Ces pseudo-engelures pourraient être liées à une surperformance de l’immunité innée, selon une étude menée au CHU de Nice en avril par des chercheurs de l’Inserm, publiée dans le JAMA. Si la causalité entre les lésions cutanées et le SARS-CoV-2 n’est pas démontrée, elle y est fortement suspectée, la fréquence des engelures à cette époque de l’année dans cette région étant inusuelle, et les chercheurs ayant observé des regroupements de cas plaidant pour cette hypothèse infectieuse (plusieurs personnes simultanément atteintes d’engelures dans quelques fratries ou familles).
Sur les 40 participants ayant des lésions à type d’engelures (âge médian : 22 ans), aucun n’avait eu une forme grave de Covid-19, et bien que les sérologies n’aient été positives que dans un tiers de cas (et les test PCR négatifs pour tous au moment de la consultation), tous les sujets étaient des cas contact ou des cas suspectés d’avoir été infectés par le SARS-CoV-2 dans les 3 semaines précédant la survenue de ces lésions cutanées.
Ces caractéristiques – âge jeune, rareté des symptômes, négativité des tests PCR et sérologique – suggèrent une immunité innée particulièrement efficace ; une hypothèse confortée par le fait que des engelures sont observées dans certains troubles immunitaires génétiques, notamment dans certaines interféronopathies, maladies où des médiateurs clé de l’immunité innée, les interférons (IFN) de type I, sont surexprimés.
Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont donc mesuré la production d’IFN-ɑ par des cellules de l’immunité innée (cellules dendritiques), via une stimulation in vitro de cellules prélevées sur 3 groupes de patients : ceux ayant eu des engelures, ceux ayant développé des formes non graves de Covid-19 et ceux ayant été hospitalisés en raison de cette infection. Résultats ? Les cellules des patients du groupe « engelures » avaient des taux d’expression de l’IFN-ɑ bien plus élevés que celles des deux autres groupes. Les taux mesurés dans celles des patients hospitalisés étaient d’ailleurs particulièrement bas.
Ces lésions cutanées pourraient donc illustrer une sur-réaction de l’immunité innée, liée à des variations génétiques associés à l’activité des médiateurs de celle-ci. Selon le Pr Thierry Passeron, directeur de cette étude, ces atteintes signeraient une infection par le SARS-CoV-2 « déjà terminée dans la majorité des cas ; les patients concernés ont éliminé le virus efficacement et rapidement après leur infection ». Si, ajoute-t-il, le nombre de ces lésions est de nouveau en augmentation depuis quelques semaines, « à l’image de ce que l’on a observé durant la première vague de l’épidémie », ces patients doivent être rassurés car elles sont sans gravité et régressent sans séquelles en quelques jours à quelques semaines.
À lire sur ce sujet
Oliveres Ghouti C. Le Covid dans la peau ? Rev Prat Med Gen 2020;34:322-3.
L.M.A., La Revue du Praticien