Paradoxalement, être victime d’un AVC en milieu hospitalier plutôt qu’à l’extérieur n’est pas une chance !
L’accident vasculaire cérébral (AVC) intrahos­pitalier est une situation fréquente puisqu’il représente, selon les études, 4 à 17 % de tous les AVC.1 Néanmoins, ses symptômes sont souvent mal reconnus et il existe donc souvent un retard à la prise en charge thérapeutique alors même que le patient est déjà dans une structure de soins.

Contexte

Depuis l’avènement des traitements de reperfusion (thrombolyse intraveineuse par recombinant tissue-plasminogen activator au début des années 20002, 3 et thrombectomie mécanique en 20154), l’AVC ischémique est une urgence fonctionnelle puisque le pronostic des patients ayant un AVC ischémique est étroitement lié au délai entre l’apparition des symptômes et la recanalisation artérielle. Différentes campagnes d’information du grand public associées à l’optimisation de la prise en charge extrahospitalière par le service d’aide médicale urgente (Samu), avec notification systématique de toute suspicion d’AVC aigu à un neurologue de garde, ont permis de réduire significativement les délais d’arrivée dans les hôpitaux disposant d’une unité neurovasculaire ainsi que les délais intrahospitaliers, et donc l’accès à un traitement de reperfusion.5
L’AVC survenant en milieu hospitalier est une situation bien différente puisqu’il se produit en dehors du lieu de vie du patient, qu’il doit être diagnostiqué par un personnel médical qui n’est pas nécessairement formé au diagnostic et à la prise en charge des AVC, de surcroît chez des patients ayant des pathologies pouvant altérer la reconnaissance des symptômes de l’AVC et qui ne sont pas toujours à même d’alerter le personnel soignant ­(négligence et anosognosie liées à l’AVC).

Des situations à risque

De multiples situations hospitalières sont à risque de survenue d’un AVC, essentiellement ischémique. La situation la plus classique est l’arrêt d’un traitement anticoagulant chez un patient ayant une cardiopathie emboligène, une fibrillation atriale dans la majorité des cas, lors de procédures chirurgicales ou interventionnelles à risque hémorragique ou lors de complications hémorragiques de ces traitements anticoagulants. L’arrêt du traitement anticoagulant est inévitable dans ces situations, et les modalités de la fenêtre thérapeutique dépendent essentiellement du risque hémorragique de la procédure.
Certaines procédures interventionnelles, essentiel­lement cardiovasculaires, sont également à haut risque embolique. Tout geste artériographique, diagnostique ou thérapeutique a un risque embolique cérébral, essentiel­lement par mobilisation d’une plaque athéromateuse de l’aorte ou des troncs supra-aortiques. Ce risque est plus ­important chez les patients athéromateux, ainsi la balance bénéfice-risque de ces examens artériographiques doit être évaluée de manière adéquate. À titre d’exemple, le risque d’AVC ischémique est estimé entre 0,2 et 0,4 % lors d’une coro­narographie.6 Les procédures de remplacement valvulaire sont également à haut risque d’AVC ischémique, notamment les remplacements valvulaires aortiques par voie percutanée (TAVI) où le risque d’AVC est évalué à environ 4 %.7

Prise en charge des AVC survenus en milieu hospitalier

Le retard de prise en charge de ces AVC est essentiellement lié au défaut de reconnaissance des symptômes chez des patients ayant des pathologies ou ayant bénéficié de trai­tements, notamment anesthésiques, pouvant altérer la reconnaissance de ces symptômes. Par ailleurs, le patient hospitalisé étant en dehors de son lieu de vie habituel, la rupture brutale avec l’état antérieur, engendrée par l’AVC, peut être difficile à mettre en évidence par le personnel soignant.
Au-delà des difficultés de reconnaissance des symptômes, l’AVC survenant en cours d’hospitalisation pose également le problème de la difficulté de sa prise en charge et notamment de la gestion des traitements de reperfusion. La plupart des situations à risque d’AVC dans ce contexte (chirurgie récente, arrêt d’un traitement anticoagulant pour une complication hémorragique) sont en effet des contre-indications à la thrombolyse intraveineuse. Néanmoins, dans toutes ces situations, et en cas d’occlusion proximale, une thrombectomie mécanique peut être envisagée. Une étude récente, réalisée sur une population de près de 2 000 patients, montre un taux de thrombolyses significa­tivement inférieur chez les patients victimes d’un AVC ­survenant en milieu hospitalier comparativement à ceux dont l’AVC était extrahospitalier , mais contrastant avec des taux de thrombectomie mécanique équivalents (fig. 1).8

Des délais longs et un pronostic similaire

Les difficultés de reconnaissance des symptômes chez les patients ayant un AVC à l’hôpital entraînent souvent des délais importants pour l’accès aux traitements de ­reperfusion, alors même que le patient est déjà hospitalisé. Ces délais sont aussi liés à l’organisation de certains centres hospitaliers, répartis sur plusieurs sites, néces­sitant des transferts inter-sites parfois très chronophages. Une étude réalisée en 2017 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille, qui est organisé en plusieurs sites, a mis en évidence des délais voisins, pour l’accès aux ­traitements de reperfusion, entre les patients ayant un AVC survenu dans ou en dehors du milieu hospitalier alors même que les premiers étaient déjà hospitalisés (fig. 2).9 Dans cette même étude réalisée au CHU de Lille, on observe un pronostic fonctionnel relativement similaire entre les deux groupes de patients en analyse multivariée.

Pistes d’amélioration

L’amélioration de la prise en charge des patients victimes d’un AVC à l’hôpital passe par la formation du personnel médical et paramédical à une meilleure reconnaissance de leurs symptômes, notamment chez les patients à risque qui doivent être identifiés (TAVI ou autre procédure ­endovasculaire, arrêt de traitement anticoagulant prescrit dans le cadre d’une cardiopathie emboligène), mais aussi par le développement de filières d’urgence intra­hospitalières spécifiques. Une large information des ­professionnels de santé sur le recours à la thrombectomie mécanique, en cas d’occlusion artérielle proximale, doit également être réalisée, la thrombolyse intraveineuse n’étant désormais plus la seule thérapeutique de reper­fusion des AVC ischémiques. 
Références
1. Saltman AP, Silver FL, Fang J, Stamplecoski M, Kapral MK. Care and outcomes of patients with in-hospital stroke. JAMA Neurol 2015;72:749.
2. Hacke W, Kaste M, Fieschi C, et al. Randomised double-blind placebo-controlled trial of thrombolytic therapy with intravenous alteplase in acute ischaemic stroke (ECASS II). Lancet 1998;352:1245-51.
3. Hacke W, Kaste M, Bluhmki E, et al. Thrombolysis with alteplase 3 to 4.5 hours after acute ischemic stroke. N Engl J Med 2008;359:1317-29.
4. Badhiwala JH, Nassiri F, Alhazzani W, et al. Endovascular thrombectomy for acute ischemic stroke: a meta-analysis. JAMA 2015;314:1832.
5. Casolla B, Bodenant M, Girot M, et al. Intra-hospital delays in stroke patients treated with rt-PA: impact of preadmission notification. J Neurol 2013;260:635-9.
6. Wong SC, Minutello R, Hong MK. Neurological complications following percutaneous coronary interventions (A report from the 2000–2001 New York State Angioplasty Registry). Am J Cardiol 2005;96:1248-50.
7. Svensson LG, Tuzcu M, Kapadia S, et al. A comprehensive review of the PARTNER trial. J Thorac Cardiovasc Surg 2013;145:S11-S16.
8. Del Brutto VJ, Ardelt A, Loggini A, et al. Clinical characteristics and emergent therapeutic interventions in patients evaluated through the in-hospital stroke alert protocol. J Stroke Cerebrovasc Dis 2019;28:1362-70.
9. Caparros F, Ferrigno M, Decourcelle A, et al. In-hospital ischaemic stroke treated with intravenous thrombolysis or mechanical thrombectomy. J Neurol 2017;264:1804-10.

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