Les données, qui s’accumulent, tendent à montrer que les enfants sont moins susceptibles d’être infectés par le SARS-CoV-2 que les adultes (ils auraient de 30 à 50 % moins de chances de l’être, selon certaines études). De plus, quand ils sont touchés, ils sont souvent asymptomatiques ou développent généralement des formes peu sévères de la maladie.
Les mécanismes biologiques qui sous-tendent ce phénomène ne sont pas encore tout à fait clairs, mais une étude récente publiée dans Nature Communications donne quelques pistes, grâce à une comparaison entre les réponses de l’immunité innée chez les adultes et les enfants.
Un cas étonnant d’infection familiale a été publié par ces auteurs dans le même journal en novembre dernier. L’histoire naturelle de l’infection a pu être retracée et documentée grâce à de multiples prélèvements virologiques et immunologiques, réitérés dans le temps, chez tous les membres de la famille. Au retour d’un mariage, les 2 parents se plaignent de syndromes grippaux ; le diagnostic de Covid-19 a été confirmé rapidement par un test PCR positif. Les 2 parents vivent avec leurs 3 enfants, sans prendre des précautions particulières ; 7 jours après, 2 des enfants avaient des symptômes légers (rhume, toux sans fièvre) ; le troisième était asymptomatique. Les tests PCR répétés, pratiqués chez les enfants, ont toujours été négatifs. Pourtant, ces enfants ont développé une réaction immunitaire humorale et cellulaire vis-à-vis du SARS-CoV-2 identique à celle des 2 parents dont la PCR était positive.
Pour tenter de comprendre ce paradoxe, les auteurs ont étudié le profil immunitaire de 48 enfants et 70 adultes, infectés ou cas contact, à la phase aiguë et lors de leur convalescence. Les personnes infectées étaient définies comme celles ayant un diagnostic de Covid-19 confirmé par PCR et une symptomatologie légère (fièvre, toux, céphalées…) ; les cas contact étaient ceux dont la PCR était négative à plusieurs reprises, malgré une exposition au sein du foyer avec une personne positive au SARS-CoV-2. Les échantillons sanguins ont été collectés à la phase aiguë (dès la confirmation du diagnostic pour les premiers et dès le test positif chez les contacts des deuxièmes), puis à la phase convalescente jusqu’à 7 semaines après.
Résultats : l’infection chez les enfants entraînerait un développement plus rapide de l’immunité innée, ce qui pourrait expliquer, d’une part, qu’ils fassent plus de formes légères et, d’autre part, que parfois les PCR restent négatives – la rapidité de la réponse immunitaire permettant une neutralisation rapide du virus, avant que celui-ci n’ait le temps de proliférer suffisamment pour être détecté par le test. En effet, la réponse se caractérisait, à la phase aiguë, par une augmentation de l’activité des neutrophiles et une faible circulation de tous les sous-ensembles de monocytes, des cellules dendritiques et des lymphocytes cytotoxiques, suggérant que celles-ci sont concentrées sur le lieu de l’infection.
L’étude a mis en évidence que l’exposition au SARS-CoV-2 induit une réponse immunitaire même en l’absence de confirmation virologique d’infection.
Selon autre étude publiée en novembre comparant les réponses immunitaires humorales chez 47 enfants et 32 adultes atteints de Covid-19, les enfants produiraient davantage les anticorps dirigés contre la protéine Spike, alors que les adultes produiraient en plus des anticorps dirigés contre la protéine de nucléocapside, qui joue un rôle dans la réplication virale. Or cette protéine est produite uniquement lorsque le virus a suffisamment proliféré. Leur absence chez les enfants suggère donc que le virus a été éliminé avant qu’il n’ait le temps de proliférer.
Ces hypothèses viennent s’ajouter à d’autres émises auparavant selon lesquelles la moindre prévalence de la Covid chez les enfants pourrait aussi s’expliquer par le fait que leur épithélium nasal a moins de récepteurs ACE2, qui sont la porte d’entrée du virus dans les cellules.
Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien