Addictologie. Les principales dépendances comportementales sont les jeux d’argent et de hasard, le sport intensif, les achats compulsifs, les troubles de la conduite alimentaire et, liée à l’essor des technologies de l’information et de la communication, la cyberdépendance (Internet, jeux vidéo individuel ou multijoueurs, ces derniers très addictogènes, portables, réseaux sociaux).
L’addiction comportementale ou « addiction sans drogue » est une conduite, régulière et durable en dépit de ses conséquences dommageables,* vis-à-vis d’un objet ou d’une pratique, différant en cela d’une addiction avec substance psychoactive illicite ou licite.1 Quatre critères principaux (et des critères complémentaires) définissent une addiction :
– une envie irrépressible de réaliser le comportement ;
– la fréquence excessive, croissante, non contrôlée du comportement au détriment d’autres activités ;
– la poursuite du comportement malgré ses conséquences dommageables ;
– l’augmentation de la fréquence du comportement pour ressentir les mêmes effets comportementaux et psychologiques.
Des caractéristiques cognitives, émotionnelles, cliniques et de vulnérabilité (traits de personnalité, comorbidité psychiatrique, contexte socio-environnemental…) sont communes aux addictions ; enfin, dans toute addiction, la souffrance psychique, du sujet comme de l’entourage, est loin d’être négligeable. Toutefois, de nombreux addictologues préfèrent le concept de dépendance et non d’addiction comportementale.
Dans le cadre de cette mise au point, nous nous intéresserons à deux troubles addictifs : la cyberdépendance et les troubles des conduites alimentaires.
– une envie irrépressible de réaliser le comportement ;
– la fréquence excessive, croissante, non contrôlée du comportement au détriment d’autres activités ;
– la poursuite du comportement malgré ses conséquences dommageables ;
– l’augmentation de la fréquence du comportement pour ressentir les mêmes effets comportementaux et psychologiques.
Des caractéristiques cognitives, émotionnelles, cliniques et de vulnérabilité (traits de personnalité, comorbidité psychiatrique, contexte socio-environnemental…) sont communes aux addictions ; enfin, dans toute addiction, la souffrance psychique, du sujet comme de l’entourage, est loin d’être négligeable. Toutefois, de nombreux addictologues préfèrent le concept de dépendance et non d’addiction comportementale.
Dans le cadre de cette mise au point, nous nous intéresserons à deux troubles addictifs : la cyberdépendance et les troubles des conduites alimentaires.
Cyberdépendance
La pratique quotidienne d’Internet chez les adolescents de 16 ans était de 23 % en 2003 mais de 83 % en 2015, avec pour certains un temps de connexion de 5 à 6 heures par jour.2 Il est admis qu’un usage modéré a des effets bénéfiques sur le plan cognitif et psychologique : nouveaux apprentissages, compétences psychosociales en jeu multijoueurs, créativité, affirmation de soi. En revanche, dans la cyberdépendance, les effets sont nocifs sur la santé physique, mentale (troubles psychiques, repli relationnel, sociabilité, agressivité) et les conséquences psychosociales peuvent être graves (désinvestissement scolaire notamment). De plus, Internet expose les enfants et les adolescents aux dangers de la cybercriminalité (sites douteux, pornographie, images violentes, harcèlement, piratages de données, etc.).
Le médecin traitant, les parents et la cyberdépendance
Le médecin traitant est souvent le premier interlocuteur de parents en difficulté, voire en détresse face à un comportement problématique ou supposé tel de leur adolescent. Son rôle est essentiel pour :
– évaluer, ce qui peut être réalisé à l’aide de tests simples** (par exemple le test de Mark Griffiths)3 et a pour objectif de déterminer s’il s’agit d’une pratique excessive, à risque, en dépendance associée ou non à des troubles psychopathologiques (tableau 1 ) ;
– informer :
l sur les principaux signes auxquels les parents doivent être attentifs : impossibilité à interrompre la pratique, net désintérêt pour les activités habituelles au profit exclusif de la pratique, infléchissement scolaire inexpliqué, tendance à s’isoler, présence de symptômes physiques ;
l sur les dangers liés à la cybercriminalité ;
l sur l’existence d’un réseau spécialisé et de l’offre de soins en précisant leur anonymat et gratuité. Cette information doit être accompagnée d’une documentation (en salle d’attente ou remise en main propre) : brochures, guides gratuits de conseils (pour les parents, pour les professionnels), adresses utiles disponibles en ligne*** ou par courrier (v. encadré et fig. 1 et 2 ) ;
– conseiller ; il s’agit de suggérer des recommandations simples et de prévention sur les attitudes parentales à tenir et celles à éviter.
– établir ensemble des règles ; fixer des limites ; en cas de non-respect des règles, supprimer (provisoirement) l’outil « addictif » ou la connexion ;
– dialoguer autour de l’objet, de la pratique et y participer ponctuellement ;
– valoriser (par exemple le design d’un jeu, les stratégies d’utilisation d’Internet) ;
– suggérer d’autres activités récréatives (loisirs, sport…) et en pratiquer ensemble.
Lorsque la situation devient ingérable :
– inciter le jeune à s’auto-évaluer (tests en ligne), ce qui peut faciliter le dialogue autour de sa pratique ;
– inciter le jeune à consulter.
– être soi-même un parent « connecté » à tout moment ;
– permettre les supports numériques dans la chambre de l’adolescent ;
– banaliser, se désintéresser, dénigrer, dramatiser la pratique ;
– ne pas fixer de limites claires et être en désaccord parental.
– évaluer, ce qui peut être réalisé à l’aide de tests simples** (par exemple le test de Mark Griffiths)3 et a pour objectif de déterminer s’il s’agit d’une pratique excessive, à risque, en dépendance associée ou non à des troubles psychopathologiques (
– informer :
l sur les principaux signes auxquels les parents doivent être attentifs : impossibilité à interrompre la pratique, net désintérêt pour les activités habituelles au profit exclusif de la pratique, infléchissement scolaire inexpliqué, tendance à s’isoler, présence de symptômes physiques ;
l sur les dangers liés à la cybercriminalité ;
l sur l’existence d’un réseau spécialisé et de l’offre de soins en précisant leur anonymat et gratuité. Cette information doit être accompagnée d’une documentation (en salle d’attente ou remise en main propre) : brochures, guides gratuits de conseils (pour les parents, pour les professionnels), adresses utiles disponibles en ligne*** ou par courrier (
– conseiller ; il s’agit de suggérer des recommandations simples et de prévention sur les attitudes parentales à tenir et celles à éviter.
Conduites parentales à tenir
Tout d’abord :– établir ensemble des règles ; fixer des limites ; en cas de non-respect des règles, supprimer (provisoirement) l’outil « addictif » ou la connexion ;
– dialoguer autour de l’objet, de la pratique et y participer ponctuellement ;
– valoriser (par exemple le design d’un jeu, les stratégies d’utilisation d’Internet) ;
– suggérer d’autres activités récréatives (loisirs, sport…) et en pratiquer ensemble.
Lorsque la situation devient ingérable :
– inciter le jeune à s’auto-évaluer (tests en ligne), ce qui peut faciliter le dialogue autour de sa pratique ;
– inciter le jeune à consulter.
Conduites parentales à éviter
Il ne faut pas :– être soi-même un parent « connecté » à tout moment ;
– permettre les supports numériques dans la chambre de l’adolescent ;
– banaliser, se désintéresser, dénigrer, dramatiser la pratique ;
– ne pas fixer de limites claires et être en désaccord parental.
Troubles des conduites alimentaires
L’anorexie mentale a un taux d’incidence faible de 1 à 2 %, elle touche principalement les filles (10 filles pour 1 garçon) et survient rarement avant la puberté. La boulimie a une prévalence plus élevée et touche entre 1 et 3 % de la population avec un ratio de 3-4 filles pour 1 garçon. L’enjeu est le repérage le plus précoce possible (tableau 2 ).
Risques évolutifs
Les risques somatiques peuvent être lourds de conséquence, et les conséquences psychologiques et sociales entravent le devenir à l’âge adulte. On retrouve les mêmes comorbi- dités qu’avec les addictions aux produits tels que l’alcool ou les toxiques : dépression, alexythymie, trouble de la personnalité dépendante, antécédents d’anxiété de séparation.
Il est essentiel d’associer une prise en charge somatique (médecin traitant, pédiatre) et pédopsychiatrique (tableau 3 ).
Il est essentiel d’associer une prise en charge somatique (médecin traitant, pédiatre) et pédopsychiatrique (
Pourquoi prendre en charge les parents ?
Les troubles du comportement alimentaire ne répondent pas à une seule cause mais sont à la croisée de facteurs biologiques, génétiques, sociaux, environnementaux et familiaux. Sans stigmatiser les parents, un abord familial aide à la prise en charge de l’adolescent à un moment où l’accès à l’autonomie et les règles éducatives s’entrechoquent. De plus, dans les troubles du comportement alimentaire, les patients sont souvent dans le déni de leur trouble et les parents se retrouvent alors seuls porteurs de la demande de soins.
Les entretiens familiaux aident à construire une alliance thérapeutique, à soutenir le groupe familial face à l’épreuve de la maladie et à repérer les dysfonctionnements qui peuvent participer au maintien de la maladie. En effet, le symptôme a une fonction dans l’équilibre familial et ne pas le prendre en compte risque de mener à des échecs thérapeutiques. L’évolution de la maladie est influencée par la qualité des relations familiales sans que les théories de causalité familiale ne soient pour l’instant démontrées.
Les recommandations actuelles préconisent dans l’approche pluridisciplinaire un abord familial (tableau 4 )
Les entretiens familiaux aident à construire une alliance thérapeutique, à soutenir le groupe familial face à l’épreuve de la maladie et à repérer les dysfonctionnements qui peuvent participer au maintien de la maladie. En effet, le symptôme a une fonction dans l’équilibre familial et ne pas le prendre en compte risque de mener à des échecs thérapeutiques. L’évolution de la maladie est influencée par la qualité des relations familiales sans que les théories de causalité familiale ne soient pour l’instant démontrées.
Les recommandations actuelles préconisent dans l’approche pluridisciplinaire un abord familial (
Différentes modalités de prise en charge de la famille
L’approche familiale est incontournable. Elle permet à l’entourage de mieux comprendre le trouble addictif du proche, d’intervenir de façon adaptée, d’aider celui-ci à une maîtrise responsable de sa pratique tout autant que prévenir un risque de « rechute ». Elle est réalisée sous plusieurs formes.
Consultation parentale
Il s’agit d’un espace d’accueil dédié aux parents, en place dans de nombreux centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). Les entretiens portent sur l’évaluation de la dépendance, son retentissement à différents niveaux, la dynamique familiale, les pratiques éducatives, les offres de prise en charge.
Thérapie familiale
Les objectifs de la thérapie familiale sont d’aider les familles à se décentrer des symptômes addictifs, à avoir des modalités relationnelles moins rigides et à permettre à chacun de ses membres d’asseoir une identité et des limites plus satisfaisantes.
Thérapie familiale systémique
La thérapie familiale systémique traite la famille dans son ensemble. La famille est considérée comme un système dysfonctionnant où le comportement de dépendance sert inconsciemment à réguler l’homéostasie.
Thérapie multifamiliale
La thérapie multifamiliale consiste à traiter ensemble plusieurs familles (avec les patients) autour d’un même problème avec pour objectif de créer une « communauté soignante ». Elle combine à la fois des approches de thérapie familiale, de thérapie de groupe et une approche psycho-éducative.
Thérapie familiale multidimensionnelle
La thérapie familiale multidimensionnelle est centrée sur les conduites addictives des adolescents (cannabis, alcool, jeux vidéo). Elle combine la connaissance du développement de l’adolescent et des facteurs de risque et de protection qui permettra des interventions ciblées au sein des familles. Elle comprend des séances familiales et d’autres extrafamiliales (par exemple rencontre avec l’école du patient) et des séances à domicile en cas de crises. Le cadre est plus souple que celui de la thérapie familiale classique.
Groupe de parents
Il s’agit de rencontres avec d’autres professionnels (autres que ceux de leur enfant ou adolescent en cours de suivi) et avec d’autres parents réunis autour des mêmes difficultés. Les enjeux sont de permettre aux parents présents d’exprimer leur ressenti face au comportement addictif (agressivité, culpabilité), face à la problématique adolescente de séparation-individuation (devenir adulte), de trouver d’autres modalités de réponse notamment en favorisant le partage d’expériences et la recherche de stratégies éducatives adaptées, enfin de retrouver un sentiment de compétence.
CINQ GRANDS PRINCIPES
Le médecin traitant, en raison de sa proximité, est en première ligne dans la prévention et le dépistage précoce des troubles addictifs. Son rôle est fondamental pour informer, accompagner, orienter mais aussi pour rassurer des parents souvent en détresse. Le rôle de la famille est toutefois prioritaire en matière d’éducation et, dans les problématiques addictives, de prévention. Les interventions auprès de la famille visent à favoriser le développement affectif, psychologique et social de l’adolescent3 et s’articulent autour de cinq principes fondamentaux : amour et lien (développer et soutenir une relation étayante) ; supervision et observation (connaissance des activités de l’adolescent par les parents et contrôle) ; guidance et limites (règles et valeurs familiales) ; offre d’un modèle et d’avis éclairés (au sujet entre autres de prises de décision) ; création d’un environnement extra-familial soutenant et stimulant.
Références
1. Laqueille X, Chassagnoux A (coord.). Pratiques cliniques en addictologie. Paris : Cahiers de Sainte-Anne, Lavoisier Médecine Sciences, 2017.
2. Spilka S, Le Nezet O. Les addictions sans produit : état des lieux, In Jeunes et addictions (coord. Beck F.). Saint-Denis : OFDT, 2016 : 38-44.
3. Spapen P, Angelidis T, Antoniali V, Van Gerwen K, Pelc I, Verbanck P. La thérapie familiale multidimensionnelle des adolescent(e)s dépendants du cannabis. Une nouvelle approche systémique en Europe dans le cadre d’une recherche plurinationale. Thérapie Fam 2010;2:117-32. https://www.cairn.info/revue-therapie-familiale-2010-2-page-117.htm
2. Spilka S, Le Nezet O. Les addictions sans produit : état des lieux, In Jeunes et addictions (coord. Beck F.). Saint-Denis : OFDT, 2016 : 38-44.
3. Spapen P, Angelidis T, Antoniali V, Van Gerwen K, Pelc I, Verbanck P. La thérapie familiale multidimensionnelle des adolescent(e)s dépendants du cannabis. Une nouvelle approche systémique en Europe dans le cadre d’une recherche plurinationale. Thérapie Fam 2010;2:117-32. https://www.cairn.info/revue-therapie-familiale-2010-2-page-117.htm