Un enfant, sans antécédent d’atopie, a eu plusieurs réactions localisées, puis généralisées, après utilisation d’un antiseptique à base de chlorhexidine (Biseptine 0,25 %, puis Diaseptyl 0,5 %) : entre 2 et 3 ans, il a développé trois éruptions eczématiformes au site d’application ; lors de la quatrième exposition, il a présenté immédiatement après dépôt de la solution antiseptique une anaphylaxie de grade 2 (toux, urticaire généralisée, œdème des chevilles, asthénie) et des lésions eczématiformes au site d’application ayant persisté plusieurs jours. Les investigations allergologiques ont révélé une sensibilisation cutanée et sérique à la chlorhexidine (prick-test à 6 mm, immunoglobulines E [IgE] spécifiques à 6,34 kU/L). L’éviction des antiseptiques à base de chlorhexidine a été proposée avec mise en place d’un projet d’accueil individualisé et d’une trousse d’urgence. 
À 4 ans, il a été exposé à l’école, par inadvertance, à un savon liquide contenant de la chlorhexidine. Dans les suites immédiates, il a développé un bronchospasme et un œdème du dos des mains, puis un eczéma aigu des deux mains (figure).

La chlorhexidine est un antiseptique bactéricide de la famille des biguanides, très utilisé. Elle existe sous différentes formes galéniques : solutions antiseptiques, pastilles à sucer, collutoire, bains de bouche, savons liquides. Ces dernières sont disponibles en vente libre – pour certaines en grandes surfaces – sous divers noms commerciaux. La chlorhexidine y est présente seule ou associée à d’autres antiseptiques.

L’hypersensibilité à la chlorhexidine est relativement méconnue en dehors de réactions immédiates en environnement opératoire.1 Les réactions d’hypersensibilité retardée à type d’eczéma sont plus volontiers décrites en dehors d’une prise en charge hospitalière, dans la population adulte. 

Depuis quelques années, plusieurs cas d’anaphylaxie sévère chez l’enfant, lors de la désinfection de plaies ou de la prise de pastilles pour la gorge à base de chlorhexidine, ont été publiés.2-4 Au centre d’allergologie de Strasbourg, six enfants ont été répertoriés sur une période de cinq ans.5 Les symptômes étaient le plus souvent des anaphylaxies de grade 2. Le cas rapporté ici souligne une particularité notable de cette allergie : un délai diagnostique long, occasionnant plusieurs épisodes et des tableaux cliniques d’allergie retardée et immédiate chez un même patient. Chez les six enfants recensés, les réactions faisaient suite à la désinfection d’une plaie avec effraction cutanée traitée par Biseptine, Diaseptyl, Mercurochrome ou de la chlorhexidine distribuée en grandes surfaces. Les tests cutanés étaient positifs ainsi que le dosage des IgE spécifiques (taux compris entre 0,56 et 15,7 kU/L). Une éviction était alors proposée, associée à la dispensation d’une carte d’allergie et d’une fiche proposant d’autres antiseptiques (hypochlorite de sodium, povidone iodée, per­oxyde d’hydrogène, alcool modifié à 70 %, hexamidine).

Chez l’enfant, la chlorhexidine est utilisée de manière systématique lors des soins du cordon en maternité, des maladies éruptives infantiles (varicelle notamment) mais surtout lors du nettoyage des plaies. Sur les peaux lésées, ces applications répétées pourraient sans doute faciliter la sensibilisation, avec risque ultérieur de réaction allergique lors de la réexposition. Or, pour une plaie aiguë, un lavage soigneux à l’eau et au savon est suffisant dans la plupart des cas. Le dévelop­pement d’une réaction anaphylactique aux conséquences ­potentiellement graves doit conduire le praticien à réévaluer la pertinence de la prescription de la chlorhexidine mais également à rechercher cet allergène en cas de réaction évocatrice d’anaphylaxie ou d’eczéma de contact.

Références
1. Chiewchalermsri C, Sompornrattanaphan M, Wongsa C, et al. Chlorhexidine Allergy: Current Challenges and Future Prospects. J Asthma Allergy 2020;13:127-33.
2. Rochefort-Morel C, Polard E, Hery G. Un cas rare d’anaphylaxie a la chlorhexidine chez un enfant de 2 ans. Rev Fr Allergol 2016;56:314.
3. Blanc S, Bourrier T, Giovannini-Chami L, et al. Réaction anaphylactique à la chlorhexidine due à une pastille Drill. Rev Fr Allergol 2013;53:364.
4. Saf S, Bourgoin-Heck J, Just J, et al. Anaphylaxie à la chlorhexidine en pédiatrie : se méfier des pastilles à sucer. Rev Fr Allergol 2019;59:280.
5. Eber E, Krieger P, Drillon-Hauss S, et al. À propos de 5 cas d’hypersensibilité allergique à la chlorhexidine chez l’enfant. Rev Fr Allergol 2021;6:291.

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