l’éditorial
Malgré l’opposition acharnée des lobbies antivaccinaux et en dépit des Cassandre pour lesquels l’obligation vaccinale risquait d’accentuer la défiance de la population, il semble au contraire que le pari ministériel des 11 vaccins obligatoires ait été le bon. Plusieurs résultats qui ont été présentés lors des récentes Journées nationales de médecine générale (JNMG) plaident en ce sens.1
Plusieurs constats avaient justifié l’extension de l’obligation vaccinale. La couverture vaccinale était excellente pour les trois vaccins jusqu’alors obligatoires (DT Polio, coqueluche, Haemophilus) [95 ou 96 % en moyenne], mais médiocre pour les vaccins seulement recommandés. Le cas de la rougeole illustre cet échec avec, de 2008 à 2017 en France, plus de 24 500 cas dont 1 500 pneumonies graves, 35 encéphalites et 20 décès qui tous auraient pu être évités. Les faits sont aussi cruels pour les infections à méningocoque C : 100 décès sont survenus entre 2006 et 2017, dont 31 chez des jeunes âgés de 1 à 24 ans non vaccinés, les autres chez des personnes qui ne pouvaient être vaccinées mais que l’immunité de groupe aurait dû protéger ! Un autre fait inquiétant était que 13 % des parents étaient prêts à renoncer au vaccin DTP pour leurs enfants si celui-ci avait perdu son caractère obligatoire !2
Dans ce contexte, les premières estimations sont encourageantes. Dès la fin 2017, avant même l’entrée en vigueur de la loi, la couverture vaccinale a commencé d’augmenter (sur 1 an et pour les doses recommandées à 12 mois : +5,6 % pour le vaccin antiméningococcique et +2,6 % pour la 1ère dose de ROR). Par ailleurs, 97,8 % des nourrissons nés en mai 2018 ont reçu le vaccin hexavalent incluant l’hépatite B, contre 92,3 % en mai 2017, « ce qui confirme le bénéfice de la vaccination obligatoire pour améliorer la couverture vaccinale contre l’hépatite B ».3 Qu’en pensent les médecins ? Dans un sondage effectué à l’occasion des JNMG, près de 40 % des médecins interrogés estimaient que la nouvelle obligation rendait plus facile leur pratique de la vaccination contre 20 % qui avaient un avis opposé, les autres ne notant pas d’effets particuliers ou ne se prononçant pas encore.4 On verra avec le temps comment évoluera leur opinion et si parallèlement la défiance (encore élevée) de la population vis-à-vis des vaccins en général diminuera. Il reste qu’à tous les âges la couverture vaccinale reste un défi. Dans son message aux participants des JNMG, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, évoquait les autres pistes en cours d’étude pour l’améliorer (extension de la vaccination dans les pharmacies, carnet de vaccination électronique, stock de vaccins chez le médecin traitant…) et pointait l’enjeu particulier de la vaccination contre le papillomavirus. Il reste aussi que si la plupart des parents hésitants se laisseront convaincre grâce à la confiance qu’ils portent à leur médecin, une minorité persistera dans son hostilité. Face à des parents opposants, Éric Drahi1 rappelait que l’argumentation médicale entraînant la contre-argumentation augmentait les résistances et qu’il valait mieux laisser ceux-ci exposer leur représentation pour mettre à jour leur éventuelle ambivalence et que, sans agressivité, on pouvait toujours in fine leur poser la question : « Qu’est-ce qui selon vous pourrait arriver de pire à votre enfant ? ». 
1. Session d’ouverture des JNMG organisées par La Revue du Praticien – Médecine générale les 27 et 28 septembre 2018. Orateurs : Daniel Lévy-Bruhl (Santé publique France) et Éric Drahi (Collège de la médecine générale, SFDRMG).2. Baromètre santé 2016.3. Ministère des Solidarités et de la Santé. Augmentation de la couverture vaccinale des enfants. Communiqué du 27 septembre 2018. https://solidarites-sante.gouv.fr ou https://bit.ly/2y0W2Po4. Sondage auprès de 12 552 médecins généralistes authentifiés à partir du Conseil national de l’Ordre des médecins et des inscrits aux JNMG avec 380 répondants.