Nausées et vomissements gravidiques : le mécanisme enfin dévoilé

Les nausées et vomissements gravidiques concernent environ 70 % des femmes au premier trimestre de grossesse ; 35 % des femmes perçoivent ces troubles comme invalidants et 4 % ont une hyperémèse gravidique (HG). Pour comprendre ces vomissements, une équipe internationale de chercheurs a exploré une causalité du côté de la protéine GDF15, un facteur de croissance connu pour être corrélé à l’HG, mais sans compréhension mécanistique de ce lien jusqu’à aujourd’hui.Les résultats de cette nouvelle étude ont été publiés en décembre 2023 dans Nature. Les auteurs ont d’abord confirmé, dans une première cohorte de femmes enceintes, que les niveaux de GDF15 étaient significativement plus élevés chez celles souffrant de nausées (N = 168 femmes, concentration en GDF15 = 15,442 pg/mL, IC95 % = [14,588 pg/mL ; 16,346 pg/mL]) que chez celles qui n’en avaient pas (N = 148 femmes, [GDF15] = 13,198 pg/mL, IC95 % = [12,421 pg/mL ; 14,022 pg/mL]) (p-value = 2,4 x 10^- 4).En utilisant des données de séquençage des ARN et de l’ADN de 26 dyades mère-enfant de la cohorte Pregnancy Outcome Prediction, les chercheurs ont montré que la GDF15 dans le sang maternel était produite majoritairement par le fœtus. Ensuite, en étudiant in vitro le comportement de cellules humaines portant un variant rare de GDF15 associé à un risque 10 fois plus élevé pour la mère d’avoir une HG, les chercheurs ont constaté que les cellules mutantes ne sécrétaient pourtant pas de GDF15, entraînant un faible taux de protéines GDF15 circulantes chez les mutantes sensibles à l’HG…Pour éclaircir le mécanisme d’action putatif causant l’HG à partir de la hausse de GDF15 d’origine fœtale dans la circulation maternelle, les chercheurs ont enfin conduit une enquête auprès de 20 femmes ayant accouché d’un enfant vivant et atteintes de β-thalassémie – une maladie génétique associée à de hauts niveaux chroniques de GDF15. Seules 5 % de ces 20 femmes déclaraient avoir ressenti des nausées en début de grossesse, contre 60 % des 20 femmes du groupe contrôle, apparié selon l’âge et l’ethnicité (p-value = 0,004).De ces résultats, les chercheurs déduisent que c’est l’augmentation de la concentration dans le sang de la protéine GDF15 produite par le fœtus qui entraîne les nausées et l’HG chez les femmes enceintes, ce qui expliquerait également la faible incidence de l’HG chez les femmes ayant déjà un haut niveau de GDF15 avant l’afflux fœtal de cette molécule.Ils proposent donc deux stratégies thérapeutiques contre l’HG : bloquer l’action de la GDF15 pendant la grossesse, ou bien désensibiliser les femmes à la GDF15 en augmentant sa concentration sanguine avant la grossesse. Les auteurs notent toutefois que la GDF15 pourrait jouer d’autres rôles, encore inconnus, dans la santé fœtale et maternelle, même s’ils considèrent que sa suppression pendant le développement fœtal ne devrait pas avoir de conséquences négatives compte tenu de la bonne santé des souris mutantes sans GDF15.