Repérer, diagnostiquer, évaluer le retentissement d’une addiction au cannabis, à la cocaïne, aux amphétamines, aux opiacés, aux drogues de synthèse.
Connaître les principes de prise en charge (sevrage thérapeutique, prévention de la rechute, réduction des risques).
Connaître les principes généraux de la prise en charge.
Stratégies cliniques de repérage des risques de conduites addictives
Caractériser le type de consommation
Il convient d’évaluer si le sujet a un usage simple, festif et maîtrisé, s’il présente des dommages (physiques, psychiques, sociaux) liés à une consommation à risque répétée et/ou des consommations pathologiques.
Rechercher les facteurs de risque d’installation d’une conduite addictive
Facteurs liés aux modalités de consommation
L’éducation des patients sur ces modalités de consommation, corrélées à l’apparition de dommages (psychiatriques, physiques et sociaux) et aux risques d’addiction, doit permettre de percevoir la situation de danger et peut légitimer une prise en charge thérapeutique. Le clinicien doit rechercher les notions de précocité, de cumul, de répétition des consommations, d’excès et d’usage à visée autothérapeutique.
Facteurs individuels
Ils correspondent au tempérament et aux traits de personnalité (recherche de sensations ; réactivité émotionnelle faible ou élevée ; faible évitement du danger ; faible niveau de sociabilité, faible estime de soi ; difficultés à faire face à des événements, à établir des relations stables, à résoudre des problèmes interpersonnels), aux événements traumatiques vécus, à l’existence de comorbidités psychiatriques (troubles de l’humeur, troubles anxieux…).
Facteurs neurobiologiques et génétiques
Ces facteurs entrent en jeu dans la vulnérabilité aux addictions (perturbations des systèmes de neurotransmetteurs, de neuromodulateurs, de certains types de récepteurs…). Le risque génétique explique le problème addictif dans 40 à 70% des cas.
Facteurs environnementaux
Ils sont de plusieurs ordres : familiaux (habitudes de consommation familiale, antécédents familiaux d’addiction à l’alcool ou à des drogues, tolérance familiale pour l’usage de produits, fonctionnement familial), liés à des événements de vie, sociaux (précarité, chômage, instabilité ou rupture scolaire), liés à l’influence des pairs dans l’initiation d’une consommation et l’usage en groupe, stress environnemental, disponibilité des produits/comportements addictogènes.
Rechercher les signes cliniques d’une consommation excessive
Il paraît nécessaire de rechercher un certain nombre de signes cliniques traduisant spécifiquement un usage important de tel ou tel produit psychoactif qui permettent de repérer une consommation à risque sur laquelle le praticien doit intervenir.
Rechercher les complications d’une consommation excessive
Les complications peuvent être somatiques (traumatismes, infections, cancers…) ou psychiatriques (épisode dépressif, trouble anxieux, trouble délirant aigu, troubles cognitifs…). Il peut s’agir d’autres addictions associées, de problèmes environnementaux (difficultés familiales, conjugales, professionnelles…).
Troubles liés à l’usage d’une substance
Dans la cinquième édition du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-5), la dépendance est limitée à la dépendance physiologique (réponse normale à des prises répétées d’agents pharmacologiques). La tolérance et le sevrage n’entrent pas dans le cadre diagnostique de « troubles liés à l’usage de substances » s’il s’agit de traitements médicamenteux bien conduits.
Le trouble lié à l’usage de substances correspond à l’existence d’au moins deux des critères suivants, sur une période de douze mois :
- une consommation de substances importante ou sur une période plus longue que prévu ;
- des efforts infructueux pour essayer de réduire ou de contrôler sa consommation ;
- un temps important passé à essayer d’obtenir ou de consommer une substance ;
- une envie irrésistible (craving), un fort désir ou un besoin urgent de consommer une substance ;
- un usage récurrent de substances altérant les obligations professionnelles, scolaires ou domestiques ;
- la persistance de l’usage d’une substance malgré des problèmes causés ou exacerbés par ses effets ;
- l’abandon ou la réduction des activités récréatives, sociales, occupationnelles à cause de l’usage d’une substance ;
- l’usage récurrent d’une substance dans des situations physiquement dangereuses (conduire une voiture, une machine, un scooter sous l’emprise du cannabis, par exemple) ;
- la poursuite de l’usage d’une substance malgré la connaissance de problèmes physiques ou psychologiques persistants ou récurrents causés ou exacerbés par cette substance ;
- un phénomène de tolérance (augmenter les doses pour retrouver les effets plaisants du début) ;
- un sevrage.
La sévérité du trouble est définie par le nombre de symptômes : légère (deux ou trois symptômes) ; modérée (quatre ou cinq symptômes) ; sévère (six symptômes ou plus).
Addiction au cannabis
Le delta-9-tétrahydrocannabinol (Δ-9-THC) et le cannabidiol (CBD), les deux principaux ingrédients de Cannabis sativa, ont des effets symptomatiques et comportementaux distincts. Le Δ-9-THC est le principal agent responsable des symptômes cognitifs, psychotiques, anxieux et addictifs. Le cannabis est généralement mélangé à du tabac et fumé dans des joints ou dans des dispositifs artisanaux de type pipe à eau (banghs…). La concentration de Δ-9-THC dans les différentes présentations du cannabis (résine, herbe, huile) est proportionnelle à l’intensité de ses effets toxiques.
Effets aigus de la consommation de cannabis
Les effets psychoactifs aigus peuvent se développer sur une période d’environ deux heures après la prise de cannabis. Les effets psychopharmacologiques aigus sont des symptômes subjectifs d’euphorie, une sédation, voire une léthargie, l’intensification des expériences sensorielles ordinaires, une distorsion des perceptions, un retrait social, une hyperhémie conjonctivale, une augmentation de l’appétit avec consommation d’aliments, une sécheresse buccale, une augmentation de la pression artérielle, une tachycardie, des effets bronchodilatateurs de courte durée.
Effets à long terme de la consommation de cannabis
Troubles liés à l’usage de cannabis
(v. Troubles liés à l’usage d’une substance)
Syndrome de sevrage
Il débute vingt-quatre heures après la dernière consommation, est maximal entre deux et quatre jours puis décroît entre sept et vingt et un jours.
Les principaux symptômes sont l’irritabilité, la colère ou l’agressivité, une anxiété, des troubles du sommeil, une diminution de l’appétit ou une perte de poids, une agitation, une humeur dépressive, et des symptômes physiques aspécifiques, entraînant une gêne importante, tels que des douleurs gastriques, des tremblements, des sueurs, une fièvre, des frissons et des céphalées. Le syndrome de sevrage au cannabis est associé à une importante altération des activités quotidiennes habituelles.
Retentissement
Après un usage aigu
Effets adverses immédiats : il s’agit de malaises anxieux, d’idées dépressives, d’idées paranoïaques, voire délirantes.
Attaques de panique induites : le tableau clinique est celui d’une crise d’angoisse aiguë.
Psychose cannabique aiguë (pharmacopsychose cannabique) : le délire apparaît de façon concomitante à l’arrêt de l’intoxication ou dans le mois qui suit. Il existe une ascension récente des consommations ou expérimentations de cannabis très dosé en Δ-9-THC. Le début est brutal. Il s’agit d’un tableau clinique d’état délirant aigu avec la sémiologie habituelle mais avec une hétéro-agressivité plus importante liée à la désinhibition psychomotrice, une plus grande fréquence d’hallucinations visuelles, une impression de déjà-vu et/ou un sentiment de dépersonnalisation. L’évolution est marquée par une guérison à l’arrêt de l’intoxication et sous antipsychotique atypique (mis en place après bilan préthérapeutique). Il existe de potentielles rechutes lors de nouvelles consommations.
Troubles cognitifs : il existe des déficits de la mémoire, de l’attention, du jugement et des fonctions exécutives (prise de décision, par exemple) qui persistent au-delà de l’intoxication aiguë. Les conséquences sont d’ordre scolaire, social, et il existe un risque accru d’accidents de la route.
Après usage chronique
Dépression : il existe une relation forte entre usage de cannabis et dépression mais pas de relation de causalité établie.
Syndrome de dépersonnalisation : il s’agit d’attaques de panique avec sensations de dépersonnalisation ou de déréalisation secondaires aux prises isolées de cannabis.
Syndrome amotivationnel : il correspond à une forme de dépression chez une minorité de patients vulnérables et de très gros consommateurs. Le tableau clinique retrouve un déficit de l’activité professionnelle ou scolaire, des troubles cognitifs, une tristesse, une anxiété, une consommation autothérapeutique et un retentissement somatique.
Troubles cognitifs : il s’agit d’altérations mnésiques, attentionnelles, des fonctions exécutives, avec un retentissement sur les performances comportementales dans les activités sociales et récréatives et une réduction à long terme des possibilités d’accomplissement scolaire.
Effet paranoïaque : les patients rapportent une impression d’être suivis. Cela peut aller jusqu’au délire paranoïaque.
Complications somatiques (
Principes de la prise en charge
Le plus souvent, elle est possible en ambulatoire, mais une hospitalisation peut être nécessaire dans certains contextes (
Il n’existe aucun traitement substitutif ou d’aide à l’arrêt du cannabis ayant l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Il faut envisager un traitement symptomatique des manifestations de sevrage (anxiolytiques non benzodiazépiniques, antipsychotiques sédatifs). Différentes techniques thérapeutiques sont utilisées : entretiens motivationnels pendant la phase de sevrage thérapeutique, thérapie cognitive et comportementale pendant la phase de maintien de l’abstinence, thérapie familiale (surtout chez l’adolescent). Un arrêt du tabac doit être systématiquement proposé. Les comorbidités, les troubles cognitifs, les problèmes relationnels, familiaux, sociaux doivent être recherchés et pris en charge. Un suivi au long cours doit être envisagé.
Addiction à la cocaïne
Effets aigus de la consommation
La cocaïne, drogue psychostimulante, existe sous différentes formes : le chlorhydrate de cocaïne (sous forme de poudre, voie intranasale ou intraveineuse) ou la cocaïne base (crack ou free base, voie inhalée). Lors de la phase d’intoxication aiguë, les effets clinques sont proches de ceux d’un épisode maniaque, avec une euphorie au premier plan.
Effets à long terme de la consommation
Troubles liés à l’usage de cocaïne
(v. Troubles liés à l’usage d’une substance)
Syndrome de sevrage
Le syndrome de sevrage à la cocaïne (comme un épisode dépressif-like) survient lors de l’arrêt ou de la réduction de la consommation de cocaïne. Il peut durer plusieurs heures à plusieurs jours selon les individus.
Il comprend au minimum une humeur triste (dysphorie) et au moins deux des symptômes suivants : fatigue, rêves vifs ou déplaisants, sommeil perturbé, appétit augmenté, ralentissement psychomoteur ou agitation. Des signes physiques aspécifiques peuvent être associés. Ce syndrome est parfois géré par les patients de manière autothérapeutique avec de l’alcool, des sédatifs, du cannabis, des opioïdes ; cela peut entraîner secondairement d’autres addictions. La consommation d’alcool avec la cocaïne est un phénomène clinique très fréquent (effet cocaéthylène). Le délai de retour à une humeur de base est de trois à quatre jours après l’épisode d’envie frénétique de consommer.
Retentissement
Les principales complications sont résumées dans le
Principes de prise en charge
Le traitement est le plus souvent ambulatoire. Les indications d’hospitalisation sont résumées dans le
Il n’existe aucun traitement substitutif ou d’aide à l’arrêt de la cocaïne ayant l’AMM. Le traitement des manifestations de sevrage associe des traitements médicamenteux symptomatiques et des entretiens motivationnels sur une durée de trois à quatre semaines.
Lors de la phase de prévention de rechute, d’autres traitements médicamenteux sont combinés à de la thérapie cognitive et comportementale.
Il est nécessaire de proposer un arrêt du tabac, de rechercher et traiter les comorbidités, les troubles cognitifs, les problèmes relationnels, familiaux, sociaux.
Des soins de suite et de réadaptation dans des établissements spécialisés peuvent être organisés.
Un suivi au long cours doit être envisagé.
Addiction aux amphétamines
Ecstasy-MDMA
L’ecstasy existe sous forme de comprimés avec des logos. Elle se consomme par voie orale ou intranasale. La MDMA (3,4-méthylènedioxyméthamphétamine) existe sous forme de poudre ou de cristaux. Elle est souvent consommée avec du cannabis, de l’alcool, voire d’autres substances.
Les effets recherchés sont à la fois stimulants et empathogènes (facilitant le contact) et durent de trois à six heures. Il existe une augmentation de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle,une sécheresse buccale, des sueurs, des tremblements, un trismus et des myalgies. La « descente » est marquée par un épuisement physique et des symptômes dépressifs durant environ huit heures, pouvant être gérés avec d’autres produits. Il existe un phénomène de tolérance lorsque les consommations sont rapprochées. Le diagnostic de trouble lié à l’usage est possible (v. Troubles liés à l’usage d’une substance).
Les complications somatiques et psychiatriques sont résumées dans le
Le traitement est ambulatoire le plus souvent. Il n’existe aucun traitement substitutif ayant l’AMM. L’approche thérapeutique est similaire à celle utilisée dans l’addiction à la cocaïne. L’hospitalisation est nécessaire en cas de complications.
Méthamphétamine
La méthamphétamine est une drogue de synthèse, amphétaminique, hallucinogène, aux effets extrêmement puissants, inodore et sans saveur. Elle existe sous forme cristallisée ou sous forme de poudre. Sa voie d’administration est surtout inhalée, voire intraveineuse.
Les effets psychoactifs de la méthamphétamine ont une durée de huit heures. L’intoxication aiguë est marquée par des symptômes de type maniaque, une envie sexuelle irrépressible (binge sexuel) avec consommation frénétique, une anxiété, une dysphorie, des symptômes psychotiques, des hallucinations, des idées suicidaires. Il existe une augmentation de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, de la température, des céphalées, des sueurs, une mydriase, des troubles du comportement. Un surdosage (overdose) est possible. Le diagnostic de troubles liés à l’usage est possible (v. Troubles liés à l’usage d’une substance).
Les complications somatiques peuvent être des cardiomyopathies, une arythmie cardiaque, un syndrome coronaire aigu, une hypertension artérielle pulmonaire, un œdème aigu du poumon, un accident vasculaire cérébral, des problèmes dentaires et cutanés, des infections (virus de l’immunodéficience humaine [VIH], syphilis, autres infections sexuellement transmises, hépatites…). Les complications psychiatriques sont marquées par des troubles psychotiques, thymiques, cognitifs. Les complications sociales sont nombreuses (désinsertion, prostitution, marginalité…).
Addiction aux opiacés
Il existe différents produits opiacés comme l’héroïne, les médicaments comme le sulfate de morphine, la buprénorphine, les traitements de substitution opiacée (chlorhydrate de méthadone, méthadone ; buprénorphine haut dosage), les dérivés de la codéine, les nouveaux opioïdes de synthèse (dérivés du fentanyl, par exemple).
Les différentes voies d’administration sont intranasale, intraveineuse, inhalée, orale.
Effets aigus de la consommation d’opiacés
Il s’agit initialement d’un « flash orgasmique » ou d’une euphorie. Puis apparaît une apathie, une dysphorie, une agitation ou un retard psychomoteur. Il existe un myosis et au moins un des signes suivants : dysarthrie, somnolence, coma, altération du jugement ou de la mémoire. D’autres signes cliniques comme des nausées, des vertiges ou une bradycardie sont possibles.
Effets à long terme de la consommation d’opiacés
Troubles liés à l’usage d’opiacés
(v. Troubles liés à l’usage d’une substance)
Syndrome de sevrage
Il dure environ huit jours pour des produits comme l’héroïne ou certains médicaments opioïdes. À partir de la 12e heure après la dernière consommation d’opiacés apparaissent des bâillements, des larmoiements, une rhinorrhée, une mydriase, des sueurs, une anxiété. À vingt-quatre heures, les signes se majorent, avec des contractions musculaires, une irritabilité, une insomnie, une anorexie, des nausées, des myalgies, des crampes abdominales, des frissons. Le 3e jour est l’acmé des symptômes somatiques (diarrhée, vomissements, déshydratation, tachycardie, hypertension artérielle, anxiété). Au 8e jour, la symptomatologie régresse, mais peuvent persister des troubles du sommeil et une asthénie. Les symptômes peuvent n’apparaître qu’après deux à quatre jours dans le cas de produits à demi-vie plus longue comme le chlorhydrate de méthadone. Ils durent jusqu’à trois semaines après l’arrêt.
Retentissement
Les complications somatiques sont nombreuses : infections (VIH, virus de l’hépatite C, virus de l’hépatite B…) quelle que soit la voie d’administration, abcès au point d’injection, endocardite, pneumopathies, convulsions, hypertension artérielle, œdème aigu pulmonaire, surdosage (troubles de la conscience, myosis bilatéral et dépression respiratoire), complications gynécologiques et obstétricales (aménorrhée, prématurité, hypotrophie, mort fœtale in utero, syndrome de sevrage quelques jours après l’accouchement).
Les complications psychiatriques peuvent être les suivantes : épisodes délirants aigus, dépression, risque suicidaire, attaques de panique induites, troubles cognitifs.
Principes de prise en charge
Évaluation de la conduite addictive
Il est essentiel d’évaluer l’âge de début et l’histoire des consommations (doses, voies d’administration, autres produits, dose maximale administrée, surdosages ou autres accidents), les addictions associées, la notion d’hospitalisation(s) ou de suivi(s) ambulatoire(s) pour sevrage thérapeutique, de substitution opiacée, de séjour en soins de suite et de réadaptation.
Évaluation clinique psychopathologique et somatique
Les antécédents personnels et familiaux psychiatriques (troubles de l’humeur, tentative(s) de suicide, délire, trouble de la personnalité…) sont recherchés, de même qu’une personnalité pathologique sous-jacente, le tempérament, l’état cognitif, les traitements psychotropes actuels.
Sur le plan somatique, l’état de vigilance, l’état d’intoxication, la présence de signes de sevrage sont étudiés et un examen clinique complet est réalisé.
Évaluation sociale
Sur le plan social, il faut évaluer la qualité de vie (famille, entourage, emploi, couverture sociale…) et la notion de poursuites judiciaires en rapport ou non avec la consommation et antérieures ou non à celle-ci.
Évaluation de la motivation au changement
Elle se fait par des entretiens motivationnels.
Modalités du sevrage thérapeutique et substitution en opiacés
Le sevrage thérapeutique est réalisé en ambulatoire (contrat de soins, consultations rapprochées, remise directe des médicaments en quantité limitée) ou au cours d’une hospitalisation (en cas d’échec du traitement en ambulatoire, risque de passage à l’acte, comorbidités psychiatriques, isolement social).
Le traitement médicamenteux du syndrome de sevrage est avant tout symptomatique. Il comprend des antalgiques non opiacés (paracétamol, par exemple), des antispasmodiques (phloroglucinol), des antinauséeux, des antidiarrhéiques (dompéridone) en fonction de la clinique, des antipsychotiques sédatifs (cyamémazine ou loxapine, par exemple) ou des anxiolytiques non benzodiazépines (type hydroxyzine). Ce traitement doit être couplé à des entretiens motivationnels et à une psychothérapie de soutien.
Le traitement de substitution opiacé doit être rapidement initié, avec l’accord du patient, et maintenu pour prévenir la rechute (chlorhydrate de méthadone, méthadone initiée en milieu hospitalier ou en centre d’addictologie par voie orale ; buprénorphine haut dosage (Subutex ou générique [en médecine de ville essentiellement ou en milieu hospitalier/centre d’addictologie] par voie orale ou sublinguale). La thérapie cognitive et comportementale est nécessaire pendant la phase de prévention de rechute.
Un bilan et un traitement des comorbidités psychiatriques, addictives et somatiques doivent être envisagés.
Un suivi au long cours (somatique, psychologique, social) en ambulatoire est nécessaire ; la mise en place de soins de suite et de réadaptation dans des établissements spécialisés peut être prévue. Les groupes d’autosupport comme les Narcotiques Anonymes peuvent faire partie de la prise en charge.
La méthadone est aussi prescrite en cas de mésusage (usage détourné, comme l’utilisation par voie intranasale ou intraveineuse) de la buprénorphine haut dosage.
Drogues de synthèse
Les drogues de synthèse comprennent, d’une part, les nouveaux produits de synthèse (NPS) ou les nouvelles substances de synthèse et, d’autre part, les substances comme le GHB/GBL (gamma-hydroxybutyrate/gamma-butyrolactone), les hallucinogènes. Les nouveaux produits de synthèse constituent un nouvel aspect du paysage des addictions. Cannabinoïdes de synthèse et cathinones de synthèse représentent les deux tiers des consommations de ces nouvelles substances.
Cannabinoïdes de synthèse
Les cannabinoïdes de synthèse ont une action pharmacologique similaire à celle du cannabis. Leur principal effet est fonctionnellement identique à celui du Δ-9-THC. Ces substances ne contiennent pas de cannabis. Cependant, leur consommation par voie inhalée entraîne des effets psychoactifs similaires à ceux du cannabis. La durée des effets psychoactifs peut être d’environ six heures ; ils finissent par s’atténuer progressivement. Des symptômes mineurs peuvent être encore présents vingt-quatre heures plus tard.
Les symptômes de sevrage sont les suivants : tension intérieure, cauchemars, sueurs, céphalées, nausées et tremblements.
Parmi les conséquences psychiatriques, on peut observer une dépression, des rêves vifs ou non plaisants, des hallucinations, une anxiété, l’agitation, une paranoïa, une apathie (« comme des zombies ») et des troubles mnésiques. Plusieurs signes somatiques sont aussi possibles : une tachycardie pouvant durer de deux à quatre heures, des convulsions, des complications pulmonaires, une dépression respiratoire, une perte de conscience, des douleurs diffuses, un syndrome coronaire aigu, une rhabdomyolyse, une insuffisance rénale, un risque de surdosage (
Cathinones de synthèse
Les cathinones de synthèse auraient des propriétés pharmacologiques similaires à celles des amphétamines ou de la cocaïne. La méphédrone (4-MMC), la méthylènedioxypyrovalérone (MDPV) et la méthylone (MDMC) forment les 3M : les drogues qui ont mis en avant les cathinones de synthèse. Actuellement, les nouvelles drogues de synthèse populaires sont la 4-MEC (4-méthyléthcathinone) et la 3-MMC (3-méthylméthcathinone). Il existe également des cathinones de seconde génération comme l’alpha-PVP (alpha-pyrrolidinovalérophénone). Les NRG sont des mélanges de cathinones.
La méphédrone a des effets durant deux à cinq heures et ressemblerait à la méthamphétamine. La MDPV aurait des effets cliniques proches de ceux de la cocaïne durant entre deux et sept heures. La méthylone aurait des effets semblables à la MDMA.
Les effets recherchés par les consommateurs sont l’augmentation de la sociabilité, l’empathie, l’euphorie, les performances sexuelles et l’augmentation de la capacité de travail (comme une conduite dopante).
Il existe un potentiel addictif avec craving, syndrome de sevrage et tolérance.
Les principales conséquences psychiatriques sont des attaques de panique prolongées, des hallucinations, une paranoïa, de l’anxiété, des troubles cognitifs, des troubles du sommeil à type d’insomnie, un tableau dépressif, des idées suicidaires, un état délirant aigu. Il existe un potentiel addictif de toutes ces substances. Sur le plan somatique sont décrits un syndrome confusionnel, des tremble- ments, une fatigue, des nausées, des céphalées, des vertiges, des troubles de la vision (
Autres drogues de synthèse
Le GHB/GBL, la kétamine et les hallucinogènes sont ici évoqués.
GHB/GBL
Cette substance se présente sous forme de poudre, de capsules ou de liquide incolore et inodore. Elle a un goût salé et est mélangée à une boisson sucrée dans une bouteille en verre la plupart du temps.
Les effets cliniques et indésirables du GHB/GBL se produisent généralement après quinze minutes et peuvent durer de trois à quatre heures :
- euphorie, désinhibition, aphrodisiaque ;
- altération du niveau de conscience, perte de contrôle ;
- relaxation ;
- amélioration des effets négatifs des autres drogues psychostimulantes ;
- nausées, vomissements ;
- sensation ébrieuse, troubles du cours de la pensée, dysarthrie ;
- hyperthermie ;
- G-hole (trou noir, perte de mémoire), overdose.
Il n’y a pas de phénomène de « descente » observé en cas d’usage isolé.
Le syndrome de sevrage débute une à six heures après la dernière consommation et peut durer jusqu’à deux semaines. Les principaux symptômes sont l’agitation, une confusion, des hallucinations, une anxiété, une insomnie, des tremblements, une tachycardie, une hypertension artérielle. Un tableau clinique de delirium est possible.
Kétamine
Elle se présente sous forme de poudre, de liquide, de comprimés ou de capsules (plus rarement).
Les effets cliniques et indésirables durent de 2 à 4 heures :
- dépersonnalisation, déréalisation, expériences de mort clinique, flashback ;
- anxiolytique, désinhibition ;
- K-holes (trous noirs avec troubles cognitifs, troubles du comportement, hallucinations et cauchemars) ;
- dépression respiratoire modérée et transitoire ;
- attaques de panique ;
- coma.
Il n’existe pas de syndrome de sevrage spécifique.
Hallucinogènes
Le LSD (lysergide) en est un exemple. Il se présente sous forme de cristaux transformés en liquide inodore, incolore au goût amer.
Les effets cliniques et indésirables peuvent être :
- des hallucinations ;
- des distorsions perceptuelles ;
- une possible agitation.
Les signes physiques de l’intoxication aiguë sont une mydriase, un nystagmus, une hyperthermie, une tachycardie, une hypertension artérielle, une tachypnée.
Le syndrome de sevrage comprend de fausses perceptions des mouvements, des myodésopsies colorées et de possibles hallucinations géométriques.
Retentissement
Les complications de l’addiction aux drogues de synthèse (autres que les cannabinoïdes de synthèse et les cathinones de synthèse) sont résumées dans le
POINTS FORTS À RETENIR
Les diagnostics d’abus et de dépendance ont disparu avec le DSM-5. Il faut évoquer maintenant le trouble lié à l’usage de substances d’intensité légère, modérée à sévère.
Le cannabis et la cocaïne sont les deux drogues illicites les plus consommées au monde. Les nouvelles drogues de synthèse sont un nouvel aspect du paysage des addictions.
Il n’existe aucun traitement substitutif pour l’ensemble des drogues illicites en dehors des opiacés.
Le sevrage thérapeutique est la première étape du traitement d’un patient ayant un trouble lié à l’usage de drogues et souhaitant être abstinent.
La prévention de la rechute ou maintien de l’abstinence est la seconde étape du traitement des patients souffrant d’une addiction.