Dans cette étude menée par l’université de Cambridge, l’Institut Pasteur et le CNRS, publiée dans la revue Nature, les auteurs ont collecté les données issues de 45 pays, incluant un total de 3,4 milliards de personnes, qui ont été croisées avec 22 enquêtes de séroprévalence au niveau national.
Les auteurs montrent que la simple comparaison du nombre de décès entre pays peut être trompeuse. En effet, la plupart des décès concernent les personnes âgées, et leur incidence est difficilement comparable. Au Royaume-Uni, au Canada et en Suède, la pandémie de Covid-19 a touché très fortement les résidents des maisons de retraite, qui représentent plus de 20 % de tous les décès liés à la Covid. Le niveau de transmission du SARS-CoV-2 au sein de la population générale peut donc être difficile à distinguer de cette explosion de cas. À l’inverse, certains pays d’Asie et d’Amérique du Sud ont signalé beaucoup moins de décès liés à la Covid chez les sujets âgés qu’attendu. Une explication possible de ces « décès manquants » est que les causes de mort dans les populations âgées sont moins susceptibles d’être étudiées et signalées, car la priorité de ces pays est de contenir l’épidémie.
Ainsi, l’excès de mortalité chez les plus de 65 ans est particulièrement élevé dans les pays qui comptent de nombreuses maisons de retraite médicalisées. « Dans ces communautés de personnes isolées, une fois que le virus y pénètre, il peut se propager rapidement, ce qui entraîne des niveaux d’infection plus élevés qu’au niveau de la population générale », précise le Dr Henrik Salje (département de génétique de l’université de Cambridge), co-auteur principal du rapport. Selon cette analyse, en France au 1er septembre, 7,28 % des résidents des EHPAD ont été infectés, soit un taux d’attaque 1,7 fois plus élevé qu’en population générale.
En analysant le risque relatif de décès par Covid-19 en fonction de l’âge dans les différents pays, les auteurs ont trouvé que les données de mortalité étaient plus homogènes chez les moins de 65 ans, même si des différences persistent, probablement à cause d’autres variables, notamment l’incidence des comorbidités. Par exemple, les personnes vivant en Slovénie ou au Danemark auraient un risque de décès plus faible que celui mesuré à New York.
En utilisant uniquement les données de décès des moins de 65 ans, les auteurs estiment qu’au 1er septembre 2020, le taux de contamination moyenne par le SARS-CoV-2 dans les pays étudiés s’élève à 5 %, avec cependant de grandes disparités entre les différents pays : d’après cette modélisation, il varie de 0,06 % en Corée du Sud à 62,44 % au Pérou !
Ainsi, la notification des décès liés à la Covid chez les moins de 65 ans est un indicateur plus fiable pour évaluer le taux d’infection au sein des populations. Ce modèle peut être utilisé à l'échelle nationale, pour prédire le risque de décès après infection, en fonction de l’âge. Grâce aux données de mortalité par groupe d’âge on peut déterminer le niveau réel d’infection par le SARS-CoV-2 dans un pays et son évolution dans le temps, ce qui peut être particulièrement utile dans des régions où de grandes études de séroprévalence ne peuvent pas être réalisées.
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien
Institut Pasteur. Nombre de décès de Covid-19 chez les moins de 65 ans : un indicateur plus fiable pour évaluer les taux d’infection dans les populations. Communiqué de presse du 3 novembre 2020.