Identifié initialement mi-septembre au Royaume-Uni, le clone de SARS-CoV-2 VUI-UK (également appelé VOC-202012/01 pour Variant of Concern), comporte 17 mutations (substitutions ou délétions) et 6 changements nucléotidiques « silencieux » (c’est-à-dire qui ne se traduisent pas par des modifications des protéines du virus). Ce nouveau variant a été diffusé essentiellement dans la partie est et sud-est de l’Angleterre ainsi qu’à Londres, durant la période de confinement, représentant dès le mois de novembre 28 à 30 % des cas diagnostiqués dans ces régions, et plus de 60 % le 18 décembre 2020. Les enfants ont été davantage contaminés durant cette période de confinement où les écoles étaient restées ouvertes, mais cela pourrait être dû à une augmentation importante des cas et non aux caractéristiques de la souche (à confirmer).
Par ailleurs, sur la base de modélisations épidémiologiques, les responsables britanniques ont déclaré que ce variant serait jusqu’à 50 à 70 % plus transmissible et qu’il aurait contribué à augmenter le taux de reproduction effectif (R) du virus de 0,4 point ou plus. Ces chiffres sont toutefois à confirmer par des expériences virologiques conduites en laboratoire.
Selon une communication récente du Public Health England, les cas contacts des personnes infectées avec ce virus auraient 54 % plus de probabilité de développer la maladie.
La propagation de ce variant est préoccupant pour différentes raisons. S’il n’y a actuellement aucune preuve que cette souche ait un impact sur la gravité de la maladie, un virus qui se propage plus facilement entrave des efforts plus importants de contrôle de l’épidémie, une augmentation rapide des cas et in fine des décès.
La majorité de ces mutations avaient déjà été rapportées individuellement, mais ce variant du SARS-CoV-2 a acquis 17 mutations d’emblée, un phénomène qui n’a pas été observé précédemment avec ce coronavirus ; 8 sont localisées dans le gène qui code pour la protéine Spike, et parmi celles-ci, 3 sont particulièrement préoccupantes. La mutation appelée N501Y augmenterait l’affinité de la protéine Spike au récepteur du virus des cellules humaines (ACE2).
La deuxième, une délétion nommée 69-70del, entraîne la perte de 2 aminoacides dans la protéine Spike. Elle a été retrouvée lors d’une flambée épidémique de SARS-CoV-2 associée au vison au Danemark, mais aussi chez des patients malades ayant reçu du plasma provenant de sujets Covid-19 convalescents dans un contexte d’échappement du virus à la réponse immunitaire. Une troisième mutation, P681H, change le site qui permet à une enzyme, la furine, de cliver la protéine Spike, ce qui entraîne la fusion entre la membrane du virus et celle de la cellule.
Comment le SARS-CoV-2 aurait-il accumulé autant de mutations en une fois, alors qu’en général il en acquière une ou deux par mois ? Une hypothèse est que la nouvelle variante a évolué chez un patient immunodéprimé infecté de façon chronique pendant plusieurs semaines, l’infection prolongée ayant entraîné l’accumulation de mutations à un rythme élevé.
Quid de l’efficacité des vaccins ?A priori, la protéine Spike de ce variant diffère au niveau de seulement 9 des 1 270 aminoacides de la protéine codée par l’ARN messager du vaccin Pfizer. Si une certaine réduction de la neutralisation par les anticorps est possible, elle ne sera probablement pas totale. Des expérimentations sont en cours pour répondre à cette question. Les sociétés BioNTech-Pfizer ont déjà déclaré qu’elles pouvaient assurer si besoin une adaptation du vaccin « ARNm » à un nouveau variant en 6 semaines….
Toutefois, dans un article paru dans Science, on souligne que « l’arrivée de cette mutation montre l’importance de suivre l’évolution virale de près ». La Grande-Bretagne a un des systèmes les plus sophistiqués de monitoring dans le monde, grâce au COVID-19 Genomics UK Consortium (CoG-UK), une association assez exceptionnelle entre des hôpitaux et des laboratoires de génomique. La France n’a pas les mêmes capacités de surveillance, mais, pour cette variante, il y a une façon de détection qui évite de passer par le séquençage complet du génome viral. Certains tests PCR permettent en effet de la repérer (parmi les 3 signaux amplifiés lors de la réaction PCR, 1 est négatif). Selon Arnaud Fontanet (Institut Pasteur), 25 à 30 % des laboratoires français sont équipés de ces tests qui ont un signal « déficient » en présence de ce variant, ce qui permet une surveillance globale. Il a déclaré sur Bmftv : « Il faut avoir une idée très claire de sa présence sur le territoire… pour être extrêmement agressif sur les lieux de circulation. » Hier, 5 janvier, Olivier Véran a annoncé une quinzaine de cas détectés en France pour le moment…
Le Conseil scientifique (note du 23 décembre) invite également à mettre en place un suivi virologique des patients infectés immunodéprimés pour détecter rapidement l’apparition de nouveaux variants.
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien