En l’absence de consensus international concernant leur définition et leur mesure, et étant donné le caractère subjectif de leur évaluation, il est difficile d’estimer précisément la prévalence des acouphènes. C’est chose faite, pour la première fois, par une vaste revue de littérature récemment publiée dans le JAMA.

Les acouphènes sont définis comme des bruits (sifflements, bourdonnements, grésillements, etc.) que le patient entend sans qu’ils aient été émis par une source extérieure, témoignant d’une lésion existante ou ayant existé des voies auditives périphériques ou centrales (v. encadré). En l’absence d’un traitement convaincant à l’heure actuelle, les acouphènes peuvent entraîner des répercussions non négligeables sur la qualité de vie, induisant un stress permanent. Chez une minorité de patients (< 20 %), ils sont source d’un inconfort majeur, associant hyperacousie, troubles attentionnels, troubles du sommeil, réactions anxiodépressives.

Aujourd’hui, il n’existe pas de données précises sur leur fréquence au niveau mondial en population générale, principalement à cause des différentes définitions utilisées et du caractère subjectif de leur évaluation.

Une revue systématique avec méta-analyse qui vient d’être publiée dans le JAMAest la première à fournir des estimations globales de la prévalence et l’incidence des acouphènes en population générale (excluant des groupes à risque comme les musiciens). 

Les auteurs ont réalisé une méta-analyse des articles publiés dans les bases de données PubMed et Embase, entre 1972 et 2021. Parmi les 767 publications, ils ont identifié 113 articles. Le diagnostic était retenu en cas de réponses positives à des questions comme « Avez-vous ou avez-vous déjà eu un acouphène ? », « Avez-vous eu un acouphène dans les 12 mois précédents ? » ou « Avez-vous déjà eu un acouphène qui dure plus de 5 minutes ? » ou de confirmation par des questionnaires validés. Pour les enfants et les adolescents, les questions ont utilisé le mot « acouphène » ou « bruits dans les oreilles ».

Selon cette étude, la prévalence cumulée des acouphènes (toutes définitions et sévérités confondues) était estimée à 14,4 % chez les adultes (IC95% : 12,6-16,5) et 13,6 % (IC95% : 8,5-21) chez les enfants et adolescents. Si chez les premiers elle ne variait pas significativement selon les définitions, ce n’était pas le cas chez les seconds (5,6 % lorsque la question incluait le mot « acouphène », contre 20,4 % dans le cas contraire).

La fréquence ne différait pas significativement selon le sexe (14,1 % chez les hommes et 13,1 % chez les femmes), mais elle était plus élevée chez les personnes âgées : 23,6 % chez les 65 ans et plus, contre 13,7 % chez les 45-64 ans et 9,7 % chez les 18-44 ans. La prévalence chez les adultes différaient significativement selon les continents, allant de 5,2 % en Afrique à 21,9 % en Amérique du Sud. La présence d’acouphène ne différait pas selon le PIB par habitant.

Quant aux acouphènes sévères, leur prévalence était estimée à 2,3 % mais elle s’élevait à 6,9 % chez les 65 ans et plus.

Ainsi, après cette étude, environ 14 % de la population mondiale souffre d’acouphènes et plus de 2 % a des acouphènes sévères. Au total, avec une incidence de 1 164 par 100 000 personnes-années, ces résultats suggèrent qu’à l’échelle globale, plus de 740 millions de personnes – notamment de plus de 65 ans – seraient touchées par cette affection ; 120 millions en seraient sévèrement atteints. Les auteurs en concluent que les acouphènes devraient être mieux pris en compte comme une cause de handicap, surtout chez la personne âgée, afin d’encourager la recherche pour trouver des traitements efficaces.

Encadre

Étiologies des acouphènes subjectifs

Pathologies du conduit auditif externe

  • Bouchon de cérumen
  • Ostéomes et autres tumeurs du CAE

Pathologies de l’oreille moyenne

  • Otites chroniques à tympan ouvert ou fermé
  • Lésions ossiculaires traumatiques
  • Otospongiose

Pathologies de l’oreille interne

  • Infections bactérienne ou virale
  • Traumatisme sonore ou pressionnel
  • Substances ototoxiques
  • Maladie de Ménière
  • Maladies auto-immunes (syndrome de Cogan)
  • Surdité d’origine génétique isolée ou syndromique
  • Presbyacousie
  • Surdité brutale idiopathique

Pathologies du nerf auditif

  • Schwannome du nerf vestibulaire
  • Autres lésions et tumeurs des angles pontocérébelleux
  • Maladie de Lyme (Borréliose)

Pathologies centrales

  • Traumatismes crâniens et cervicaux
  • Sclérose en plaques et autres maladies neuro-dégénératives

Autres

  • Dysfonctionnement de l’articulation temporo-mandibulaire
  • Troubles métaboliques (hyper-thyroïdie...)