La conduite de trottinettes électriques en milieu urbain est en plein essor, induisant une augmentation du nombre d’accidents les impliquant. La traumatologie provoquée par ce nouveau type de transport résulte de la conjonction d’inadéquations entre la qualité des engins, la personnalité des utilisateurs et les conditions de circulation dans l’espace public.
La trottinette électrique appartient au groupe normatif des engins de déplacement personnel motorisés (EDPM), au même titre que les gyroroues, gyropodes, overboards… Elle concentre l’essentiel des problèmes liés à ce nouveau type de mobilité. Sa diffusion représente à l’échelle mondiale un véritable phénomène de société, avec ses avantages et ses risques. En effet, l’accidentologie induite constitue, en raison de sa progression exponentielle, un problème de santé publique de type « pandémique », conséquence d’un mode de vie alliant mobilité et vitesse, et d’individualités égotiques au rythme de vie accéléré maîtrisant insuffisamment les relations sociales et la technique. La traumatologie provoquée par ce nouveau type de transport résulte de la conjonction d’inadéquations entre la qualité des engins, la personnalité des utilisateurs et les conditions de circulation dans l’espace public. Inquiète de ces dérives, l’Académie nationale de médecine s’est intéressée aux conséquences de l’usage anarchique des trottinettes électriques, en distinguant celles de location (free floating : flotte de véhicules en libre-service) et les autres.1
Un véhicule qui ne date pas d’hier
Le premier modèle de trottinette motorisée a vu le jour en 1910, aux États-Unis, sous le nom d’« Autoped de Gibson », son inventeur. Cette trottinette pliante était dotée d’un moteur à essence de 155 cm3 et pouvait atteindre des vitesses élevées, supérieures à 30 km/h. Elle fut notamment utilisée par les postiers américains pour leurs tournées et par les policiers pour leurs patrouilles. Cet engin devint, en outre, un symbole de l’émancipation des femmes, qui n’avaient pas le droit de conduire une automobile. Très tôt, des inquiétudes sont apparues, et la presse a mis en garde contre les dangers de ce moyen de déplacement. Dans le journal Le Gaulois, en 1926, certains piétons s’alarmaient : « Le véhicule du diable à un seul homme pourrait semer une nouvelle terreur dans la vie urbaine. (…) Ce nouveau moyen de transport est ridicule, dangereux et gênant » ; en revanche, d’autres se réjouissaient : « La trottinette, c’est l’avenir… Quand tous les gens, les grands comme les petits, au lieu de prendre des autobus ou des taxis, feront leurs courses en trottinette, il n’y aura plus ni encombrement ni embouteillements… »
Il faut attendre plusieurs décennies pour que la trottinette réapparaisse, grâce à l’invention de la première trottinette pliable en aluminium par Wim Ouboter, en 1996. Sa diffusion est exponentielle depuis 2018. Mais l’opinion publique commence à s’insurger contre les nuisances et les risques engendrés par ces engins sur les espaces de déambulation réservés aux piétons.
Il faut attendre plusieurs décennies pour que la trottinette réapparaisse, grâce à l’invention de la première trottinette pliable en aluminium par Wim Ouboter, en 1996. Sa diffusion est exponentielle depuis 2018. Mais l’opinion publique commence à s’insurger contre les nuisances et les risques engendrés par ces engins sur les espaces de déambulation réservés aux piétons.
Des accidents de plus en plus fréquents
L’essor de l’usage des EDPM trouverait ses causes dans certaines évolutions sociétales : culture du narcissisme centré sur un moi perpétuellement insatisfait, triomphe du consumérisme fondé sur la vitesse et la mobilité, accélération des rythmes de vie, des relations sociales et de la technologie. L’évolution des chiffres de vente de trottinettes électriques est éloquente : en 2020, 640 000 ont été vendues, soit 34 % d’augmentation par rapport à 2019, malgré les restrictions de circulation imposées par la pandémie de Covid-19. De même, l’année 2021 a vu une hausse des ventes de 42 %. On estime actuellement le nombre d’usagers en France à 2,5 millions et la hausse globale du nombre de trottinettes électriques à 800 % en quatre ans !2 Le mouvement est équivalent au niveau mondial.
Les flottes en libre-service augmentent le risque
L’introduction de flottes en libre-service (en septembre 2017 aux États-Unis, juin 2018 en France, août 2018 en Israël, juin 2019 en Allemagne) a été le facteur majeur d’augmentation des accidents, avec un nombre important de trottinettes électriques proposées à la location par différents opérateurs (initialement 25 000 à Paris, chiffre ramené à 15 000 en raison d’un développement jugé anarchique). Selon le registre du Rhône, le nombre d’accidents de trottinettes électriques a été multiplié par 7,3 par rapport aux trois dernières années pleines (2015-2017) dépourvues de tels engins de location.3 Plusieurs auteurs confirment cette évolution : à Auckland, le nombre d’accidents est passé de 2 à 35 par semaine après l’introduction du libre-service.4
La prévalence de l’accidentologie est toutefois difficile à chiffrer avec exactitude en France, en l’absence d’une catégorisation spécifique de ce type d’accidents de la voie publique. Pour l’instant, elle ne peut être que parcellaire à partir de rapports de compagnies d’assurances,2 de séries hospitalières, de thèses, du registre du Rhône ou des articles de presse.
La prévalence de l’accidentologie est toutefois difficile à chiffrer avec exactitude en France, en l’absence d’une catégorisation spécifique de ce type d’accidents de la voie publique. Pour l’instant, elle ne peut être que parcellaire à partir de rapports de compagnies d’assurances,2 de séries hospitalières, de thèses, du registre du Rhône ou des articles de presse.
Deux séries hospitalières
À l’hôpital Saint-Antoine (Paris), une étude a été menée dans le service de chirurgie orthopédique et traumatologique du Pr Alain Sautet pendant deux mois (mai et juin 2022) : 9 cas d’accidents de trottinette électrique ont été dénombrés, dont 6 avec des engins de location en libre-service. Il s’agissait d’une chute isolée dans 8 cas sur 9, et tous ont été opérés d’une fracture de membre supérieur ou inférieur.
À l’hôpital d’enfants Armand-Trousseau (Paris), dans le service de chirurgie orthopédique et réparatrice de l’enfant du Pr Franck Fitoussi, une étude sur trois ans, de 2019 à 2021, a analysé 315 cas. Plus de 50 % concernaient une chute isolée. Un casque était porté 1 fois sur 6. Les lésions intéressaient en premier lieu le massif facial et le membre supérieur.
À l’hôpital d’enfants Armand-Trousseau (Paris), dans le service de chirurgie orthopédique et réparatrice de l’enfant du Pr Franck Fitoussi, une étude sur trois ans, de 2019 à 2021, a analysé 315 cas. Plus de 50 % concernaient une chute isolée. Un casque était porté 1 fois sur 6. Les lésions intéressaient en premier lieu le massif facial et le membre supérieur.
Des thèses notamment sur la métropole lyonnaise
Gladys Broussard, dans sa thèse (2020) intitulée Analyse des accidents de trottinettes électriques dans la circonscription du Rhône en 2019, a dénombré 1 197 blessés, soit une augmentation de 368 % par rapport à la totalité des neuf années précédentes (2010-2018). Une chute isolée était identifiée dans 77 % des cas et une collision avec un ou des piétons dans 1 % des situations. Les lésions prédominaient à l’extrémité céphalique. Des traumatismes crâniens dans 8,7 % des cas, graves pour 1,9 % d’entre eux, étaient associés à des lésions hémorragiques.
La thèse de Richard Jeanne (2021), titrée Épidémiologie des traumatismes en trottinettes électriques à Lyon : étude rétrospective, observationnelle réalisée aux urgences de l’hôpital Saint-Joseph-Saint-Luc sur l’année 2019, s’appuie sur une étude centrée sur le service d’urgence du centre-ville de Lyon ; 325 cas de patients avaient déjà en partie été analysés dans la première thèse. L’âge moyen des patients était inférieur à 45 ans dans 70 % des cas. Le port d’un casque était noté dans 2,9 % des cas, un état d’ébriété dans 30 % des cas. 10,5 % des patients ont été hospitalisés, dont 13,2 % ont été opérés (principalement pour des fractures de l’avant-bras et de la jambe).
Sur la période étudiée, la fréquence d’accueil des patients conducteurs de trottinettes électriques dans le service était de 1 par jour ; elle est actuellement de 5 par jour (donc multipliée par 5 en deux ans).
La thèse de Richard Jeanne (2021), titrée Épidémiologie des traumatismes en trottinettes électriques à Lyon : étude rétrospective, observationnelle réalisée aux urgences de l’hôpital Saint-Joseph-Saint-Luc sur l’année 2019, s’appuie sur une étude centrée sur le service d’urgence du centre-ville de Lyon ; 325 cas de patients avaient déjà en partie été analysés dans la première thèse. L’âge moyen des patients était inférieur à 45 ans dans 70 % des cas. Le port d’un casque était noté dans 2,9 % des cas, un état d’ébriété dans 30 % des cas. 10,5 % des patients ont été hospitalisés, dont 13,2 % ont été opérés (principalement pour des fractures de l’avant-bras et de la jambe).
Sur la période étudiée, la fréquence d’accueil des patients conducteurs de trottinettes électriques dans le service était de 1 par jour ; elle est actuellement de 5 par jour (donc multipliée par 5 en deux ans).
Un seul registre exhaustif, dans le Rhône
Le Registre des victimes d’accident de la route dans le Rhône est le seul document en France susceptible de fournir des données exhaustives. Y sont inscrites de façon systématique et continue, depuis 1996, les personnes blessées ou décédées à la suite d’un accident dans la circonscription départementale du Rhône (1 882 000 habitants en 2019). Il fait état de près de 1 200 blessés, totalisant 2 500 lésions dont 600 fractures et 3,7 % de blessures graves parmi les usagers d’EDPM.
Des accidents rapportés dans la presse régionale
L’analyse de la presse quotidienne régionale confirme factuellement les types de sinistralité et les conditions d’accident : chute inexpliquée sans collision, collision avec une voiture, intersection dangereuse, absence de protection et défaut d’éclairage nocturne, jeune âge du conducteur, enfant piéton tué sur un passage protégé, absence de casque, port d’écouteurs sur les oreilles, vitesse excessive, non-respect de la réglementation. Sur une période de quinze jours courant juin 2022, quatre décès et deux blessés graves en coma profond ont été rapportés. Un recensement partiel réalisé fin août fait état de 19 décès depuis le début de l’année 2022 (Sécurité routière).
Trois facteurs clés dans l’accidentologie
L’accidentologie résulte de la conjonction de trois paramètres qui tiennent non seulement à la trottinette elle-même mais aussi au conducteur et à la voirie.
Sécurité des engins renforcée mais encore lacunaire
Les qualités proprement mécaniques de l’engin (résistance aux chocs, verrouillage de la charnière en cas d’engin pliable) ont été renforcées par l’obligation faite aux fabricants de se soumettre à la norme AFNOR de 2020 qui détaille toutes les mesures de sécurité du circuit électrique. De plus, depuis le 1er juillet 2020, les trottinettes électriques doivent être équipées de feux de position avant et arrière, de dispositifs rétroréfléchissants (catadioptres), d’un système de freinage sur les deux roues et d’un avertisseur sonore.
Malgré cette normalisation réglementaire destinée à renforcer la sécurité, des lacunes persistent.
Liberté complète est ainsi laissée aux industriels pour définir le diamètre des roues et la largeur de la plateforme, deux paramètres essentiels qui contribuent à la stabilité de l’engin et de son conducteur. Sur les modèles « bas de gamme », la plateforme étroite n’offre pas au conducteur un polygone de sustentation stable : poser un pied en arrière de l’autre fragilise un équilibre déjà perturbé par un centre de gravité haut placé, induit par la station debout. Dans ces conditions, le moindre geste, comme tourner la tête ou tendre un bras en lâchant le guidon pour signaler un changement de direction, expose le conducteur à une perte d’équilibre et donc à une chute. Cet état de fait est aggravé par le faible diamètre des roues (17,5 cm incluant les pneus, en règle générale) qui amplifie les irrégularités de la chaussée ou de la voie cyclable (soulèvement du bitume, « nids de poule », etc.). Les grilles de caniveaux et les rails de tramway sont des pièges pour les roues de largeur réduite.
En raison de la surélévation du centre de gravité de l’ensemble conducteur-trottinette, un freinage brutal, surtout à frein avant prédominant, fait décoller l’arrière de l’engin, risquant de précipiter le conducteur dans une chute en avant, en « coup de fouet ».
La vitesse est théoriquement limitée à 25 km/h (20 km/h dans certaines agglomérations). Théoriquement car des trottinettes électriques superpuissantes (puissance jusqu’à 6 000 watts !) sont commercialisées ; elles sont certes bridées pour ne pas dépasser la vitesse autorisée, mais les modalités de leur débridage sont aisément accessibles sur internet. Les contrôles des autorités compétentes (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, DGCCRF) révèlent qu’un tiers des revendeurs sont en défaut : 69 % des engins ne sont pas conformes ; il peut s’agir de manquements simples comme l’absence de connaissance de l’importateur ou de marquage CE mais aussi d’infractions plus graves liées à la commercialisation ou à des pratiques trompeuses visant notamment une clientèle jeune et naïve.
Malgré cette normalisation réglementaire destinée à renforcer la sécurité, des lacunes persistent.
Liberté complète est ainsi laissée aux industriels pour définir le diamètre des roues et la largeur de la plateforme, deux paramètres essentiels qui contribuent à la stabilité de l’engin et de son conducteur. Sur les modèles « bas de gamme », la plateforme étroite n’offre pas au conducteur un polygone de sustentation stable : poser un pied en arrière de l’autre fragilise un équilibre déjà perturbé par un centre de gravité haut placé, induit par la station debout. Dans ces conditions, le moindre geste, comme tourner la tête ou tendre un bras en lâchant le guidon pour signaler un changement de direction, expose le conducteur à une perte d’équilibre et donc à une chute. Cet état de fait est aggravé par le faible diamètre des roues (17,5 cm incluant les pneus, en règle générale) qui amplifie les irrégularités de la chaussée ou de la voie cyclable (soulèvement du bitume, « nids de poule », etc.). Les grilles de caniveaux et les rails de tramway sont des pièges pour les roues de largeur réduite.
En raison de la surélévation du centre de gravité de l’ensemble conducteur-trottinette, un freinage brutal, surtout à frein avant prédominant, fait décoller l’arrière de l’engin, risquant de précipiter le conducteur dans une chute en avant, en « coup de fouet ».
La vitesse est théoriquement limitée à 25 km/h (20 km/h dans certaines agglomérations). Théoriquement car des trottinettes électriques superpuissantes (puissance jusqu’à 6 000 watts !) sont commercialisées ; elles sont certes bridées pour ne pas dépasser la vitesse autorisée, mais les modalités de leur débridage sont aisément accessibles sur internet. Les contrôles des autorités compétentes (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, DGCCRF) révèlent qu’un tiers des revendeurs sont en défaut : 69 % des engins ne sont pas conformes ; il peut s’agir de manquements simples comme l’absence de connaissance de l’importateur ou de marquage CE mais aussi d’infractions plus graves liées à la commercialisation ou à des pratiques trompeuses visant notamment une clientèle jeune et naïve.
Des différences d’attitude entre propriétaires et utilisateurs du libre-service
Dans un échantillon de population générale, 22 % sont des utilisateurs de trottinette électrique, dont la moitié le sont régulièrement. Près des trois quarts des « trottinettistes » ont entre 18 et 30 ans et 26 % sont des automobilistes convertis. 75 % de ceux qui ont recours au libre-service ont moins d’un an de pratique.1
Des différences notables distinguent les propriétaires d’engins privés des conducteurs occasionnels, adeptes du free floating. Chez les premiers, l’utilisation de la trottinette électrique est plus étalée dans la journée et concerne les déplacements professionnels ou à visée scolaire. Pour les seconds, la pratique est concentrée l’après-midi et en soirée, et est davantage destinée aux loisirs.
L’épreuve de la crise sanitaire a fait ressortir les aspects utilitaires des EDPM (autonomie, gain de temps, économie) et, en conséquence, plus d’un quart des Français déclarent avoir modifié leurs modes de déplacement ; près d’une personne sur dix a opté pour la trottinette électrique, avec une prédominance marquée chez les jeunes entre 18 et 34 ans.1 Un usage moins fréquent semble être l’apanage des utilisateurs du libre-service.
Dans les deux groupes, 12 à 13 % des conducteurs reconnaissent emprunter les trottoirs pour circuler. Les utilisateurs d’EDPM ne perçoivent pas leur mode de transport comme le plus dangereux, bien qu’ils se sentent les moins en sécurité de tous les usagers de l’espace public.
Cette impression est confirmée par des données objectives : dans une récente étude de l’université de Californie portant sur 1 354 blessés par trottinette électrique entre 2014 et 2020,2 le nombre estimé de blessures par million de trajets était supérieur pour les trottinettes électriques (115) à celui lié aux motos (104), aux vélos (15), aux voitures particulières (8) et enfin aux piétons (2).3 A contrario, les utilisateurs d’EDPM sont perçus comme les moins respectueux de tous les usagers de l’espace public.
Les propriétaires de trottinette électrique sont plus enclins à se protéger
que les utilisateurs de flottes en libre-service ; ainsi le port du casque est présent dans 9 cas sur 10 pour les propriétaires versus 1 cas sur 10 pour les utilisateurs du libre-service.
La nouvelle réglementation relative aux trottinettes électriques (interdiction de circuler sur les trottoirs, de rouler à deux sur le même engin, de porter des écouteurs ou de téléphoner en conduisant, en sus de la limitation de vitesse) est connue par près de 6 usagers sur 10, les propriétaires ayant une meilleure connaissance, par rapport aux utilisateurs du libre-service.
Des différences notables distinguent les propriétaires d’engins privés des conducteurs occasionnels, adeptes du free floating. Chez les premiers, l’utilisation de la trottinette électrique est plus étalée dans la journée et concerne les déplacements professionnels ou à visée scolaire. Pour les seconds, la pratique est concentrée l’après-midi et en soirée, et est davantage destinée aux loisirs.
L’épreuve de la crise sanitaire a fait ressortir les aspects utilitaires des EDPM (autonomie, gain de temps, économie) et, en conséquence, plus d’un quart des Français déclarent avoir modifié leurs modes de déplacement ; près d’une personne sur dix a opté pour la trottinette électrique, avec une prédominance marquée chez les jeunes entre 18 et 34 ans.1 Un usage moins fréquent semble être l’apanage des utilisateurs du libre-service.
Dans les deux groupes, 12 à 13 % des conducteurs reconnaissent emprunter les trottoirs pour circuler. Les utilisateurs d’EDPM ne perçoivent pas leur mode de transport comme le plus dangereux, bien qu’ils se sentent les moins en sécurité de tous les usagers de l’espace public.
Cette impression est confirmée par des données objectives : dans une récente étude de l’université de Californie portant sur 1 354 blessés par trottinette électrique entre 2014 et 2020,2 le nombre estimé de blessures par million de trajets était supérieur pour les trottinettes électriques (115) à celui lié aux motos (104), aux vélos (15), aux voitures particulières (8) et enfin aux piétons (2).3 A contrario, les utilisateurs d’EDPM sont perçus comme les moins respectueux de tous les usagers de l’espace public.
Les propriétaires de trottinette électrique sont plus enclins à se protéger
que les utilisateurs de flottes en libre-service ; ainsi le port du casque est présent dans 9 cas sur 10 pour les propriétaires versus 1 cas sur 10 pour les utilisateurs du libre-service.
La nouvelle réglementation relative aux trottinettes électriques (interdiction de circuler sur les trottoirs, de rouler à deux sur le même engin, de porter des écouteurs ou de téléphoner en conduisant, en sus de la limitation de vitesse) est connue par près de 6 usagers sur 10, les propriétaires ayant une meilleure connaissance, par rapport aux utilisateurs du libre-service.
Influence de l’organisation de la voirie
Des zones accidentogènes sont définies selon la fréquence et la gravité des accidents :
– revêtements défectueux de la chaussée ;
– intersections (carrefours, passages piétons...) qui sont des zones de ralentissement des flux de circulation. Les accidents qui s’y produisent sont, en général, graves. Le scénario type met en présence une automobile qui double une trottinette électrique, puis tourne vers la droite à l’intersection, alors que le trottinettiste poursuit une trajectoire linéaire en franchissant le passage piétons de la voie de droite. Les facteurs de risque surajoutés résident dans l’espace aveugle, dit « angle mort » qui affecte les camions et les bus, et l’arrondi de trajectoire que ces longs véhicules doivent effectuer en se déportant du côté opposé au virage qu’ils s’apprêtent à négocier, pouvant laisser penser qu’ils se dirigent du côté opposé ;
– voies cyclables qui sont de deux types : les bandes cyclables tracées à même la chaussée et les pistes cyclables spécialement aménagées, conformément à la réglementation.
Les principales causes d’accidents graves proviennent du non-respect de la réglementation routière, notamment la remontée en sens inverse d’une voie ou d’une piste, la non prise en compte des feux de signalisation aux intersections et la survenue d’un fait inattendu. S’y ajoute, dans certaines localités ou certains quartiers de grandes villes, l’existence de couloirs de bus à contre-courant que les conducteurs de trottinette électrique sont enclins à emprunter.
– revêtements défectueux de la chaussée ;
– intersections (carrefours, passages piétons...) qui sont des zones de ralentissement des flux de circulation. Les accidents qui s’y produisent sont, en général, graves. Le scénario type met en présence une automobile qui double une trottinette électrique, puis tourne vers la droite à l’intersection, alors que le trottinettiste poursuit une trajectoire linéaire en franchissant le passage piétons de la voie de droite. Les facteurs de risque surajoutés résident dans l’espace aveugle, dit « angle mort » qui affecte les camions et les bus, et l’arrondi de trajectoire que ces longs véhicules doivent effectuer en se déportant du côté opposé au virage qu’ils s’apprêtent à négocier, pouvant laisser penser qu’ils se dirigent du côté opposé ;
– voies cyclables qui sont de deux types : les bandes cyclables tracées à même la chaussée et les pistes cyclables spécialement aménagées, conformément à la réglementation.
Les principales causes d’accidents graves proviennent du non-respect de la réglementation routière, notamment la remontée en sens inverse d’une voie ou d’une piste, la non prise en compte des feux de signalisation aux intersections et la survenue d’un fait inattendu. S’y ajoute, dans certaines localités ou certains quartiers de grandes villes, l’existence de couloirs de bus à contre-courant que les conducteurs de trottinette électrique sont enclins à emprunter.
Lésions corporelles liées à la chute en avant
Les lésions affectent principalement l’extrémité crânio-faciale et les membres, plus particulièrement le membre supérieur. La localisation des lésions résulte d’une chute en avant qui rend l’extrémité céphalique et les membres supérieurs très exposés.
Lésions de l’extrémité céphalique
L’extrémité céphalique est plus souvent atteinte dans les accidents de trottinette électrique que dans les accidents de vélo où la chute se produit latéralement (74 % versus 43 %).
Les lésions des parties molles isolées ou associées à des fractures concernent surtout l’étage moyen de la face. Les avulsions ou les luxations dentaires sont fréquentes. Les lésions des parties molles du front et du menton montrent que les étages supérieur et inférieur sont susceptibles d’absorber des traumatismes de moyenne énergie sans fracture. En revanche, l’étage moyen peut être le siège de multiples fractures intéressant les os propres du nez, le zygoma, l’orbite, le maxillaire, la région condylienne et, dans les cas extrêmes, d’une disjonction crânio-faciale Le Fort III ou d’un fracas facial concernant plusieurs étages. Dans la série de Hennocq et al.5 près d’un patient sur deux (125 au total) a dû être opéré pour une fracture de la face. Ces traumatismes de l’extrémité céphalique peuvent être responsables de séquelles durables sur le plan esthétique et fonctionnel (ankylose, diplopie...). Leur fréquence a considérablement augmenté depuis 2018.5, 6 Une intoxication à l’alcool et/ou à des substances addictives était noté dans près de la moitié des cas, tandis que le port du casque était absent dans neuf cas sur dix. Le casque type cycliste qui n’aurait aucun effet protecteur sur les lésions des parties molles de la face, semble réduire le pourcentage de fractures et de lésions dento-alvéolaires selon une importante étude israélienne.7 Si l’on note la survenue, rare, d’hématome sous-dural ou d’hémorragie méningée, la lésion la plus fréquente est le syndrome commotionnel post-traumatique (près de la moitié des cas). En raison de l’énergie cinétique, le casque n’évite pas la commotion cérébrale. Toutefois il protège des lésions de contact direct et évite les fractures ouvertes du crâne.
Les lésions des parties molles isolées ou associées à des fractures concernent surtout l’étage moyen de la face. Les avulsions ou les luxations dentaires sont fréquentes. Les lésions des parties molles du front et du menton montrent que les étages supérieur et inférieur sont susceptibles d’absorber des traumatismes de moyenne énergie sans fracture. En revanche, l’étage moyen peut être le siège de multiples fractures intéressant les os propres du nez, le zygoma, l’orbite, le maxillaire, la région condylienne et, dans les cas extrêmes, d’une disjonction crânio-faciale Le Fort III ou d’un fracas facial concernant plusieurs étages. Dans la série de Hennocq et al.5 près d’un patient sur deux (125 au total) a dû être opéré pour une fracture de la face. Ces traumatismes de l’extrémité céphalique peuvent être responsables de séquelles durables sur le plan esthétique et fonctionnel (ankylose, diplopie...). Leur fréquence a considérablement augmenté depuis 2018.5, 6 Une intoxication à l’alcool et/ou à des substances addictives était noté dans près de la moitié des cas, tandis que le port du casque était absent dans neuf cas sur dix. Le casque type cycliste qui n’aurait aucun effet protecteur sur les lésions des parties molles de la face, semble réduire le pourcentage de fractures et de lésions dento-alvéolaires selon une importante étude israélienne.7 Si l’on note la survenue, rare, d’hématome sous-dural ou d’hémorragie méningée, la lésion la plus fréquente est le syndrome commotionnel post-traumatique (près de la moitié des cas). En raison de l’énergie cinétique, le casque n’évite pas la commotion cérébrale. Toutefois il protège des lésions de contact direct et évite les fractures ouvertes du crâne.
Atteintes des membres
La répartition globale des lésions est variable selon les séries observées mais les traumatismes du membre supérieur ont tendance à augmenter : 53,1 % de l’ensemble des lésions pour Moftakhar et al.,8 47 % pour Störmann et al.,9 avec une proportion de fractures (ceinture scapulaire, coude, avant-bras, poignet) plus importante qu’au niveau du membre inférieur, lequel est plutôt concerné par les lésions superficielles des parties molles. Les lésions graves du membre inférieur sont les fractures de la rotule, de l’extrémité proximale du tibia, de la cheville et les luxations fractures de l’avant-pied. Au membre supérieur, il faut souligner la fréquence des fractures ou des lésions des parties molles des mains et des poignets.
Des propositions issues du rapport de l’Académie nationale de médecine
Face à la recrudescence des accidents en raison de l’augmentation importante de l’usage des trottinettes électriques, le rapport de l’Académie nationale de médecine,1 permet de dégager les propositions suivantes.
Concernant la trottinette électrique :
– exiger des normes pour la largeur de la plateforme, le diamètre et la largeur des roues afin d’assurer une réelle stabilité au conducteur ;
– compléter l’équipement par des clignotants de changement de direction localisés au niveau du guidon ou intégrés dans l’équipement du conducteur, et par un feu stop à l’arrière ;
– aligner la puissance réelle des engins sur la puissance autorisée permettant de respecter la réglementation existante ;
– contrôler vitesse, zones de circulation et de stationnement des engins de location par plateforme GPS (global positioning system, système de géolocalisation mondiale) en fonction des zones urbaines.
Concernant l’utilisateur :
– relever l’âge minimal des conducteurs à 16 ans ;
– mettre en place une formation de base dans les établissements scolaires ;
– exiger, pour les mineurs, un certificat d’aptitude pour piloter une trottinette électrique de location ;
– rendre obligatoire le port de gants et surtout d’un casque adapté ;
– recommander le port d’éléments de protection des membres (coudes, poignets, genoux).
Concernant l’environnement :
– organiser des campagnes de sensibilisation sur les risques d’utilisation de la trottinette électrique et les conditions d’assurance ;
– faire impérativement respecter la réglementation existante ;
– tenir compte de ce nouveau mode de mobilité dans les aménagements urbains.
Concernant la trottinette électrique :
– exiger des normes pour la largeur de la plateforme, le diamètre et la largeur des roues afin d’assurer une réelle stabilité au conducteur ;
– compléter l’équipement par des clignotants de changement de direction localisés au niveau du guidon ou intégrés dans l’équipement du conducteur, et par un feu stop à l’arrière ;
– aligner la puissance réelle des engins sur la puissance autorisée permettant de respecter la réglementation existante ;
– contrôler vitesse, zones de circulation et de stationnement des engins de location par plateforme GPS (global positioning system, système de géolocalisation mondiale) en fonction des zones urbaines.
Concernant l’utilisateur :
– relever l’âge minimal des conducteurs à 16 ans ;
– mettre en place une formation de base dans les établissements scolaires ;
– exiger, pour les mineurs, un certificat d’aptitude pour piloter une trottinette électrique de location ;
– rendre obligatoire le port de gants et surtout d’un casque adapté ;
– recommander le port d’éléments de protection des membres (coudes, poignets, genoux).
Concernant l’environnement :
– organiser des campagnes de sensibilisation sur les risques d’utilisation de la trottinette électrique et les conditions d’assurance ;
– faire impérativement respecter la réglementation existante ;
– tenir compte de ce nouveau mode de mobilité dans les aménagements urbains.
La pratique de la trottinette électrique nécessite un encadrement plus rigoureux
La trottinette électrique envahit l’espace urbain de façon anarchique, source d’une accidentalité croissante, supérieure à celle liée aux autres véhicules à deux roues. Son utilisation nécessiterait un encadrement rigoureux dans la conception des engins, dans la protection (port d’un casque) et la formation des utilisateurs, et dans l’aménagement des voies de circulation de la cité. Enfin, ouvrir des registres départementaux à l’instar de celui du Rhône permettrait une meilleure approche épidémiologique de ce phénomène de société.
Encadre
Pour conduire une trottinette électrique en libre-service, souscrire à une assurance spécifique !
L’usage d’une trottinette électrique est exclu de l’assurance multirisque habitation. L’organisme loueur assure l’engin en responsabilité civile mais pas le conducteur occasionnel. Il est recommandé de souscrire une assurance complémentaire « garantie corporelle », car les trois quarts des accidents sont dus à une chute isolée.
En l’absence d’assurance, la victime est indemnisée par le Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO) qui se retourne ensuite contre le conducteur responsable de l’accident afin d’exiger le remboursement intégral des sommes versées à la victime.
Références
1. Masquelet AC, de Saint-Julien J. Rapport 22-12. Accidentologie des trottinettes électriques. Bull Acad Natl Med 2022;206 [In press].
2. Rapport du Smart Mobility Lab, 26 mars 2022.
3. Ioannides KLH, Wang PC, Kowsari K, Vu V, Kojima K, Clayton D, et al. E-scooter related injuries: Using natural language processing to rapidly search 36 million medical notes. PloS One 2022;17(4): e0266097.
4. Bekhit MNZ, Le Fevre J, Bergin CJ. Regional healthcare costs and burden of injury associated with electric scooters. Injury 2020;51(2):271-77.
5. Hennocq Q, Schouman T, Khonsari RH, Sigaux N, Descroix V, Bertolus C, et al. Evaluation of electric scooter head and neck injuries in Paris, 2017-2019. JAMA Netw. Open 2020;3(11):e2026698.
6. Pepper T, Barker M, Smyth D, Kingham M, Dua R, Fan Kl. Electric scooters: A quick way to get to the emergency department? British Dental Journal 2022;232(8):535-37.
7. Hamzani Y, Hai DB, Cohen N, Drescher MJ, Chaushu G, Yahya BH. The impact of helmet use on oral and maxillofacial injuries associated with electric-powered bikes or powered scooter: A retrospective cross sectional study. Head Face Med 2021;17(1):36.4.
8. Moftakhar T, Wanzel M, Vojcsik A, Kralinger F, Mousavi M, Hajdu S, et al. Incidence and severity of electric scooter related injuries after introduction of an urban rental in Vienna: A retrospective multicenter study. Archives of Orthopaedic and Trauma Surgery 2021;141(7):1207-13.
9. Störmann P, Klug A, Nau C, Verboket RD, Leiblein M, Müller D, et al. Characteristics and injury patterns in electric-scooter related accidents: A prospective two-center report from Germany. J Clin Med 2020; 9(5):1569.
2. Rapport du Smart Mobility Lab, 26 mars 2022.
3. Ioannides KLH, Wang PC, Kowsari K, Vu V, Kojima K, Clayton D, et al. E-scooter related injuries: Using natural language processing to rapidly search 36 million medical notes. PloS One 2022;17(4): e0266097.
4. Bekhit MNZ, Le Fevre J, Bergin CJ. Regional healthcare costs and burden of injury associated with electric scooters. Injury 2020;51(2):271-77.
5. Hennocq Q, Schouman T, Khonsari RH, Sigaux N, Descroix V, Bertolus C, et al. Evaluation of electric scooter head and neck injuries in Paris, 2017-2019. JAMA Netw. Open 2020;3(11):e2026698.
6. Pepper T, Barker M, Smyth D, Kingham M, Dua R, Fan Kl. Electric scooters: A quick way to get to the emergency department? British Dental Journal 2022;232(8):535-37.
7. Hamzani Y, Hai DB, Cohen N, Drescher MJ, Chaushu G, Yahya BH. The impact of helmet use on oral and maxillofacial injuries associated with electric-powered bikes or powered scooter: A retrospective cross sectional study. Head Face Med 2021;17(1):36.4.
8. Moftakhar T, Wanzel M, Vojcsik A, Kralinger F, Mousavi M, Hajdu S, et al. Incidence and severity of electric scooter related injuries after introduction of an urban rental in Vienna: A retrospective multicenter study. Archives of Orthopaedic and Trauma Surgery 2021;141(7):1207-13.
9. Störmann P, Klug A, Nau C, Verboket RD, Leiblein M, Müller D, et al. Characteristics and injury patterns in electric-scooter related accidents: A prospective two-center report from Germany. J Clin Med 2020; 9(5):1569.
Dans cet article
- Un véhicule qui ne date pas d’hier
- Des accidents de plus en plus fréquents
- Trois facteurs clés dans l’accidentologie
- Lésions corporelles liées à la chute en avant
- Des propositions issues du rapport de l’Académie nationale de médecine
- La pratique de la trottinette électrique nécessite un encadrement plus rigoureux