Si les comorbidités cardiovasculaires sont des facteurs de risque de gravité de l’infection par le SARS-Cov-2, le virus lui-même a des effets cardiaques aigus dont les mécanismes restent à élucider : atteinte myocardique directe (le récepteur ACE2 est exprimé par les cardiomyocytes) ou indirecte, via l’orage cytokinique. Toutefois, ces atteintes ne sont pas fréquentes : parmi les patients décédés du Covid-19 en Chine, seuls 11,8 % avaient des signes de lésions cardiaques avec une élévation de la troponine.

Une étude récente a comparé les arrêts cardiaques extrahospitaliers en région parisienne pendant l’épidémie à ceux survenus les années précédentes (de 2012 à 2019). 

521 arrêts cardiaques en dehors de l’hôpital ont été identifiés entre le 16 mars et le 26 avril, soit une incidence maximale/semaine de 26,6 pour million d’habitants (lors des semaines 13 et 14), deux fois supérieure à celle relative à la même période entre 2012 et 2019 (qui était de 13,4). De plus, durant les 6 semaines de confinement, le taux de survie des patients à l’arrivée à l’hôpital était deux fois plus faible : seuls 12,8 % étaient vivants à l’admission, versus les 22,8 % habituels.

Le Pr Éloi Marijon (hôpital européen Georges Pompidou), auteur de l’étude, nous a éclairé sur ces résultats.

 

– Ces morts subites survenues pendant l'épidémie avaient-elles des particularités ? 

Si les caractéristiques des patients étaient les mêmes (âge, sexe), plus de 90 % des arrêts cardiaques ont eu lieu à la maison (vs 76,8 %), et les victimes ont été moins massées. En effet, il est connu que les témoins familiaux sont moins à même de débuter un massage cardiaque à cause de leur implication émotionnelle. On a également constaté un usage moindre de défibrillateurs « grand public ». 

 

– Cette augmentation de mortalité était-elle liée à la désorganisation du système de soins ou au Covid-19 ?

Parmi les arrêts cardiaques supplémentaires, on estime que seul un tiers était en rapport avec l’infection par le SARS-Cov-2. Pour les autres deux tiers, deux explications sont possibles. D’une part : la saturation du système de soins préhospitalier, de la médecine de ville, le débordement des centres Samu. D’autre part, la réticence des patients à se rendre aux urgences, par peur de contracter le virus. Il faut savoir que 75 % des arrêts cardiaques extrahospitaliers sont dus à la maladie coronaire. Nous avons observé, pendant l’épidémie, une diminution drastique des admissions par syndrome coronaire aigu. Les patients ont donc tardé à consulter, malgré les symptômes. Et ceux qui l’ont fait étaient à un stade plus grave.

 

– Et depuis le déconfinement ?

La situation est revenue à la normale en 3 semaines. Toutefois, on a l’impression que les patients ont des formes un peu plus sévères car ils n’ont pas été suivis pendant 2 mois. 

 

– Quelles leçons en tirer ? 

Il ne faut pas négliger les effets collatéraux du Covid ! En cas de 2e vague, il faudra mettre en place un système de soins adapté, fondé sur la télémédecine, afin de permettre le suivi des patients cardiaques connus et de gérer les urgences cardiovasculaires. L’optimisation de la régulation médicale est également essentielle !

 

 

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien