La rhinite est une pathologie fréquente en pratique de ville, quel que soit l’âge du patient. Il faut savoir faire la part entre l’allergie et les autres causes possibles – notamment en cette période d’exposition aux pollens – afin de mettre en œuvre un traitement adapté. Éléments évocateurs, clinique, prescription de bilans sanguins en MG… On vous dit tout !

D’après : Autegarden J.-É. Rhinite et conjonctivite allergiques.  Rev Prat Med Gen 2023 ;37(1077) ;241 - 4.

Rhinite allergique : quand l’évoquer ?

L’interrogatoire est essentiel pour orienter l’enquête étiologique.

L’existence d’antécédents familiaux est un facteur de risque : le risque de survenue d’une allergie respiratoire est de 50 % si les deux parents sont allergiques, de 25 % si l’un des deux parents l’est, et de 10 à 15 % si aucun des deux parents ne l’est.

Les antécédents personnels de dermatite atopique et d’allergie alimentaire dans l’enfance sont des facteurs de risque de développer une allergie respiratoire au cours de la vie. Mais de nombreux enfants ayant eu une dermatite atopique dans la petite enfance ne développent pas d’allergie respiratoire, et inversement. En revanche, les allergies aux médicaments, aux hyménoptères et les eczémas de contact (cosmétiques, métaux…) ne sont pas des facteurs de risque connus.

L’âge de début peut orienter : avant 3 ou 4 ans et après 50 ans, l’allergie n’est pas la première cause à rechercher.

Des signes cliniques : prurit nasal, rhinorrhée claire, éternuements en salves et obstruction nasale ne sont pas spécifiques ; mais, s’ils sont associés à un asthme, l’origine allergique est très probable.

Une unité de temps et/ou de lieu est évocatrice. Une symptomatologie qui revient chaque année à la même période est très en faveur d’une allergique saisonnière. En France, le début du printemps signe l’allergie aux pollens d’arbres alors que la fin de printemps et l’été sont propices à l’allergie aux pollens de graminées. Ces périodes peuvent être légèrement différentes en fonction de la région et du type de pollen.

L’apparition d’une rhinite toujours dans le même lieu est aussi très évocatrice. Par exemple, lorsqu’elle apparaît systématiquement dans des habitations où séjourne un animal, une allergie aux poils de ce dernier doit être évoquée (encadré 1) ; lorsqu’elle se manifeste uniquement sur le lieu de travail, une allergie professionnelle est à rechercher (par exemple, allergie à la farine pour le boulanger).

L’efficacité des antihistaminiques est un argument en faveur d’une cause allergique, mais beaucoup d’autres rhinites ou conjonctivites non allergiques sont améliorées par les antihistaminiques ; ce n’est donc pas une preuve suffisante. En revanche, une absence totale d’efficacité des antihistaminiques est un argument très en faveur d’une cause non allergique.

Quel bilan ?

En allergologie, il existe deux façons de mettre en évidence une cause allergique : les tests cutanés (examen réservé aux allergologues ou aux médecins spécifiquement formés) et le dosage des immunoglobulines (IgE) spécifiques vis-à-vis des différents pneumallergènes. Ce dosage peut se faire de deux façons : tests multiallergiques (Phadiatop, Mast CLA pneumallergènes…, v. encadré 2) ou tests unitaires. Ces bilans sanguins ne requièrent aucune condition particulière : pas de nécessité d’être à jeun ; les antihistaminiques peuvent être poursuivis avant leur réalisation (contrairement aux tests cutanés qui nécessitent un arrêt préalable de 5 jours environ).

Mais attention, pour leur interprétation, un examen positif ne suffit pas à confirmer l’allergie. En effet, beaucoup de patients ont des anticorps (IgE) vis-à-vis d’un allergène mais n’expriment pas forcément l’allergie : on parle alors de « sensibilisation ».

L’allergie est affirmée lorsque le patient a des signes cliniques évocateurs d’allergie et que les allergènes retrouvés dans le bilan expliquent la symptomatologie. Par exemple, une rhinite et/ou une conjonctivite saisonnière entre mars et avril avec un bilan uniquement positif pour les acariens doit être interprétée comme étant une sensibilisation aux acariens, mais une rhinite et/ou une conjonctivite saisonnière à la même période avec un bilan positif pour les pollens d’arbres confirme le diagnostic d’allergie aux pollens d’arbres.

Les modalités pratiques d’utilisation des différents tests sanguins sont indiquées dans l’encadré ci-dessous.

Enfin, dans la rhinite allergique, la radiographie et le scanner des sinus sont normaux  ; il n’y a donc pas d’indication à les prescrire. Leur utilité réside dans la recherche d’une cause non allergique (polypose nasosinusienne, sinusite chronique…)

Rhinites de causes non allergiques

Les diagnostics différentiels sont nombreux.

Chez l’adulte

La polypose nasale est une pathologie de l’adolescent ou de l’adulte. Elle entraîne souvent une rhinite perannuelle obstructive avec anosmie (et parfois agueusie, signe clinique à rechercher devant toute rhinite perannuelle), dont la présence doit faire évoquer cette cause en première intention.

La rhinite vasomotrice est classiquement perannuelle, non allergique. Les symptômes surviennent n’importe où et n’importe quand et sont déclenchés par les odeurs fortes, les changements de température et l’air conditionné. Elle prédomine chez la femme et apparaît plus volontiers après l’âge de 20 ans. Sa physiopathologie reste mal connue ; elle pourrait s’expliquer par une dysrégulation neurovégétative associant hypotonie sympathique et hypertonie parasympathique.

La rhinite médicamenteuse est déclenchée par l’utilisation de décongestionnants locaux, d’antihypertenseurs, d’aspirine et autres AINS, ou de psychotropes.

La rhinite alimentaire est déclenchée lors ou au décours de l’ingestion d’aliments ou de boissons tels que l’alcool, le poisson ou le chocolat, par exemple. Le mécanisme mis en jeu pourrait être une histaminolibération. D’autres substances provoquent des effets analogues, comme la tyramine, la caféine, les sulfites, la sérotonine, etc. Les rhinites au piment procèdent d’un mécanisme cholinergique. La rhinite congestive et sécrétante banale, ou rhinite gustative, est due à la consommation d’aliments chauds ou irritants pour le nerf trijumeau (moutarde, poivre, raifort) ; il ne s’agit pas d’une allergie alimentaire.

La rhinite hormonale est liée à des modifications hormonales physiologiques ou pathologiques ; 20 à 30 % des femmes enceintes rapportent des symptômes rhinologiques au cours de la grossesse. Les mécanismes sont controversés (modifications hormonales ? stress ? facteurs psychosomatiques ? augmentation du volume sanguin ?).

La rhinite liée au vieillissement se manifeste par une rhinorrhée discontinue, des troubles de la sécrétion ou une sécheresse nasale. Une dysrégulation neurovégétative est supposée en être la cause, mais peu d’études sur le sujet sont disponibles.

Le reflux gastro-œsophagien fait également partie des diagnostics différentiels de la rhinite allergique.

La rhinite chimique par irritation peut avoir plusieurs origines : tabagisme, consommation de toxiques, ou professionnelle (utilisation de produits irritants), etc.

D’autres pathologies ORL peuvent également être évoquées : sinusite inflammatoire ou infectieuse, déviation de la cloison nasale, rhinites inflammatoires non allergiques (NARES).

Chez l’enfant

Comme pour l’adulte, le reflux gastro-œsophagien peut être un diagnostic différentiel de la rhinite allergique chez l’enfant.

Lorsque la présence d’un corps étranger est en cause, la symptomatologie est surtout unilatérale.

Enfin, la rhinite chimique par irritation est possible : elle a souvent pour origine une exposition au chlore contenu dans les piscines.

Les autres pathologies ORL possibles sont celles liées aux végétations et aux amygdales.

Encadre

Rhinite et/ou conjonctivite allergique : les principaux allergènes

  • Acariens  : Dermatophagoides pteronyssinus et Dermatophagoides farinae (pas de relation avec la farine) sont les acariens présents au domicile. Les signes cliniques de la rhinite et de la conjonctivite allergiques aux acariens sont perannuels, quotidiens, plus présents le matin (le lit est le site de prolifération des acariens). La symptomatologie est majorée dans les maisons inhabitées (plus d’acariens présents dans les lits inoccupés). On ne parle plus d’allergie à la poussière, et les affirmations du patient comme « Je suis gêné par la poussière, quand je fais le ménage  » ne sont pas évocatrices d’une allergie aux acariens (ces questions ne doivent plus être posées).
  • Pollens de graminées : dactyle, ivraie, phléole, fétuque, chiendent… Ils apparaissent à la fin du printemps et durant l’été (la saison peut varier d’une région à l’autre).
  • Pollens d’arbres : bétulacées (bouleau, aulne, charme, noisetier), salicacées (peuplier, saule), oléacées (olivier, troène, frêne), cupressacées (cyprès, genévrier, thuya), fagacées (chêne, hêtre, châtaignier). Ces pollens sont présents au début du printemps (parfois à la fin de l’hiver) ; leur présence varie selon les régions (par exemple : bouleau dans le nord de la France, olivier et cyprès dans le sud de la France).
  • Pollens d’herbacées : armoise, ambroisie, pariétaire… La saison pollinique court de juillet à septembre (elle peut varier d’une région à une autre) ; ils ne sont pas tous présents dans toutes les régions (pariétaire dans la région de Lyon, par exemple).
  • Animaux : les principaux sont le chat et le chien, mais tous les autres animaux domestiques à poils (lapin, hamster, cobaye, gerbille, rat, souris, belette, fouine...) peuvent être en cause.

D’après : Autegarden J.-É. Rhinite et conjonctivite allergiques.  Rev Prat Med Gen 2023 ;37(1077) ;241 - 4.

Encadre

Tests sanguins : comment les prescrire et les interpréter ?

Phadiatop, un test non exhaustif

Il s’agit d’un test de dépistage de sensibilisation vis-à-vis des principaux pneumallergènes (acariens, certains pollens, poils de chat, poils de chien et certaines moisissures). Le résultat doit être interprété par rapport à la clinique. Il est exprimé en positivité ou négativité, sans quantification ni identification précise. Il ne contient pas tous les pneumallergènes et peut donc être négatif si le patient est allergique à l’un des allergènes qu’il ne recherche pas.

En cas de positivité se pose la question d’une ou de plusieurs sensibilisations ou d’une ou de plusieurs allergies.

Mast CLA pneumallergènes

Ce test permet de rechercher trente IgE spécifiques vis-à-vis des principaux pneumallergènes. Les faux positifs sont nombreux : la concordance entre les tests cutanés et le résultat du Mast CLA est en effet très variable en fonction des allergènes (dactyle : 83 %, chien : 53 %). Cet examen peu sensible et peu spécifique doit être interprété avec précaution et par rapport à la clinique. Il est toujours difficile d’expliquer à un patient que le résultat d’un examen est positif mais qu’il ne faut pas en tenir compte.

Dosage unitaire des IgE spécifiques

Seuls cinq dosages unitaires des IgE spécifiques sont pris en charge par l’Assurance maladie. Ils doivent être prescrits en fonction des données de l’interrogatoire. Cet examen est plus sensible et plus spécifique que les précédents, mais une positivité peut être le signe d’une sensibilisation et non d’une allergie ; les résultats sont donc toujours à interpréter par rapport à la clinique.

Pour en savoir plus
Gerlardi M, Fiore V, Giancaspro R, et al. General classification of rhinopaties: the need for standardization according to etiology and nasal cytology.  Eur Arch Otorhinolaryngol 2023;280(11):4751-8.
Wise SK, Lin SY, Toskala E, et al. International consensus statement on allergy and rhinology : allergic rhinitis.  Int Forum Allergy Rhinol 2018;8(2):108-352.
Quéquet C. Un autre regard sur les acariens.  Rev Prat (en ligne) 10 janvier 2023.
Quéquet C. Allergies : quel bilan biologique prescrire en MG ?  Rev Prat (en ligne) 11 mai 2022.

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