Une étude longitudinale parue fin 2021 dans The Lancet Oncology avait montré qu’avoir au moins 20 % des séances d’immunothérapie en fin de journée (après 16 h 30) était associé avec une survie plus courte chez des patients atteints de mélanome. De même, début 2021, une étude parue dans Science Advances relevait l’impact du moment de la journée sur la réaction de cultures cellulaires à des agents antitumoraux. Cependant, au niveau de l’organisme, les variations de l’immunosurveillance – la capacité du système immunitaire à repérer et éliminer les cellules cancéreuses – au cours de la journée restaient peu comprises.
Dans un article paru début décembre dans Nature, des chercheurs suisses se sont attachés à éclaircir l’origine de ces variations journalières dans différents modèles de souris. Ils ont d’abord injecté des mélanomes dans des souris d’une lignée saine à six moments de la journée en environnement contrôlé (12 heures d’obscurité, 12 heures de lumière). Les auteurs ont alors constaté que les tumeurs grossissaient significativement plus vite lorsque les animaux avaient été injectés la nuit plutôt que le jour. Pour déterminer l’origine de cette différence, les chercheurs ont reproduit l’expérience dans une lignée de souris immunodéficientes, sans retrouver ces écarts de développement entre tumeurs greffées à des heures différentes. L’expérience les a mis sur la piste de l’implication du système immunitaire dans ces variations.
En se penchant sur les différences immunitaires entre souris saines injectées la nuit et le jour, les scientifiques ont repéré que les lymphocytes T cytotoxiques étaient plus nombreux autour des tumeurs greffées le jour. Or, pour remplir leur rôle d’immunosurveillance, ces cellules cytotoxiques doivent être activées par une protéine produite par les cellules dendritiques, des cellules dont l’activité varie en fonction du moment de la journée.
Les auteurs en déduisent que l’immunothérapie ainsi que les vaccins anticancers en développement pourraient bénéficier de cette variation journalière de l’immunosurveillance en étant injectés de concert avec le pic d’efficacité du système immunitaire.
Wang C, Barnoud C, Cenerenti M, et al. Dendritic cells direct circadian anti-tumor immune responses. Nature 2022;614:136-43.