Si quelques cas anecdotiques de réinfections ont été publiés quelques mois après la première vague épidémique, nous n’avions que peu de données sur leur taux effectif. Une large étude, récemment publiée dans The Lancet, apporte de nouveaux résultats sur ce point…

 

Peu de données sur les réinfections. Pourquoi ?

Malgré le recueil d’une grande quantité de données pendant cette année de pandémie, calculer le risque de réinfection n’est pas chose aisée. Pour prouver formellement une réinfection, il faut montrer qu’un individu a été testé positif par PCR, qu’il est devenu ensuite négatif, puis qu’il est à nouveau testé positif et infecté par un isolat viral différent (à séquencer donc). Ce processus est rarement réalisable : d’une part, la majorité des personnes qui ont été infectées pendant la première vague épidémique n’ont eu accès ni à une PCR ni à un test sérologique ; d’autre part, certains individus, notamment sous immunosuppresseurs, peuvent héberger un réservoir de SARS-CoV-2 persistant, rendant difficile la distinction entre une véritable réinfection et une réactivation virale. Un autre facteur de sous-estimation sont les réinfections asymptomatiques, qui passent fréquemment inaperçues…

Les 2 premiers cas convaincants de réinfection ont été rapportés pendant l’été 2020. Le premier concernait un patient, à Hong Kong, ayant eu une forme légère de Covid puis, 142 jours après, un second épisode asymptomatique, avec des PCR négatives entre les deux. Le séquençage a montré des différences entre les virus isolés. Le deuxième cas, au Nevada : 2 épisodes (une infection modérée puis sévère) prouvés à un intervalle 48 jours, pendant lequel un test PCR (négatif) a été réalisé.

Les résultats d’une large étude danoise

Une étude observationnelle danoise, publiée le 17 mars 2021 dans The Lancet, a analysé l’ensemble des PCR réalisées dans ce pays depuis le début de la pandémie, soit 10,6 millions de tests, concernant 4 millions de personnes (69 % de la population). Sur les 11 068 sujets ayant eu une PCR positive lors de la première vague épidémique, 72 ont eu aussi un test positif lors de la deuxième (entre début septembre et fin décembre 2020) : le taux de réinfection était donc de 0,65 %. Le pourcentage d’infection dans le groupe contrôle (16 817 personnes testées négatives lors de la 1ère vague et positives ensuite) étant de 3,27 %, les auteurs ont estimé donc à 80,5 % le taux de protection conférée par une infection« naturelle ». Sur les 6 mois de suivi de l’étude, il n’y a pas eu d’augmentation des réinfections, ni de différence observée entre les hommes et les femmes. Toutefois, chez les personnes de 65 ans et plus, le taux de protection était plus bas, de 47,1 %, indiquant un risque de réinfection accru chez les personnes âgées.

Pour les chercheurs, ce taux de réinfection plus élevé que ce qui était estimé jusqu’à présent (autour de 0,2 %), serait lié au fait de cette cohorte inclut des sujets asymptomatiques, l’immunité de ces derniers pouvant être moins protectrice qu’en cas de Covid modérée à sévère.

Notons cependant que cette étude a été réalisée jusqu’à fin décembre 2020, avant la prédominance du variant anglais (B.1.1.7) dans ce pays.

Que sait-on du risque de réinfection au temps des variants ?

Les seules données sur ce point sont celles issues de l’essai de phase II de Novavax mené en Afrique du Sud alors que les variants y étaient déjà présents. Dans cette étude (bras placebo), un antécédent d’infection par le SARS-CoV-2 ne semble pas protéger contre les formes légères à modérées d’une infection par le variant « sud-africain » (B.1.351) : 5 % des sujets ayant un antécédent de Covid-19 se sont réinfectés, le même pourcentage que chez ceux n’ayant jamais été infectés précédemment. Lorsque les souches virales ont été séquencées, dans la grande majorité des cas il s’agissait du variant B.1.351. Mais il faut souligner 2 points importants :

– aucune de ces personnes avait eu une forme symptomatique de Covid précédemment (leur test sérologique était positif mais elles avaient déclaré ne pas avoir eu de Covid lors de leur inclusion), suggérant que les infections sans symptômes pourraient induire une protection moins bonne contre une nouvelle infection par le variant ;

– aucune n’a eu une forme sévère due à ce variant, confirmant probablement que, outre les anticorps neutralisants, l’immunité cellulaire joue un rôle essentiel dans la réponse anti-infectieuse (v. une étude que nous avons analysée récemment).

Concernant les variants brésiliens (P1 et P2), il n’y a pas de données convaincantes. Si la réinfection par les variants a souvent été évoquée pour expliquer le pic épidémique observée à Manaus en janvier-février 2021, d’autres hypothèses sont possibles, dont l’abandon des mesures barrières à la suite de la médiatisation d’une forte immunité collective (probablement surestimée).

Quelles conclusions ?

Ces données indiquent qu’il est plus pertinent de miser sur la vaccination que sur une immunisation « naturelle », d’autant plus que les vaccins seront « mis à jour » en fonction des variants dominants. Elles confirment aussi la nécessité de vacciner les personnes ayant déjà eu la Covid, notamment celles de plus de 65 ans, comme préconisé par la HAS (par une seule dose de vaccin qui est suffisante pour « booster » la réponse immunitaire).

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien

À lire aussi 

Boyton RJ, Altmann D. Risk of SARS-CoV-2 reinfection after natural infection. The Lancet, 17 mars 2021.

Nobile C. Les variants du SARS-CoV-2 en 5 questions Rev Prat (en ligne), mars 2021.

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