Dès le début de la pandémie, le Haut Conseil de la santé publique a inclus les femmes au 3e trimestre de grossesse dans la liste des sujets à risque de développer une forme sévère de Covid-19. Toutefois, la rareté et le caractère parcellaire des données disponibles concernant les femmes enceintes infectées par le SARS-CoV-2 rendent difficile une description précise des risques associés, causant une incertitude importante pour les praticiens qui prennent en charge ces patientes.
Les interrogations portent en particulier sur les complications de la grossesse – les risques encourus par la femme et par le fœtus – et sur la possible transmission materno-fœtale du virus.
Concernant les complications, une méta-analyse publiée début septembre dans le BMJ a suggéré, à partir des données de 77 études, que les femmes enceintes atteintes de Covid-19 avaient un plus grand risque d’être admises en unité de soins intensifs et de nécessiter une ventilation invasive, comparées à leur paires non enceintes (en âge reproductif). Cependant, bien que le taux de positivité des femmes enceintes incluses dans ces études ait été de 7 % (selon les auteurs, un chiffre probablement supérieur à celui qui serait observée de fait dans la population), les trois quarts d’entre elles étaient asymptomatiques. Cette caractéristique, qui s’explique sans doute parce que les patientes incluses étaient plus testées qu’en population générale, ne fait d’ailleurs que souligner l’importance de la systématicité du dépistage au cours de la grossesse, afin d’améliorer la prise en charge de ces patientes, de leurs familles et du personnel soignant.
L’étude souligne que les facteurs de risque pour les femmes enceintes de développer une forme grave de Covid-19 sont, comme pour la population générale, les comorbidités préexistantes – diabète, hypertension, indice de masse corporelle élevé –, mais aussi une grossesse en âge avancé. Par ailleurs, une étude publiée dans le BJOG en juillet sur des données de 675 femmes enceintes dont 71 infectées par le SARS-CoV-2 révélait un plus grand risque pour celles-ci de développer des complications post-partum (fièvre, hypoxie, réadmission à l’hôpital) : 13 %, contre 4,5 % chez les patientes non infectées.
Les risques encourus par le fœtus ne sont pas tout à fait clairs, mais la méta-analyse du BMJ a trouvé que le risque d’accouchement prématuré était majeur chez les patientes Covid+, et un quart des bébés nés de mères infectées ont été admis en unité de néonatalogie et étaient de façon générale plus à risque d’y être admis que ceux nés de mères non infectées. Si les données sur cette question sont parcellaires en ce qui concerne le SARS-CoV-2, l’expérience acquise lors des épidémies de SARS-CoV et MERS-CoV suggère que, pour ces autres coronavirus, le risque de complications fœtales (fausses couches, naissances prématurées, retard de croissance intra-utérins) est en effet plus élevé.
En ce qui concerne le risque de transmission materno-fœtale du virus, l’incertitude est encore plus importante : jamais confirmé pour les autres coronavirus, ce risque a toutefois été suspecté par certaines études pour le SARS-CoV-2. Le cas d’un nourrisson testé positif 36 heures après la naissance, en Chine, a été répertorié dans le Lancet en mars, et un cas de transmission par le placenta en France a été reporté dans Nature Communications en juillet. Mais, à ce stade, la communauté scientifique reste prudente et considère que, bien que possible, cette transmission est rare.
Enfin, en l’attente de données probantes concernant la transmission après l’accouchement, notamment via l’allaitement, l’Académie de médecine, suivant l’opinion de la Société française de néonatologie, a recommandé que la mère asymptomatique ou pauci-symptomatique continue d’allaiter, même en cas de prise de paracétamol, et tout en prenant les mesures de protection nécessaires (port d’un masque chirurgical et d’une blouse changés à chaque tétée, lavage des mains, nettoyage et désinfection des mamelons, puis nouvelle désinfection des mains au gel hydro-alcoolique avant de prendre l’enfant, et nouveau lavage des mains après la tétée). Les avantages nutritionnels, immunitaires, et de la relation mère-enfant sont en effet supérieurs au risque de transmission si ces mesures sont respectées.
Pour en savoir plus
Allotey J, Stallings E, Bonet M, et al. Clinical manifestations, risk factors, and maternal and perinatal outcomes of coronavirus disease 2019 in pregnancy: living systematic review and meta-analysis. BMJ 2020;370:m3320.
McLean Pirkle C. Evidence based care for pregnant women with covid-19. BMJ 2020;370:m3510.
Inserm. Les femmes enceintes plus à risque de complications liées au Covid-19, vraiment ? Communiqué de presse du 1er septembre 2020.
Académie nationale de médecine. Allaitement et Covid-19. Communiqué de presse du 8 septembre 2020.
Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien