contrairement à ce qui était préconisé dans les années 2000, il n’est plus conseillé de retarder l’introduction des aliments à haut potentiel allergénique. L’étude LEAP (Learning Early About Peanut Allergy), en 2015 (introduction entre 4 et 11 mois ou éviction de l’arachide chez des nourrissons ayant un eczéma et/ou une allergie à l’œuf), et l’étude EAT (Enquiring About Tolerance), en 2019 (introduction dès 3 mois ou à 6 mois d’arachide, œuf cuit, lait, sésame, poisson et blé chez des nourrissons exclusivement allaités), ont clairement démontré que l’introduction précoce de ces allergènes, entre 4 et 6 mois, diminue le risque d’allergie alimentaire chez les enfants, en particulier en cas de terrain atopique.

Principes généraux

> Adapter la texture des aliments au développement psychomoteur et aux capacités masticatoires de l’enfant. La mastication est indépendante de la dentition. Les purées lisses et onctueuses, introduites entre 4 et 6 mois, ne requièrent aucune force masticatoire particulière. Les purées granuleuses sont proposées vers 7-10 mois (mastication basique haut-bas), puis les textures molles (banane, avocat…) vers 10-12 mois (mastication intermédiaire). Les aliments durs mais solubles et fondants en bouche (sablés…) peuvent être donnés vers 10-12 mois. Les aliments durs sont proposés progressivement, après 10-12 mois, car ils nécessitent une mastication bien développée et rotatoire. Les aliments fibreux (viande rouge, ananas…) et collants (caramel mou…) sont plutôt acceptés après 3 ans.

> Veiller aux apports lipidiques

Les besoins lipidiques des nourrissons sont supérieurs à ceux des enfants plus grands, notamment pour leur développement cérébral. L’ajout de matières grasses doit être systématique, y compris dans les petits pots industriels (beurre, crème fraîche, fromage fondu, huile). Les besoins en acides gras essentiels et semi-essentiels (acide linoléique, alphalinolénique, docosahexaénoïque [DHA]) sont le plus souvent couverts par les laits infantiles. Cependant, l’enrichissement des laits de croissance en DHA n’est pas obligatoire : après 1 an, la consommation de 2 portions de poisson/semaine permet de couvrir les besoins (tableau à consulter sur ce lien).

> Évaluer les apports en fer absorbé

La carence martiale est la carence nutritionnelle la plus fréquente au monde, y compris dans les pays développés. Compte tenu des coefficients d’absorption très variables du fer (30 % pour le fer héminique des viandes et des poissons, 5 à 10 % pour le fer non héminique des légumineuses, des végétaux et des céréales enrichies en fer), la Société française de pédiatrie recommande d’évaluer les apports, non pas en fer ingéré, mais en fer absorbé. Ces besoins sont très faibles pendant les 6 premiers mois de vie et augmentent ensuite. Entre 6 et 12 mois (1 mg/j), ils sont couverts par 700 mL de lait 2e âge, ou moins selon la consommation de viande par l’enfant.

En cas d’allaitement maternel exclusif ou majoritaire (le lait de femme est pauvre en fer), une supplémentation doit être systématique chez le nourrisson de plus de 6 mois (tableau à consulter sur ce lien).

Comment procéder en pratique ?

Entre 4 mois et 1 an, le nourrisson passe progressivement de 5 à 6 biberons à 4 repas par jour.

La diversification commence en général par les légumes et les fruits. Les purées sont préparées en mélangeant des légumes à autant de pommes de terre ou de féculents (moitié moitié), cuits à la vapeur ou à l’eau, avec pas ou peu de sel. Les fruits sont généralement donnés d’abord sous forme cuite, en compote, mais peuvent l’être sous forme crue, écrasée. Si le nourrisson refuse les purées à la cuillère, on peut les mélanger au lait de son biberon pour qu’il en accepte peu à peu le goût.

Le gluten peut être introduit sous forme de céréales dans les biberons dès 4 mois. Il est cependant conseillé d’en limiter la quantité au début de la diversification. 

Introduire viandes et poissons entre 4 et 6 mois. On commence par 10 g d’aliments mixés, soit 2 cuillères à café par jour, puis on augmente progressivement leur quantité jusqu’à 30 g/j à 1 an. L’œuf doit d’abord être introduit sous forme cuite (œuf dur ou cuisiné), puis de moins en moins cuite : environ la moitié d’un œuf 2 fois/semaine.

L’introduction d’arachide entre 4 et 6 mois diminue le risque d’allergie à la cacahuète, surtout dans les pays où cette allergie est fréquente et en cas de terrain atopique à risque. Il est recommandé de donner l’équivalent de 2 g de protéines de beurre de cacahuète par semaine, soit 1 cuillère à café bombée. Les autres fruits à coque peuvent aussi être introduits précocement, sous forme de pâte à tartiner (amande, noisette) ou de poudre.

Plusieurs nouveaux aliments peuvent être introduits le même jour, mais il faut éviter d’associer plusieurs aliments à haut potentiel allergénique (œuf, poisson, arachide, fruits à coque), pour pouvoir identifier l’aliment responsable en cas de réaction allergique.

L’environnement lors des repas est très important. Le nourrisson doit être installé en position contenue, dans les bras, ou dans une chaise haute adaptée. Il faut inciter les parents à donner à manger à leur enfant dans une ambiance calme, sans distraction. Il est important également que le nourrisson voie manger ses parents ou d’autres enfants pour qu’il soit en confiance avec les aliments proposés. La cuillère doit être adaptée et ne pas le blesser. Les parents peuvent être amenés à proposer 8 à 10 fois une nouvelle saveur avant que l’enfant ne l’accepte, mais il faut éviter tout forcing alimentaire.

Attention : certains aliments sont déconseillés pendant la petite enfance

Les fromages non pasteurisés sont fortement déconseillés avant l’âge de 10 ans, de même que les viandes crues ou peu cuites (cuire à cœur les viandes hachées) pour prévenir le risque de syndrome hémolytique et urémique. Les produits de la mer crus sont déconseillés avant 5 ans. Le miel (d’origine artisanale surtout) n’est pas recommandé avant l’âge de 1 an (risque de botulisme). Les jus végétaux (riz, amande…) sont des boissons, mais ne doivent pas remplacer le lait (maternel ou infantile). Enfin, le lait de vache classique n’est pas adapté aux nourrissons de moins de 1 an sur le plan nutritionnel.

Que penser de la diversification menée par l’enfant ?

Cette méthode permet au bébé, dès l’âge de 5 à 7 mois, de prendre lui-même les aliments solides en main. Elle a plusieurs avantages : développer précocement les capacités masticatoires, faire découvrir les goûts individuellement, diminuer le risque de néophobies alimentaires. Il est effectivement très important de laisser les enfants toucher et jouer avec les aliments qu’ils mettront dans la bouche, pour qu’ils jouent un rôle actif et autonome dans leur alimentation. Cependant, la DME a ses limites : elle favorise les fausses routes, nécessite une surveillance plus attentive, et expose au risque (débattu) de carences nutritionnelles (lipides, fer, zinc, vitamine B12).

Pour en savoir plus :

Diversification alimentaire : tout (ou presque) dès 4 mois.Rev Prat (en ligne) 19 septembre 2021.

Dossier – Alimentation du nourrisson et du jeune enfant (élaboré selon les conseils du Dr Julie Lemale). Rev Prat 2021;71(10); ;1073-100.