L’appel de 124 professionnels de la santé contre les médecines alternatives paru en mars dans Le Figaro ciblait particulièrement l’homéopathie. Saisie par la ministre de la Santé, la Haute Autorité de santé devrait incessamment se prononcer sur son efficacité. On en devine, par avance, ses conclusions, l’homéopathie – malgré ses efforts – n’ayant jamais pu démontrer qu’elle était supérieure à un placebo. Mme Buzyn aura-t-elle le courage de la dérembourser ? Dans la séquence populiste actuelle, on peut douter que faire économiser, au moyen d’une mesure impopulaire, près de 130 millions d’euros à l’Assurance maladie soit une priorité gouvernementale…
La polémique sur l’efficacité de l’homéopathie n’est pas nouvelle, mais elle a pris cette fois une dimension inédite comme en témoignent les nombreux articles ou reportages qui lui ont été consacrés : Homéopathie bientôt la fin ? titrait ainsi France 5 dans un récent magazine. Le mouvement est devenu européen : l’homéopathie a été condamnée par le Conseil scientifique des Académies des sciences européennes, sa pratique est devenue marginale au Royaume-Uni, elle est dans le collimateur des autorités espagnoles… En réaction, les laboratoires Boiron agitent la menace classique de la suppression d’un millier d’emplois et le syndicat des homéopathes a déposé des plaintes auprès des instances ordinales contre les médecins signataires de l’Appel, avec un certain succès d’ailleurs puisque le Conseil régional de l’Ordre des médecins de Champagne-Ardenne vient de sanctionner par un avertissement deux de ses signataires en raison du « non-respect du principe de confraternité entre médecins » ! Une décision si ridicule que le Conseil national de l’Ordre des médecins a immédiatement fait appel de la décision de la chambre régionale « à titre conservatoire ».
Comment expliquer cette soudaine offensive contre une pratique qui jusqu’alors suscitait plutôt l’agacement ou l’indifférence de la plupart des soignants, même si assez souvent des voix s’élevaient contre le remboursement de produits homéopathiques décidé en 1984 par la très controversée Georgina Dufoix ? L’impact monumental et récent des fake news dans le domaine médical l’explique probablement. On est loin de la situation qui prévalait il y a quelques années quand un médecin pouvait argumenter facilement face à un patient dont le voisin lui avait assuré qu’il pouvait guérir grâce à des applications d’argile ou autres fadaises… C’est au quotidien maintenant que les praticiens sont confrontés à des théories dangereuses massivement colportées sur Internet et par les réseaux sociaux, et force est de constater que les médecines alternatives en sont le terreau fertile. « Je ne veux pas me faire vacciner, je me soigne par homéopathie » : combien de fois a-t-on entendu, dans toutes ces variantes, cette phrase ? Tout récemment, un homéopathe a été condamné par le Conseil de l’Ordre à 6 mois d’interdiction d’exercice pour avoir établi un faux certificat de contre-indication à la vaccination. L’enfant non vacciné a eu la coqueluche et a contaminé sa sœur de 9 mois née prématurée… On espère ce cas exceptionnel, mais, dans la confusion qui règne sur les informations de santé, la médecine doit demeurer un sanctuaire de résistance aux fake news comme aux conflits d’intérêts. Les médecines dites alternatives n’y ont plus leur place…