C’est l’hypothèse, audacieuse, proposée par les auteurs d’un article paru le 8 septembre dans le New England Journal of Medicine.
La généralisation du port du masque a été préconisée pour contrôler la pandémie de Covid lorsque plusieurs études ont montré que, chez les personnes pré- et asymptomatiques, la quantité de virus émis par le nez et la bouche était équivalente à celle excrétée par les patients symptomatiques.
Mais les masques, nous rappellent les auteurs, ne servent pas seulement à protéger les autres : ils peuvent aussi protéger de l’infection la personne qui les porte. Comme montré dans le passé pour d’autres virus respiratoires, ils filtrent – au moins une partie - des postillons (de façon plus ou moins efficace selon le type de masque). Résultat : la quantité de virus inhalée est moindre. En effet, dans les infections comme le Covid où la réponse immune joue un rôle majeur dans la pathogenèse virale, des doses élevées d’inoculum peuvent dépasser et dysréguler la réponse immune innée de l’hôte, augmentant la sévérité de la maladie. Rappelons que cette corrélation entre dose virale et gravité des manifestations cliniques est un vieux concept virologique ! Difficile à démontrer formellement chez l’homme pour le SARS-CoV-2, elle serait cependant confirmée dans une étude chez le hamster, où les cages des animaux infectés et sains étaient séparées par un matériel simulant un masque chirurgical : les hamsters ainsi « masqués » s’infectaient moins et avaient des formes plus légères voire asymptomatiques du Covid.
Cette théorie pourrait, au moins en partie, expliquer l’augmentation des cas asymptomatiques que l’on observe depuis que les mesures barrières et le port du masque sont appliquées de façon plus stricte.
Mais les auteurs poussent leur raisonnement plus loin. En diminuant la propagation virale tout en permettant la survenue de cas asymptomatiques, le port du masque contribue à générer une immunité de groupe, avec une faible mortalité, à l’instar de la « variolisation » avant l’introduction du vaccin contre la variole ! Cette procédure, non dépourvue de risques, consistait à inoculer chez une personne saine du matériel prélevé sur une vésicule d’un patient atteint de variole, dans le but de provoquer une infection légère et donc une immunité.
Cette théorie, certes intéressante, a toutefois des faiblesses. Est-ce que l’immunité induite par les formes a- ou paucisymptomatique confère une protection durable ? Les études n’ont pas encore tranché : si les anticorps neutralisants chutent assez rapidement chez les sujets ayant des formes légères, selon d’autres travaux ces patients auraient une forte immunité cellulaire protectrice.
Quoi qu’il en soit, en attendant un vaccin efficace, mieux vaut parier sur les superpouvoirs du masque…
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus
Gandhi M, Rutherford GW. Facial Masking for Covid-19 — Potential for “Variolation” as We Await a Vaccine. NEJM 2020