Trois questions au Pr Odile Launay, coordinatrice du CIC Cochin-Pasteur à l’hôpital Cochin (AP-HP) et de COVIREIVAC.
Quels vaccins contre la Covid sont expérimentés en France ?
Pour le moment, un seul : c’est le candidat vaccin de l’Institut Pasteur, dont l’essai de phase I a débuté à la fin du mois d’août. C’est un vaccin à virus vivant atténué, utilisant comme vecteur le vaccin contre rougeole, modifié pour exprimer la protéine Spike du virus SARS-CoV-2. Cette même méthodologie a déjà été utilisée pour développer d’autres vaccins (chikungunya, virus Lassa, Zika…) mais aucun n’est encore commercialisé.
Trois autres essais avec d’autres industriels démarrent courant décembre (Janssen, AstraZeneca et Moderna). Nous avons organisé un réseau en France impliquant une trentaine de CHU et mis en place une plateforme, COVIREIVAC, pour recruter des participants. Aujourd’hui, 40 000 personnes sont donc prêtes à recevoir ces vaccins.
Ces vaccins, plus classiques, sont plus longs à mettre au point que ceux à ARN (Pfizer, Moderna) …
Absolument ! Ces derniers reposent sur une toute nouvelle technologie qui permet une production de vaccins très rapide et en quantité importante, avec des résultats très encourageants.* L’ARN du virus (dans le cas du SARS-CoV-2, le fragment qui code la protéine Spike) est encapsulé dans des vésicules lipidiques microscopiques, qui, après injection, sont capables de fusionner avec la membrane cellulaire, pour libérer leur contenu à l'intérieur. Ce sont donc nos cellules qui se chargent de produire une ou plusieurs protéines virales, qui seront reconnues par notre système immunitaire.
L’inconvénient est que la molécule d’ARN est très fragile, c’est pourquoi il faut les stocker à -80° C. Cela rend plus complexe la campagne de vaccination. Ces vaccins pourront a priori être conservés quelques jours au frigo… Les médecins généralistes pourront donc faire les injections, mais il faut qu’ils s’organisent pour vacciner plusieurs patients le même jour. Tout cela est en cours d’organisation.
Qui pourra bénéficier de la vaccination ?
La commission technique de vaccination de la HAS donnera des informations plus précises au cours du mois de décembre, mais les populations prioritaires seront très probablement les personnes âgées, les sujets à risque de faire des formes graves de Covid et les soignants. On débutera avec les vaccins à ARN, puis on utilisera les autres, dès qu’ils seront disponibles. Il faut savoir que l’Union européenne a commandé des vaccins préparés avec différentes technologies.
Qu’est-il prévu au niveau de la pharmacovigilance ?
La surveillance sera accrue par rapport à ce qu’on fait habituellement. Nous y travaillons avec l’Ansm et les Centres de pharmacovigilance. Outre les déclarations de pharmacovigilance, le suivi des sujets vaccinés sera possible grâce à un système informatique. En pratique, en inscrivant l’information sur la carte vitale, les données de la personne vaccinée seront disponibles sur le SNDS (Système national des données de santé). Nous aurons donc toutes les informations sur les éventuels effets secondaires.
*La production des différents composants d’un vaccin ARN (avec son « principe actif », l’ARNm, les nanocapsules lipidiques, le milieu de dilution, les stabilisants éventuels), y compris en grande quantité, est un processus bien maîtrisé. À l’inverse d’autres types de vaccins (vaccins inactivés, vaccins sous-unités préparés à partir de virus ou bactéries entiers), il n’y a pas besoin de purifier ou de synthétiser en grande quantité la protéine elle-même, ni de cultiver des agents pathogènes, imposant des équipements et des procédures très lourdes et des délais considérables. Les contrôles de qualité sont également simples et bien standardisés, il ne sera pas nécessaire par exemple d'avoir recours à des mises en culture ou des inoculations à l’animal pour détecter un éventuel retour à la virulence.
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien