L’évidence de manifestations neurologiques et neuropsychiatriques associées à l’infection par le SARS-CoV-2 s’accumule depuis quelques mois : des cas ont été répertoriés en Chine, au Japon, au Royaume-Uni, aux États-Unis, mais aussi en France, où le registre NeuroCovid, mis en place à l’initiative du Collège national des neurologues des hôpitaux généraux en collaboration avec la Société de pathologie infectieuse de langue française et la Société française de la sclérose en plaques, offre un inventaire de ces manifestations chez 222 patients dans 46 centres du pays.

 

Accidents ischémiques cérébraux, encéphalites et encéphalopathies, syndromes de Guillain-Barré, mais aussi anxiété, désorientation, voire épisodes psychotiques sont, entre autres, les symptômes observés. De plus en plus rapportés, ils sont néanmoins imparfaitement expliqués, car peu de données sont disponibles. En France, NeuroCovid fait état d’atteintes du système nerveux central (SNC) pour 85 % des patients étudiés et d’atteintes du système nerveux périphérique pour 13 % d’entre eux (11 % des sujets avaient les deux à la fois), tous des symptômes survenus de novo en relation temporelle avec les autres manifestations de la Covid.

Dans les différentes études, leur prévalence a été estimée surtout à partir de données hospitalières, en particulier chez des patients ayant développé une forme sévère ou réanimatoire de Covid-19 – c’est le cas du répertoire NeuroCovid où ce groupe représentait 45 % des patients. Or, d’après Fernanda de Felice (neurobiologiste, université fédérale de Rio de Janeiro, Brésil), la prévalence des signes neurologiques chez ces patients peut atteindre jusqu’à 50 %. Les données sont encore plus rares concernant les formes modérées de la maladie, mais certaines études montrent que les complications neurologiques peuvent ne pas être directement liées à la sévérité respiratoire de la maladie. Une étude publiée en juillet tentait d’estimer cette prévalence à partir des données des autres coronavirus (0,04 % d’atteintes du SNC pour le SARS et 0,2 % pour le MERS) : s’il y a actuellement près de 30 millions de cas de Covid-19 au niveau mondial, cela voudrait dire qu’entre 10 000 et 50 000 personnes ont pu avoir des complications neurologiques.

L’interrogation la plus pressante porte sur les causes et les mécanismes de ces symptômes, car cela peut aider les médecins à choisir le bon traitement : s’ils sont dus à l’atteinte directe du SNC par le virus, les patients devraient recevoir un antiviral ; en revanche, si la réaction immunitaire est en cause, les thérapies anti-inflammatoires seraient plus adaptées.

Or, bien que des études post-mortem suggèrent la présence du virusdans le cerveau, et d’autres montrent sur des cellules de culture que le virus peut infecter les neurones, les niveaux observés étaient bas et pas systématiquement détectables. De plus, on ne sait pas comment le virus atteindrait cet organe. Une première hypothèse sur le nerf olfactif comme canal d’entrée a été écartée, et il n’a pas encore été possible de démontrer la présence du SARS-CoV-2 dans le liquide cérébro-spinal. Cela pourrait être dû à la faible expression dans les neurones de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2), qui joue le rôle de récepteur pour le virus. 

Si cela semble plaider en faveur de l’hypothèse de la réaction inflammatoire comme cause principale de ces manifestations, rien n’est encore sûr, et davantage d’études cliniques sont nécessaires pour identifier des biomarqueurs capables de faire la distinction entre atteinte virale et réaction immunitaire. Encore un défi à ajouter à la liste de ceux posés par la pandémie de Covid…

Pour en savoir plus

Marshall M. How COVID-19 can damage the brain. Nature 2020;585:342-3

Meppiel E, Pfeiffer-Smadja N, Maury A. Manifestations neurologiques associées à l’infection SARS-CoV-2 : le registre français NeuroCOVID. Médecine et Maladies Infectieuses 2020;50:S20-1.

Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien

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