La sclérose en plaques (SEP) est la maladie inflammatoire démyélinisante la plus répandue dans les pays industrialisés, et elle représente en France la première cause de handicap locomoteur d’origine non traumatique chez l’adulte jeune. On estime actuellement que 2,8 millions de personnes vivent avec la SEP, soit une prévalence globale de la maladie de 35,9 pour 100 000, avec un âge moyen au diagnostic de 32 ans. Il existe d’importantes variations de prévalence de la SEP à travers le monde ; on admet habituellement un gradient nord-sud avec, par exemple, une prévalence élevée en Amérique du Nord et en Europe (supérieure à 100 pour 100 000 habitants) et une prévalence faible en Asie de l’Est et en Afrique subsaharienne (environ 2 pour 100 000 habitants) [figure] Toutefois, dans une même zone géographique, des disparités importantes de prévalence sont possibles : par exemple en France, un gradient nord-est/sud-ouest est observé, avec une prévalence générale de 155 pour 100 000.1
L’incidence annuelle française est, quant à elle, estimée entre 7 et 9 pour 100 000 habitants. Environ 5 000 nouveaux cas sont diagnos­tiqués chaque année, et plus de 110 000 patients ont été recensés en 2018. Les données générées par l’Observatoire français de la SEP confirment des notions déjà connues : la maladie est à nette prédominance féminine, avec un sex-ratio d’environ 3 femmes pour 1 homme ; la maladie n’a une expression progressive d’emblée que dans 10 % des cas environ, et elle débute entre 20 et 39 ans pour environ deux tiers des patients.

Augmentation de l’incidence et de la féminisation

Malgré des disparités selon les études, il existe très probablement une augmentation de l’incidence de la maladie entre les années 1950 et la fin des années 1990. L’amélioration des moyens diagnostiques en est probablement une raison, de même que les modifications des critères de la maladie. Indépendamment de ces facteurs, l’incidence paraît avoir augmenté au cours du temps ; des changements des modes de vie et une exposition plus importante à des facteurs de risque de développer la maladie sont certainement en cause.
Une deuxième tendance est l’augmentation de la proportion de femmes atteintes, également suggérée par plusieurs études concordantes.
Des études observationnelles suggèrent aussi une amélioration globale du pronostic de la SEP dans sa forme récurrente-rémittente, possiblement du fait de l’amélioration notable de la prise en charge des patients et, peut-être, de la mise à disposition de traitements de fond de plus en plus efficaces.2

Des facteurs environnementaux influant dès l’enfance

Les études de prévalence chez les migrants d’une zone de faible prévalence de la maladie vers une zone de forte prévalence, et inversement, permettent en théorie de mesurer l’influence de facteurs environnementaux sur le risque de développer la maladie, mais également d’indiquer dans quelle tranche d’âge ces facteurs pourraient intervenir. De nombreux travaux ont ainsi étudié la question des effets de la migration sur le risque de sclérose en plaques, dès la fin des années 1960.3
La migration avant l’âge de 15 ans de régions à risque élevé vers des régions à faible risque réduit le risque global de SEP. Inversement, le risque de SEP augmente chez les sujets migrant avant l’âge de 15 ans d’une zone à faible risque vers une zone à risque élevé ; cet effet rejoint le risque de la région d’accueil à la deuxième génération.
En outre, les travaux réalisés chez les natifs des Antilles françaises migrant en métropole et retournant dans leur région d’origine montrent qu’une durée de séjour supérieure à dix ans en zone de forte prévalence (la métropole) est nécessaire pour acquérir le risque de la région d’accueil.
Ces données soulignent le fait que des facteurs environnementaux acquis dans l’enfance et l’adolescence ont un rôle causal important dans le développement de la sclérose en plaques.4 ,5
Deux études récentes ont permis d’aller encore plus loin dans la précision du déterminisme de la SEP en fonction de l’âge d’exposition aux facteurs environnementaux. Dans la première étude, réalisée au Danemark (zone de forte prévalence), un lien a été montré entre le taux de vitamine D en période néonatale et le risque ultérieur de développer la maladie, soulignant l’intérêt d’agir de façon très précoce sur ce facteur environnemental théoriquement facile à corriger.6 Dans la deuxième étude, menée en Nouvelle-Zélande, l’effet du gradient de latitude sur le risque ultérieur de développer la SEP se manifestait dès la naissance, pour décliner après l’âge de 12 ans. Ces données soulignent là encore l’influence précoce de l’exposition à certains facteurs environnementaux.7

Infection au virus d’Epstein-Barr : facteur plus tardif mais quasi obligatoire

L’exposition au virus d'Epstein-Barr (EBV), de facto plus tardive dans la vie, est un autre facteur de risque maintenant bien établi et quasi obligatoire de développer une sclérose en plaques.8 Une étude cas-témoins récente confirme que le risque de SEP se manifeste surtout lorsque le contact avec l’EBV a lieu après 20 ans ; a contrario, une infection à EBV précoce constituerait plutôt un facteur protecteur.9

Alimentation, tabagisme et microbiote : une influence moindre mais réelle

D’autres facteurs ont été récemment reconnus comme pouvant concourir, dans une moindre mesure, au risque de développer une SEP.10
L’obésité dans l’enfance et l’adolescence augmente ainsi clairement le risque, possiblement par le biais d’un état pro-inflammatoire. Au sein des facteurs alimentaires, la consommation excessive de sodium pourrait également jouer un rôle dans l’activité inflammatoire de la maladie, mais son influence sur le risque de développer la SEP est incertaine.
Le tabagisme est un autre facteur de risque identifié par la dose et la durée de consommation. Il semble exercer un effet modeste mais réel sur le risque de développer la maladie (et sur le risque d’activité de cette dernière, une fois installée).
Enfin, le microbiote intestinal a fait l’objet d’intenses recherches ces dernières années chez les patients atteints de maladies auto-immunes en général et de SEP en particulier. S’il est clair que des modifications du microbiote, influencées par le régime alimentaire, ont un impact sur le risque d’auto-immunité, les effets exacts du remaniement volontaire du microbiote sur le risque de développer la SEP et sur l’activité de la maladie sont encore à démontrer.11

L’épidémiologie au service de la prévention

Les études épidémiologiques révèlent que la prévalence de la sclérose en plaques est très hétérogène, avec un net gradient nord-sud d’une part et des disparités régionales d’autre part. Les données issues de certaines régions du globe sont toutefois encore insuffisantes en la matière. La prévalence de la maladie a connu une augmentation au cours du temps, qu’il s’agit de nuancer du fait de l’amélioration des moyens diagnostiques et des modifications apportées aux critères diag­nostiques.
L’épidémiologie de la SEP apporte surtout des éléments de compréhension sur les interactions entre génétique et environnement. Au cours des dernières décennies, elle a permis d’améliorer la compréhension physiopathologique de la maladie, précisant la précocité des facteurs de risque et ouvrant la voie à des actions préventives. 

Références

1. Walton C, King R, Rechtman L, Kaye W, Leray E, Marrie RA, et al. Rising prevalence of multiple sclerosis worldwide: Insights from the Atlas of MS, third edition. Mult Scler 020 -;26(14):1816-21.
2. Koch-Henriksen N, Magyari M. Apparent changes in the epidemiology and severity of multiple sclerosis. Nat Rev Neurol 2021;17(11):676-88.
3. Dean G, Kurtzke JF. On the risk of multiple sclerosis according to age atimmigration to South Africa. BMJ 1971;3(5777):725-9.
4. Cabre P, Signate A, Olindo S, Merle H, Caparros-Lefebvre D, Béra O, et al. Role of return migration in the emergence of multiple sclerosis in the French West Indies. Brain 2005;128(12):2899-910.
5. Munk Nielsen N, Corn G, Frisch M, Stenager E, Koch-Henriksen N, Wohlfahrt J, et al. Multiple sclerosis among first- and second-generation immigrants in Denmark: a population-based cohort study. Brain 2019;142(6):1587-97.
6. Nielsen NM, Munger KL, Koch-Henriksen N, Hougaard DM, Magyari M, Jørgensen KT, et al. Neonatal vitamin D status and risk of multiple sclerosis. Neurology 2016;88(1):44-51.
7. Sabel CE, Pearson JF, Mason DF, Willoughby E, Abernethy DA, Taylor BV. The latitude gradient for multiple sclerosis prevalence is established in the early life course. Brain 2021;144(7):2038-46.
8. Bjornevik K, Cortese M, Healy BC, Kuhle J, Mina MJ, Leng Y, et al. Longitudinal analysis reveals high prevalence of Epstein-Barr virus associated with multiple sclerosis. Science 2022;science.abj8222.
9. Biström M, Jons D, Engdahl E, Gustafsson R, Huang J, Brenner N, et al. Epstein-Barr virus infection after adolescence and human herpesvirus 6A as risk factors for multiple sclerosis. Eur J Neurol 2020 22;ene.14597.
10. Michel L. Environmental factors in the development of multiple sclerosis. Rev Neurol (Paris) 2018;174(6):372-7.
11. Mangalam AK, Giri S. Role of microbiome and metabolome in the pathobiology of MS. Clinical Immunology 2022;235:108934.

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