Des chercheurs de l’Institut Pasteur ont, tout au long de l’épidémie, utilisé différentes techniques pour réaliser ces estimations. Pendant le premier confinement, en l’absence d’outils pour estimer la séroprévalence et face à la capacité très limitée des tests virologiques, ils ont croisé les données sur les hospitalisations avec les résultats de l’enquête épidémiologique de la croisière Diamond Princess (qui permettaient d’estimer le risque de décès des personnes infectées) : ils ont ainsi estimé qu’à la sortie de ce premier confinement, 5 % de la population française avait été contaminée (10 % dans des régions comme l’Île-de-France et le Grand-Est).
Ils ont ensuite collecté les données de mortalité par âge pour 42 pays, avec les données d’enquêtes sérologiques, qui ont permis d’estimer le risque relatif de décès par Covid-19 en fonction de l’âge. Ces données de décès des moins de 65 ans, plus homogènes entre les différents pays, se sont avérées un indicateur plus fiable pour évaluer le taux d’infection au sein des populations : les chercheurs ont ainsi estimé qu’au 1er septembre 2020, le taux de contamination moyenne par le SARS-CoV-2 dans les pays étudiés s’élevait aussi à 5 %. Cette proportion identique à celle trouvée dans leur étude antérieure pour la France, au niveau national, serait en effet restée stable (là encore, dans le cas français) entre mai et août 2020, pour augmenter à 13 % fin novembre, selon leur nouvelle étude récemment soumise pour publication.
Mais ce n’est pas tout : selon ce nouveau calcul, en février 2021, la proportion de la population adulte (> 20 ans) ayant été infectée par le SARS-CoV-2 depuis un an irait jusqu’à 30 % en Île-de-France et dépasserait 20 % dans d’autres régions (Grand-Est, Provence-Alpes-Côte d’Azur).Ces estimations, consultables sur le site de l’Institut Pasteur, ont été calculées avec des données de Santé publique France, en collaboration avec l’Inserm.
Cette nouvelle méthode d’estimation a consisté à analyser conjointement les données françaises d’hospitalisation et de séroprévalence. Comparer les données d’hospitalisation de la première vague avec les infections estimées par l’enquête Sapris (qui a évalué la séroprévalence à environ 10 % à la sortie de cette vague, dans les régions de forte circulation virale) leur a permis d’estimer la probabilité d’être hospitalisé lorsqu’on est infecté, pour chaque groupe d’âge. Dès lors, connaître le nombre de personnes hospitalisées par jour et par tranche d’âge permettrait de déduire le nombre d’infections survenues dans chaque groupe au cours du temps.
Si les données sont à interpréter avec caution, car elles reposent en particulier sur l’hypothèse que la probabilité d’être hospitalisé lorsqu’on est infecté est restée constante dans chaque groupe d’âge (alors qu’elle a peut-être varié selon la région et/ou le moment), elles fournissent une borne supérieure pour la proportion de la population susceptible d’avoir acquis une immunité, bien que temporaire, contre le nouveau coronavirus…
L.M.A., La Revue du Praticien