La fibrillation atriale (FA) touche environ 1 million de personnes en France, et ce nombre devrait progresser avec le vieillissement de la population. Chez les patients atteints de FA, on associe souvent un anticoagulant oral direct (AOD) à un traitement du contrôle de la fréquence cardiaque (FC) : en première intention, des bêtabloquants comme le métoprolol ou des inhibiteurs calciques comme le diltiazem. Toutefois, le diltiazem inhibe l’élimination de l’apixaban et du rivaroxaban, ce qui pourrait causer un excès d’anticoagulation et un sur-risque hémorragique. Face au manque d’études à ce sujet, des chercheurs américains se sont tournés vers les données de l’assurance-santé publique américaine Medicare pour mener une étude de cohorte rétrospective.
Les patients éligibles atteints de FA avaient 65 ans ou plus, devaient avoir reçu une prescription d’apixaban ou de rivaroxaban entre 2012 et 2020, et avoir commencé un traitement de contrôle de la FC (diltiazem ou métoprolol). Le suivi des patients a duré au plus 365 jours à partir de l’initiation du contrôle de la FC.
Le critère de jugement principal associait les hospitalisations liées à des saignements et la mortalité à la suite d’un saignement (hémorragie dans les 30 jours précédant le décès). Les critères de jugement secondaire comportaient les événements hémorragiques et ischémiques majeurs, les AVC ischémiques, les décès en l’absence d’hémorragie récente et les embolies systémiques.
Les résultats sont parus en avril dans le JAMA. En tout, 204 155 bénéficiaires de Medicare ont été inclus (âge moyen = 76,9 ± 7,0 ans ; 52,7 % de femmes), dont 53 275 ont reçu du diltiazem et 150 880 du métoprolol. Le suivi moyen par patient après le début de la prise du contrôleur de FC était de 120 jours. Les personnes ayant pris du diltiazem ont montré un risque accru pour le critère de jugement principal (hazard ratio [HR] = 1,21 ; IC95 % = [1,13 ; 1,29]) et ses composantes.
Par ailleurs, l’interaction médicamenteuse découverte semble dose-dépendante : les patients ayant pris des doses initiales de diltiazem > 120 mg/jour (environ la médiane de dose initiale reçue dans la cohorte) avaient un risque majoré par rapport à ceux en ayant pris ≤ 120 mg/jour (HR = 1,14 ; IC95 % = [1,02 ; 1,26]). Les critères secondaires n’ont pas montré de différence significative entre le diltiazem et le métoprolol, ni entre haute dose et basse dose de diltiazem.
Les auteurs concluent que chez les patients de plus de 65 ans atteints de FA sous apixaban ou rivaroxaban, le contrôle de la FC par diltiazem est corrélé à un sur-risque hémorragique par rapport au métoprolol, notamment à des doses de diltiazem > 120 mg/jour. En l’absence de contre-indication, les bêtabloquants devraient donc être privilégiés.
Nobile C. Comment prendre en charge la FA chez le sujet âgé ? Rev Prat (en ligne) 16 septembre 2022.