Trois ans après le début de la pandémie qui a déjà fait plus de 20 millions de décès, le coeur de la question est d’essayer de comprendre ce qui s’est passé tant au niveau virologique (génétique virale, origine animale) qu’au niveau de la diffusion et de l’épidémiologie, afin de tenter de prévenir d’autres épidémies. Il est nécessaire d’analyser l’impact des techniques et des expériences de gain de fonction (GOF, terme qui désigne toute expérience ayant pour effet prévisible d’augmenter la dangerosité d’un pathogène pandémique potentiel) et de réfléchir sur le niveau de risque qui existe en France : combien de laboratoires et de biologistes moléculaires sont concernés ? Quelles sont les procédures de sécurité validées ? Quelle réglementation est nécessaire ?Plusieurs hypothèses circulent encore sur l’origine de la pandémie de Covid-19.L’hypothèse de l’origine naturelle du virus est relancée par les études de matériel génétique au marché de Wuhan (chiens viverrins, qui ne semblent pas contaminés, chauves-souris, dont les virus ne présentent pas le site facilitant la transmission chez l’homme).La communauté scientifique reste partagée sur la question de l’origine du virus et sur l’analyse des faits. Chacun a son opinion et il est difficile de s’en affranchir, même face à de nouveaux arguments. Le rapport du Sénat américain est intéressant car il apporte de nombreux faits, bien documentés,1 mettant en cause des laboratoires chinois (ce qui permet au passage d’éliminer, au moins en partie, les responsabilités américaines).Mais les pièces manquantes au puzzle sont encore nombreuses. Les vraies données chinoises ne seront sans doute jamais accessibles, notamment les dates du début de l’épidémie, de l’identification du virus et des premières expériences en matière de vaccins (sans doute avant novembre 2019).La très mauvaise gestion de la pandémie par la Chine peut montrer soit que le risque de pandémie a été largement sous-estimé, soit la nécessité de cacher les réalités afin de s’exonérer de toute responsabilité. Indiquer le marché d’animaux comme source de virus et comme origine naturelle reste trop peu documenté. La rétention d’informations par les autorités chinoises pose de nombreuses questions. On ne peut envisager une action intentionnelle, mais plutôt constater que ce pays s’est laissé complètement déborder et n’a pas du tout su ni gérer ni anticiper l’importance du problème. À quel niveau se situe la responsabilité des Chinois ? Un virus a-t-il diffusé naturellement et n’a pas été contrôlé par une politique adéquate ? Un virus dangereux produit en laboratoire s’est-il disséminé « naturellement » ou bien par accident de laboratoire ?Réfléchir à l’origine de cette pandémie permet d’aborder la question des responsabilités des pays et des organisations internationales, y compris celle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et devrait permettre d’envisager un moratoire et une réflexion au niveau national et international sur l’intérêt et les conditions de manipulation de pathogènes dangereux.

Séance du 18 avril 2023, « De l’origine du SARS-CoV-2 à la virologie/biologie dangereuse »

Références
1) Senate Committee on Health Education, Labor and Pensions. An analysis of the origins of Covid-19 pandemic. October 2022.