La concentration du SARS-CoV-2 dans les eaux usées est un indicateur précoce des tendances de l’épidémie. Depuis avril 2020, le réseau Obépine, avec des chercheurs de Sorbonne Université (virologues médicaux, mathématiciens, hydrologues), d’autres universités (Lorraine, Clermont), de l’IRBA (Institut de recherche biomédicale des armées) et de l’Ifremer, mène cette surveillance fondamentale à travers l’analyse des eaux de 150 stations d’épuration sur le territoire national. 
Leurs données, rendues publiques fin janvier, sont désormais consultables en ligne, par région. 

 

Comment cette surveillance marche-t-elle, en pratique ? Depuis une dizaine d’années, les eaux usées sont analysées pour rechercher des agents chimiques, notamment des drogues illicites, mais aussi pour la détection des épidémies de gastroentérite. Le génome viral du SARS-CoV-2, excrété dans les selles des personnes infectées, peut donc aussi y être traqué. En pratique, après concentration des eaux usées par ultracentrifugation, on extrait le génome viral et on réalise une PCR sur 3 régions différentes (comme dans le test nasopharyngé). Le génome peut résister dans les eaux usées au moins 12 jours à 4 °C, les analyses sont donc suffisamment fiables et reproductibles. Dans la plupart des cas, les prélèvements sont traités dans les 24 heures. 

Le principal avantage est le caractère massif de ce test, qui permet de prendre en compte toute la population, et particulièrement les sujets asymptomatiques qui ne sont que rarement testés mais dont on connaît le rôle dans la transmission virale. C’est la raison pour laquelle cet indicateur est probablement le plus précoce : selon Laurent Moulin, microbiologiste et responsable du laboratoire de recherche à Eau de Paris, les données Obépine ont 6 ou 7 jours d’avance sur les autres indicateurs ; la courbe de la seconde vague a, elle, précédé de 2 à 3 semaines celle des cas confirmés hospitalisés, comme nous l’expliquait Sébastien Wurtzer, virologue environnemental au département R&D (direction de la recherche, du développement et de la qualité de l’eau) d’Eau de Paris, dans un entretien en octobre dernier…

Ces résultats montrent une évolution hétérogène de la circulation du virus dans les eaux usées : à Strasbourg, la tendance est à la baisse, après un pic début décembre, alors qu’à Marseille la hausse est soutenue depuis les fêtes, et à Lyon elle commence à se stabiliser. En Île-de-France, les différentes stations montrent aussi des résultats divergents… 

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2e vague Covid : l’analyse des eaux usées l’avait pourtant prédite… Entretien avec Sébastien Wurtzer, octobre 2020.

L.M.A., La Revue du Praticien