La vaccination contre les papillomavirus (HPV), qui a déjà montré son efficacité sur les lésions précancéreuses, réduit fortement le risque de cancer du col de l’utérus, selon une étude suédoise publiée dans le NEJM ayant suivi 1 672 983 jeunes filles et femmes âgées de 10 à 30 ans entre 2006 et 2017.

 

De précédentes études avaient déjà montré l’efficacité de ce vaccin dans la réduction de l’infection par les HPV, la diminution du risque d’apparition de condylomes ano-génitaux et de lésions précancéreuses de bas et haut grade (associées en particulier aux HPV 16 et 18). On attendait cependant les résultats sur le cancer, pour lesquels un temps long était nécessaire, en raison d’une part de l’histoire naturelle de la maladie – avec un temps très long entre l’infection et l’apparition d’un cancer cervical – et d’autre part de la réduction du risque de lésions cervicales après vaccination. En 2018, une étude finlandaise qui a suivi à long terme deux cohortes de patientes ayant participé à un essai vaccinal et une population témoin non vaccinée avait rapporté un taux de cancer associé aux HPV 16 et 18 de 0/100 000 chez les 3 331 femmes vaccinées contre 8/100 000 dans la population témoin, mais ces résultats nécessitaient d’être confirmés par d’autres analyses. 

Une confirmation qu’apporte donc cette étude suédoise : dans la période concernée (sachant que 2006 est l’année où le vaccin anti-papillomavirus a obtenu en Suède une autorisation de mise sur le marché), 527 871 des femmes étudiées ont reçu au moins une dose du vaccin tétravalent, dont la majorité (438 393) avant l’âge de 17 ans. 

Un cancer cervical a été diagnostiqué chez 19 femmes vaccinées contre 538 femmes non vaccinées ; et l’incidence cumulative à 30 ans était de 94 cas pour 100 000 habitants chez ces dernières, alors qu’elle était de 47 cas pour 100 000 chez les femmes vaccinées, et tombait à 4 cas pour 100 000 (à 28 ans) pour celles qui avaient initié la vaccination avant 17 ans.

Après ajustement pour toutes les variables (âge, année calendaire, région de résidence, caractéristiques parentales), le rapport des taux d’incidence entre la population vaccinée et la population non vaccinée était de 0,47 (pour les femmes vaccinées entre 17 et 30 ans) et de 0,12 pour celles vaccinées avant 17 ans. 

Les chercheurs ont ainsi établi que le risque de de développer un cancer du col était diminué de 88 % chez les femmes vaccinées avant l’âge de 17 ans, par rapport à celles qui n’ont jamais été vaccinées, confirmant ainsi l’efficacité de la vaccination prophylactique contre les papillomavirus dans la prévention du cancer du col utérin, son objectif princeps

Une donnée précieuse, à l’heure où l’amélioration de la couverture vaccinale contre les infections à papillomavirus en France est un véritable enjeu de santé publique : bien que ces infections soient responsables chaque année de 6 300 cancers atteignant le col de l’utérus, l’anus, l’oropharynx, la vulve, le vagin, le pénis, la cavité orale et le larynx, la couverture vaccinale n’a jamais dépassé 30 %, alors que la majorité des pays voisins (Royaume-Uni, Portugal, Suède, entre autres) atteignent des taux de couverture supérieurs à 80 %. Une donnée qui changera peut-être avec l’extension, en début d’année, de la recommandation de vaccination à tous les jeunes garçons par la Haute Autorité de santé… 

Lei J, Ploner A, Elfström M, et al. HPV Vaccination and the Risk of Invasive Cervical Cancer. N Engl J Med 2020;383:1340-8.

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Prétet JL, Mougin C. Dossier – Vaccination contre les papillomavirus. Rev Prat 2020;70:89-111.

Péré H, Pavie J, Bats AS, Veyer D, Badoual C. HPV et cancers : où en est-on ? Rev Prat Med Gen 2019;33:374-6.

Rousseau S, Gaillot-de Saintignon J, Barret AS. Vaccination contre les HPV : un enjeu de prévention des cancers. Rev Prat 2019;69:529-34. 

Gaudelus J. Vaccination contre le papillomavirus : bilan et nouvelles extensions. Rev Prat 2019;69:7-12.

Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien

Image : Structure de la protéine majeure de la capside du papillomavirus humain de type 16 en microscopie électronique (image colorée par distance radiale par rapport au centre de la capside assemblée, à l'aide de PyMol de PDB 5KEQ). Source : Guan J, Bywaters SM, Brendle SA, et al. Cryoelectron Microscopy Maps of Human Papillomavirus 16 Reveal L2 Densities and Heparin Binding Site. Structure 2017;25:253-63.