Souvent compris comme les médicaments des schizophrénies, les antipsychotiques sont l’une des plus anciennes classes de mé-dications psychotropes toujours en usage. Les propriétés antipsychotiques de la première de ces molécules, la chlorpromazine, ont été découvertes fortuitement ; secondairement, leur propriété d’antagonisme de la dopamine, au même moment que le rôle de la dopamine, furent élucidés. De multiples cibles pharmacologiques autres que la dopamine ont été testées pour traiter les symptômes dits psychotiques, en particulier ceux qui fondent le diagnostic de schizophrénie : les modulateurs des voies de transmission glutamatergique, sérotoninergique, cholinergique, neuropeptidergique et des systèmes inflammatoires. À ce jour, aucune n’a pu apporter la preuve d’un effet pour traiter les troubles schizophréniques.
Nous nous heurtons à trois points essentiels : l’absence de modèle physiopathologique du trouble ; l’incapacité à étudier séparément les effets des molécules sur les différentes dimensions cliniques d’un trouble psychotique, tant leurs interdépendances sont fortes ; la notion même de schizophrénie, qui sous-entend qu’il s’agirait d’une maladie unique malgré l’hétérogénéité des réalités cliniques. Des agents non conventionnels ont été testés pour traiter les schizophrénies et une mise en perspective de ce que pourraient être les molécules de demain est proposée en s’attachant plus particulièrement aux hypothèses issues des travaux les plus récents de la génétique moléculaire.
Les antipsychotiques actuellement disponibles, qu’ils soient de 1re ou de 2e génération, restent des antagonistes (ou des agonistes partiels) des récepteurs D2/D3 de la dopamine. À ce jour, toutes les tentatives pour agir sur d’autres voies de neurotransmission ont été infructueuses. Considérer la schizophrénie comme une maladie à la physiopathologie unique est une erreur conceptuelle probablement limitante dans notre capacité à identifier de futurs médicaments. Gageons que l’identification, en cours, des facteurs génétiques et environnementaux qui contribuent à l’émergence de ces troubles permettra les avancées attendues.

Olivier Guillin, centre hospitalier du Rouvray, Sotteville-les-Rouen

23 mars 2021