La crise sanitaire liée au coronavirus a conduit à la réorganisation de la plupart des cabinets de médecine générale. Limiter le nombre de patients en salle d’attente et éviter que ceux qui sont symptomatiques ne croisent les autres est devenu indispensable. Pour cela, les praticiens ont dû revoir leur mode d’exercice et leur emploi du temps. Le syndicat ReAGJIR s’est intéressé à ces modifications et à une interrogation datant de l’avant-Covid : le « tout rendez-vous » a-t-il réponse à tout ?
Certains médecins généralistes sont passés à des consultations exclusivement sur rendez-vous après s’être initiés aux téléconsultations durant le confinement, avertissant leurs patients par affichage ou via leur (télé)secrétariat.
Le Dr Caroline Di Lorenzo-Kas exerce à Bordeaux (33) dans un cabinet regroupant 4 médecins généralistes, 2 infirmières et 1 ostéopathe. Elle témoigne : « J’alternais entre plages de consultations libres et sur rendez-vous avant le confinement, avec un autre collègue. Mes 2 autres confrères étaient déjà exclusivement sur rendez-vous. Dès le 16 mars, lorsque le confinement a été annoncé, nous sommes passés sur rendez-vous. C’est notre secrétaire qui s’occupe de les répartir, en gardant des rendez-vous qu’elle peut bloquer au dernier moment. Elle connaît bien les patients et sait hiérarchiser les demandes. J’essaie aussi de garder des créneaux libres en journée. »
Installée depuis 3 ans et 1/2 et interrogée sur son ressenti à 6 mois, la jeune femme répond : « Le sur rendez-vous exclusif me stresse car j’ai l’impression d’avoir moins droit au retard. Je suis aussi toujours inquiète quand des patients n’arrivent pas à me voir dans les 24 heures car je n’aime pas ça. J’ai l’impression de finir plus tard et de voir moins de monde dans le même laps de temps – les patients viennent avec davantage de motifs et n’ont plus la conscience que beaucoup attendent derrière. Eux, par contre, adorent, car ils n’ont plus à supporter l’attente, qui pouvait parfois durer jusqu’à 2 heures. »
D’autres médecins ont choisi de garder des plages de consultations libres. Le Dr Mathieu Lorenzo, installé à Mulhouse (68) en maison de santé, explique : « Nous sommes dans un secteur où du sur rendez-vous exclusif n’est pas envisageable pour notre patientèle, pour des raisons d’accès aux soins. Il y a toujours l’un d’entre nous qui est en consultation libre pour pouvoir accueillir les patients le jour même. Mais nos secrétaires les accueillent à l’entrée du cabinet, et si besoin nous avons une salle d’attente séparée pour les patients symptomatiques. »
Le Dr Yannick Schmitt, exerçant à Lingolsheim (67) en cabinet d’associés, a fait lui aussi le choix de garder des consultations libres. Il continue à répondre lui-même au téléphone mais veille au flux de sa salle d’attente. En cas de forte affluence, il repousse certaines consultations. Il fait également attendre les patients symptomatiques dans un espace dédié. Durant le confinement, il rapporte avoir eu recours à un médecin associé pour pouvoir recevoir davantage des patients : « Le médecin associé voyait les visites et assurait les téléconsultations, pendant que je restais au cabinet. Ce dispositif a malheureusement pris fin en juillet, c’était un fonctionnement à plusieurs qui était plus confortable. »
Un autre dispositif original est resté en place dans ce cabinet : la téléconsultation pluriprofessionnelle. Réalisée par des infirmières au domicile de patients n’ayant pas internet, elle permet de passer des appels en visioconférence avec le médecin via l’application Idomed.
Lorsqu’un interne effectue un semestre en ville, il peut assurer une partie de la consultation pendant que le généraliste s’occupe d’une situation ou d’un appel urgent. Cela permet, dans certains cas, de répondre à des demandes spécifiques.
Chaque cabinet a évolué en fonction des contraintes et des spécificités de sa patientèle. Cependant, les médecins semblent être pris entre 2 nécessités rentrant parfois en conflit : assurer la sécurité des patients en évitant une affluence trop grande tout en essayant de garantir un accès aux soins et de ne pas ignorer de demandes urgentes.
Qu’ils aient ou non gardé des plages de consultation libre, les cabinets se sont pourvus d’une fonction de tri : par le médecin lui-même lorsqu’il n’a pas de secrétariat, par les télésecrétariats qui relaient les consignes aux patients, et parfois – idéalement – par une secrétaire sur place qui permet de « flécher » et de prioriser les consultations.
Cette réflexion autour du « comment trier » et « comment prioriser » reste au cœur de l’exercice de chaque cabinet. Sans préjuger d’une solution plutôt que d’une autre, chacun essaye de trouver, avec ses patients, ce qui s’adapte au mieux à sa pratique et aux contraintes du moment.
Une question demeure toutefois : que restera-t-il des initiatives de chacun après la pandémie ?