Activité physique, une thérapeutique essentielle
Cadre de la prescription d’activité physique adaptée
Sont présentées ici les préconisations concernant la prescription d’activité physique à des fins de santé chez des adultes, des personnes âgées et des personnes handicapées atteints de maladies chroniques ou présentant des facteurs de risque (sédentarité, perte d’autonomie, déconditionnement physique, etc.) et ayant une condition physique ne leur permettant pas de suivre les offres d’activité physique de type loisir. Cette prescription s’adresse donc à des personnes pour lesquelles on ne cherche pas des intensités élevées. L’objectif est bien la régularité de la pratique d’activité physique qui est le seul critère à prendre en compte pour obtenir un effet sur la santé.
Cette activité physique doit être adaptée aux goûts et aux besoins des patients, et respecter les règles de base : hydratation, échauffement avant la séance et étirements à la fin de la séance.
Obstacles à la prescription
Manque de visibilité de l’offre
Qu’en est-il de la prescription d’activité physique ? À qui adresser les patients ? Aujourd’hui, comme pour la prescription médicamenteuse, le parcours du patient est également tout tracé. Il existe un interlocuteur institutionnel présent dans tous les territoires : les Maisons sport-santé (https://www.sports.gouv.fr/decouvrez-les-maisons-sport-sante-les-plus-proches-de-chez-vous-389). Ces structures ont pour mission de recevoir les patients ayant une prescription médicale d’activité physique. Elles assurent leur prise en charge et leur accompagnement au sein de programmes d’activité physique adaptée personnalisée répondant à leurs besoins particuliers et proposant une pratique pérenne et sécurisée. Les équipes des Maisons sport-santé participent également à l’évaluation régulière de la condition physique et de la motivation du patient et en informent son médecin traitant.
Coût raisonnable mais sans remboursement par la Sécurité sociale
D’une part, les programmes d’activité physique adaptée encadrés par les Maisons sport-santé sont accessibles à des coûts très raisonnables voire, et pour certains, sont entièrement gratuits. D’autre part, la majorité des mutuelles prennent en charge l’activité physique sur ordonnance pour leurs adhérents. Les forfaits annuels sont variables. Mais, dans la grande majorité des cas, ils couvrent les frais d’inscription à des programmes d’activité physique.
Motivation du patient à renforcer
Responsabilité professionnelle : plutôt en cas de non-prescription
À cette simple condition, en matière de responsabilité, les médecins prennent plus de risques à ne pas prescrire d’activité physique aux patients atteints de maladies chroniques qu’à en prescrire, puisque cela constitue une perte de chance. Et cette responsabilité est d’autant plus forte que cette prescription est inscrite dans le code de la santé publique.11,12
Recommandations complètes de la Haute Autorité de santé
Une prescription médicale simplifiée d’activité physique ne nécessite pas de bilan médical approfondi. Cinq étapes permettent d’assurer la sécurité de la prescription.
Étape 1 : éliminer une pathologie aiguë sévère non stabilisée
Étape 2 : respecter une activité physique en intensité modérée
Plus que la fréquence cardiaque, qui n’est pas une mesure évidente pour tous les patients, l’échelle de Borg est l’outil le plus simple pour évaluer et suivre ce niveau d’effort par le patient lui-même. Il est donc nécessaire de joindre à la prescription une ordonnance indiquant le niveau d’effort à respecter. Pour la majorité des patients, ce niveau est compris entre 1 et 5 sur l’échelle de Borg.
Une ordonnance comprenant l’échelle de Borg et les recommandations de bonne pratique permet d’assurer une bonne compréhension du patient. C’est un peu l’équivalent de la notice pour un médicament. Elle participe à l’éducation thérapeutique du patient et contribue à sécuriser la pratique (
Étape 3 : respecter le principe de la non-douleur
Pour autant, ces pathologies ne contre-indiquent pas la mobilisation. Au contraire, pour rester fonctionnelle, une articulation doit conserver ses amplitudes et sa souplesse, sa musculature et sa proprioception. Il est donc nécessaire de mobiliser les articulations qui souffrent.
Pour éviter les blessures et les aggravations, la règle est simple : les exercices proposés ne doivent pas déclencher ou exacerber la douleur. Ce critère doit donc être mentionné dans la prescription. Selon la gravité de l’atteinte peuvent être associées une éducation thérapeutique du patient et une prescription de kinésithérapie pour un travail plus spécifique (massage antalgique, physiothérapie, travail des amplitudes en passif, etc.).
Étape 4 : rédiger la prescription d’activité physique
Ensuite, elle doit indiquer le phénotype fonctionnel du patient, établi par le médecin à partir des tableaux présentés dans l’instruction interministérielle de 2017.**13 L’indication du phénotype fonctionnel sur l’ordonnance permet de s’assurer que le patient est orienté vers le professionnel qualifié (kinésithérapeute, ergothérapeute, psychomotricien, enseignant APA, éducateur sportif) par les responsables des Maisons sport-santé (
Étape 5 : préciser les indications
Ensuite, la prescription apporte quelques indications spécifiques pour prendre en compte les situations particulières des patients (
Un modèle de prescription qui synthétise l’ensemble de ces indications, et vient s’ajouter à l’ordonnance avec l’échelle de Borg, et le cas échéant à l’ordonnance de kinésithérapie, est présenté en
Aller plus loin : bilan médical et prescription plus détaillée
Toutefois, il est possible d’aller plus loin. À partir des recommandations de la HAS,6,14 de la synthèse des connaissances établies15 et de l’expérience acquise par l’encadrement d’un dispositif d’activité physique adaptée pendant plus de huit ans, nous proposons de compléter les outils présentés ci-dessus par une approche synthétique pour un bilan médical systématique (
Étape 1 : repérer les personnes à risque
Le patient peut répondre seul à ce questionnaire ou avec l’aide de son médecin. Mais, pour les patients connus, le médecin peut rapidement répondre aux sept questions et conclure à la nécessité ou non d’un bilan médical avant la prescription d’activité physique.
Étape 2 : rechercher les maladies chroniques pouvant augmenter le risque cardiovasculaire et éliminer les contre-indications
Les pathologies augmentant le risque cardiovasculaire sont listées dans le guide de la HAS, Consultation et prescription médicale d’activité physique à des fins de santé chez l’adulte, 13 juillet 2022, p. 30-31.6
Aucune de ces pathologies ne constitue une contre-indication absolue à l’activité physique. Au contraire, l’activité physique participe au traitement de ces maladies et à la prévention de leurs complications. Toutefois, avant de débuter une activité physique, ces pathologies doivent être identifiées et stabilisées.
Comme indiqué dans la première partie, lors de cette étape, on recherche également une contre-indication, le plus souvent temporaire, qui peut nécessiter un avis spécialisé (
Étape 3 : déterminer le « phénotype fonctionnel » et choisir les intervenants
En fonction des limitations fonctionnelles, l’encadrement de l’activité physique est assuré par des professionnels qualifiés, des kinésithérapeutes aux éducateurs sportifs en passant par les enseignants en activité physique adaptée. L’orientation vers un professionnel qualifié est effectuée par l’équipe de la Maison sport-santé qui reçoit le patient, en dehors des orientations vers les kinésithérapeutes, qui nécessitent une ordonnance du médecin (instruction ministérielle n° DGS/EA3/DGESIP/DS/SG/2017/81 du 3 mars 2017, annexe 3, https://vu.fr/DYhFS).
Étape 4 : évaluer le risque cardiovasculaire et l’indication d’une épreuve d’effort
Pour évaluer le risque cardiovasculaire chez son patient, le médecin doit prendre en compte (
– l’indice SCORE (guide HAS, Consultation et prescription médicale d’activité physique à des fins de santé chez l’adulte, 13 juillet 2022, p. 30) ;6
– les facteurs de risque hors SCORE pouvant influencer le SCORE ;
– les pathologies chroniques connues pour être à risque cardiovasculaire élevé ou très élevé ;
– un âge de plus de 65 ans.
En fonction du niveau de risque cardiovasculaire du patient et du niveau d’intensité envisagé pour la pratique d’activité physique, une épreuve d’effort peut être indiquée (
Étape 5 : Prescrire l’activité physique
– le certificat de non-contre-indication à la pratique d’activité physique ;
– le phénotype fonctionnel du patient ;
– les indications générales : fréquence, intensité, type et temps.
La prescription d’activité physique peut également proposer des indications spécifiques précisant le programme physique et les précautions en fonction des pathologies du patient.
Prescription détaillée selon les indications spécifiques
En fonction des traitements médicamenteux
Certains traitements médicamenteux peuvent exposer à un risque particulier lors de l’activité physique. Il s’agit en quelque sorte d’associations thérapeutiques à prendre en compte pour limiter les risques d’événements indésirables (En fonction des pathologies chroniques
Comme expliqué plus haut, les indications générales en matière de fréquence, d’intensité, de type et de temps conviennent à tous les patients quelles que soient leurs pathologies tant que les recommandations concernant l’intensité de l’activité physique et la notion de seuil de la douleur sont respectées.Pour toutes les pathologies, la prescription doit donc inclure les indications générales :
– fréquence : 150 à 300 minutes par semaine ;
– intensité au maximum modérée (Borg 4 à 5) ;
– travail du renforcement, de la coordination, de l’équilibre et de la souplesse ;
– respect de la règle de la non-douleur.
Ces indications générales peuvent être complétées par des indications spécifiques prenant en compte les pathologies dont souffre le patient. Elles sont détaillées dans le
Dans certaines pathologies et certains états de santé, la notion de temps maximal symptomatique (TMS) doit être prise en compte et expliquée au patient.16 Il s’agit du temps au bout duquel une activité fait apparaître ou exacerbe des douleurs. Pour calibrer la durée des séances d’activité physique au début de la pratique (voire tout au long de la pratique pour certains patients), le patient doit rester entre 50 et 70 % de son TMS. Il doit donc fractionner les séquences d’activité avec des phases de repos, d’étirements et de détente. Cette notion est importante dans la sclérose en plaques, la fibromyalgie, l’encéphalomyélite myalgique, le Covid long, mais également chez les personnes avec des conditions physiques fragiles liées à l’âge, à un cancer, à une insuffisance cardiaque ou respiratoire.
L’activité physique apporte de nombreux bénéfices au patient
1. Définition de l’activité physique
L’activité physique est définie comme tout mouvement corporel produit par les muscles squelettiques, qui entraîne une dépense énergétique supérieure à celle du métabolisme de repos. L’activité physique comprend les activités réalisées dans les contextes domestiques, professionnels, de déplacements et de loisirs (dont le sport).
La prescription médicale d’activité physique adaptée doit permettre aux patients d’adopter un mode de vie physiquement actif sur une base régulière.
Dans le sport, les pratiquants suivent des règles. L’objectif est la performance. Dans l’activité physique adaptée, ce sont les règles du patient qui guident la pratique. Il n’est plus question ni de performance ni de progression. L’activité physique doit donc être adaptée au goût, à la condition physique et à l’état de santé de chaque patient.
2. Avis spécialisé en cas de pathologie aiguë sévère non stabilisée
Ces pathologies nécessitent un avis spécialisé avant la prescription d’activité physique même en intensité modérée :
- angor instable
- insuffisance cardiaque décompensée
- troubles rythmiques ventriculaires complexes
- hypertension artérielle sévère non contrôlée
- hypertension artérielle pulmonaire (> 60 mmHg)
- présence de thrombus intracavitaire volumineux ou pédiculé
- myocardite ou épanchement péricardique aigu
- myocardiopathie obstructive sévère
- rétrécissement aortique serré et/ou symptomatique
- thrombophlébite récente avec ou sans embolie pulmonaire
- diabète avec mal perforant plantaire pour les activités physiques sollicitant les membres inférieurs
- pathologies respiratoires aiguës non contrôlées
- diabète non contrôlé avec acétonurie/acétonémie
- dénutrition importante
- fatigue extrême ou incapacité physique manifeste
- anémie marquée (hémoglobine < 8 g/L)
- escarre et plaie évolutive selon la gravité et la localisation
3. Prescrire selon la méthode FITT
La prescription comprend quatre éléments : la fréquence, l’intensité, le type et le temps (FITT).
La fréquence
Les recommandations sont de 150 à 300 minutes d’activité physique d’intensité modérée par semaine.
Ces 150 à 300 minutes doivent être réparties sur la semaine, avec des séances de 20 à 60 minutes 3 à 7 fois par semaine.
L’intensité
Une activité physique en endurance aérobie (intensité modérée) est la recommandation générale.
Pour le patient, cela correspond à une activité physique qui entraîne un essoufflement modéré. Sur l’échelle de Borg notée de 1 à 10, le patient doit rester entre 1 et 5.
Cas particuliers :
- les patients devant respecter le temps maximal symptomatique visent des intensités de 1 à 3-4 sur l’échelle de Borg ;
- les patients traités pour un cancer doivent atteindre des intensités modérées de 4 à 6 sur l’échelle de Borg (en dehors de contre-indications cardiovasculaires
Le type
Pour tous les patients, il est nécessaire de prescrire de l’endurance, du renforcement, des exercices de souplesse, d’équilibre et de coordination.
En fonction de l’état de santé, certaines composantes seront plus importantes, comme le renforcement dans la sarcopénie, les pathologies cardiovasculaires ou encore les bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO), l’équilibre pour lutter contre les chutes chez les personnes âgées, la coordination dans les pathologies neurodégénératives, etc.
Le temps
L’activité physique doit être pratiquée tout au long de la vie. Dans le cadre de la prescription pour l’entrée dans un programme d’activité physique adaptée, la prescription peut couvrir une année. Elle sera renouvelée de façon annuelle.
4. Quelles sont les précautions et préconisations liées à l’activité physique d’intensité modérée ?
- Pas d’intensité élevée pour les patients présentant des pathologies cardiaques, rénales ou ophtalmiques (glaucomes et rétinopathie) sans avis spécialisés. Le critère de sécurité est le niveau d’essoufflement évalué avec l’échelle de Borg. Le patient doit rester dans des essoufflements modérés.
- Pour les BPCO avec désaturation, le suivi de la saturation en oxygène est recommandé. L’activité physique peut être maintenue tant que la saturation est supérieure ou égale à 90 %.
- Les patients atteints de diabète doivent pouvoir prévenir une hypoglycémie.
- Pour les atteintes de l’appareil locomoteur, la mobilisation douce et régulière des articulations pathologiques est essentielle pour conserver la fonctionnalité de l’articulation. Le critère de sécurité est le seuil de la douleur. Les exercices proposés ne doivent pas déclencher ou majorer les douleurs.
- Sécuriser les déplacements à risque pour les patients présentant une ostéoporose sévère et/ou des troubles de l’équilibre. Proposer des exercices pour renforcer l’équilibre et prévenir les chutes.
- Pour les pathologies avec des douleurs chroniques et/ou une fatigue chronique (SEP, encéphalomyélite myalgique, fibromyalgie, Covid long), suivre le principe du temps maximal symptomatique (TMS). Le TMS est le temps au bout duquel une activité exacerbe les douleurs du patient. Le patient doit rester à 70 % de son TMS. Il doit fractionner les séquences d’activités avec des phases de repos, d’étirements et de détente.
- Insister sur le renforcement musculaire dans les pathologies cardiovasculaires, les BPCO, la sarcopénie.
- Privilégier les exercices en charge pour l’ostéoporose.
- Favoriser l’épargne articulaire des membres inférieurs dans l’obésité et les atteintes articulaires sévères des hanches et des genoux.
2. Santé publique France. Équipe de surveillance et d’épidémiologie nutritionnelle (Esen). Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (Esteban), 2014-2016, volet Nutrition, chapitre Corpulence, 2e édition, p. 1-58, 2020. www.santepubliquefrance.fr
3. Saidj M, Menai M, Charreire H, Weber C, Enaux C, Aadahl, et al. Descriptive study of sedentary behaviours in 35444 French working adults: Cross-sectional findings from the ACTI-Cités study. BMC Public Health 2015;15:379.
4. Ekelund U, Tarp J, Steene-Johannessen J, Hansen BH, Jefferis B, Fagerland MW, et al. Dose-response associations between accelerometry measured physical activity and sedentarity time and all cause mortality: Systematic review and harmonized meta-analysis. BMJ 2019;366:14570.
5. Inserm, Activité physique, prévention et traitement des maladies, Montrouge : EDP Sciences, coll. Expertise collective, 2019.
6. Haute Autorité de santé. Guide « Consultation et prescription médicale d’activité physique à des fins de santé chez l’adulte », 13 juillet 2022.
7. Carré F, Grémy I. Activité physique et maladies chroniques : de quoi parle-t-on ? ADPS, 2021;144:13-15.
8. Abramson S, Stein J, Schaufele M, Frates E, Rogan S. Personnal exercise habits and counseling practices of primary care physicians: A national survey. Clin J Sport Med 2000;10(1):40-8.
9. Richards J, Hillsdon M, Thorogood M, Foster C. Face-to-face interventions for promoting physical activity. Cochrane Database Syst Rev 2013;(9):CD010392.
10. Ancellin R, Communal D. Prescription d’activité physique par les médecins : freins et leviers. La santé en action, 2022;462:19-21.
11. Décret n° 2016-1990 du 30 décembre 2016 relatif aux conditions de dispensation de l’activité physique adaptée prescrite par le médecin traitant à des patients atteints d’une affection de longue durée.
12. Loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France.
13. Instruction interministérielle n° DGS/EA3/DGESIP/DS/SG/2017/81 du 3 mars 2017 relative à la mise en œuvre des articles L. 1172-1 et D.1172-1 à D.1172-5 du code de la santé publique et portant guide sur les conditions de dispensation de l’activité physique adaptée prescrite par le médecin traitant à des patients atteints d’une affection de longue durée.
14. Haute Autorité de santé. Fiches et référentiels par pathologies et état de santé. 5 décembre 2022.
15. Depiesse F, Coste O. Prescription des activités physiques en prévention et en thérapeutique. Elsevier Masson, 2e édition, 2022.
16. Ranque-Garnier S, Ammar D. Activité physique personnalisée en cancérologie. Cancer(s) et psy(s) 2016;1(2):127-37.
Dans cet article
- Activité physique, une thérapeutique essentielle
- Cadre de la prescription d’activité physique adaptée
- Obstacles à la prescription
- Recommandations complètes de la Haute Autorité de santé
- Aller plus loin : bilan médical et prescription plus détaillée
- L’activité physique apporte de nombreux bénéfices au patient