Compte tenu de la balance bénéfices-risques, les femmes enceintes ou qui allaitent peuvent-elles être vaccinées contre le SARS-CoV-2 ? Voici ce qu’il faut faire en pratique, à ce jour, selon les dernières recommandations.

 

Quels sont les risques d’une infection par le SARS-CoV-2 pendant la grossesse ?

Les données sur les risques de l’infection Covid chez la femme enceinte (pour la mère et le fœtus) sont encore fragmentaires. On sait que la transmission du SARS-CoV-2 par voie intra-utérine est rare ; elle n’a pas été démontrée par le lait maternel. Une méta-analyse publiée début septembre dans le BMJ (incluant 77 études), et une large étude récente des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) portant sur plus de 450 000 femmes atteintes de Covid symptomatique ont montré que le taux d’admission en unité de soins intensifs, de ventilation invasive, d’oxygénation et de décès est plus élevé chez les femmes enceintes que chez les femmes non enceintes en âge de procréer. En France, la grossesse, à partir du 3e trimestre, est désormais considérée comme une facteur de risque de développer une forme grave de Covid.

Les risques encourus par le fœtus ne sont pas tout à fait clairs, mais l’infection par le SARS-CoV-2 multiplie par 3 le risque d’accouchement prématuré.

De plus, les facteurs de risque pour les femmes enceintes de développer une forme grave de Covid sont les comorbidités préexistantes – diabète, hypertension artérielle, surpoids, obésité – mais aussi une grossesse en âge avancé (> 35 ans).

 

Les vaccins disponibles sont-ils sûrs chez la femme enceinte ?

Les données de sécurité sont encore partielles pour les trois vaccins actuellement autorisés, qu’ils utilisent l’ARN messager (Pfizer, Moderna) ou un vecteur viral non réplicatif (AstraZeneca). 

Ces trois vaccins étant dépourvus de pouvoir infectieux, il n’y a pas lieu de craindre une infection maternelle ou fœto-embryonnaire lors de leur injection en cours de la grossesse. 

Concernant les vaccins à ARN, les premières études de tératogénicité chez l’animal ne montrent pas d’effet sur le développement embryonnaire/fœtal ni sur la reproduction

Dans les essais cliniques des vaccins de Pfizer et Moderna, les femmes enceintes étaient exclues, mais 23 et 13 grossesses ont eu lieu respectivement dans le groupe des participants vaccinés et dans le groupe recevant le placebo ; aucun événement indésirable n’est survenu chez les femmes enceintes. 

Depuis le début de la campagne de vaccination aux États-Unis, environ 30 000 femmes auraient déjà reçu un vaccin à ARNm en cours de grossesse (selon les données révélées lors d’une réunion des CDC le 1er mars 2021). La plupart d’entre elles n’ont pas encore accouché, mais à ce jour aucun effet maternel ou fœtal particulier n’est rapporté.

Pour le vaccin d’AstraZeneca, les études de toxicité sur la reproduction chez l’animal sont en cours. Selon les résultats préliminaires, aucun effet nocif n’est attendu sur le développement du fœtus. Les données concernant d’éventuelles grossesses survenues lors des essais cliniques ne sont pas encore disponibles.

 

Quelle sont les recommandations à ce jour ?

Compte tenu des données disponibles, le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT) en France et l’American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) aux États-Unis considèrent que la vaccination est possible en cours de grossesse, a fortiori s’il existe des facteurs de risque exposant la femme enceinte à une forme sévère de la maladie. D'ailleurs, la grossesse à partir du 2e trimestre fait désormais partie, en France, des critères de priorité pour la vaccination anti-Covid.

Par ailleurs, la vaccination pourrait également protéger le fœtus, car une étude récente publiée dans le JAMA a mis en évidence un passage transplacentaire d’anticorps spécifiques contre le SARS-CoV-2 après infection de la mère. D'autres études ont mis en évidence la présence de titres considérables d'anticorps IgG et IgA dans le lait maternel des patientes allaitantes vaccinées. 

 

En pratique (selon le CRAT)

En prévision d’une grossesse : il n’y a aucun délai à respecter entre une vaccination contre la Covid (par vaccin à ARNm ou à vecteur viral) et le début d’une grossesse.

En cours de grossesse : la vaccination contre la Covid-19 est conseillée à partir du 2e trimestre de grossesse (avec vaccin à ARN : Pfizer ou Moderna), a fortiori s’il existe des comorbidités. La personne doit être informée des bénéfices attendus et des risques (de réactogénicité). De principe et dans la mesure du possible, il est préférable de vacciner après 10 semaines d’aménorrhée. Si une femme enceinte a mal toléré sa première dose de vaccin, il est conseillé de différer la deuxième dose après la fin de la grossesse, en concertation avec son médecin ou sa sage-femme. 

En cas de découverte d’une grossesse après la 1re vaccination, il faut rassurer la patiente quant aux risques pour la mère et l’enfant, quel que soit le vaccin. Si la première dose a été bien tolérée, le schéma vaccinal peut être normalement poursuivi

 

Et chez les femmes qui allaitent ?

Il n’y a pas de données concernant la vaccination contre la Covid-19 chez des femmes allaitantes (exclues des essais cliniques) ou sur son effet sur les nourrissons allaités ou sur la production de lait. Néanmoins, les vaccins approuvés sont dénués de pouvoir infectieux, sans passage systémique attendu, donc sans passage dans le lait. Le CRAT et les CDC considèrent qu’une vaccination par un vaccin à ARNm est envisageable chez une femme qui allaite. Il n’y a pas d’argument pour penser que cela sera différent pour le vaccin d’AstraZeneca ; au Royaume-Uni, les femmes qui allaitent et qui appartiennent à un groupe ciblé par la vaccination peuvent d’ailleurs le recevoir.

 

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien

Voir aussi

Spilf. Vaccins Covid-19 : toutes les réponses à vos questions. 16 février 2021.

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